Pair-aidance

Pair-aidance

La pair-aidance c’est quoi ?

La pair-aidance est définie par C. Bellot et J. Rivard (s.d.) de la manière suivante : « L’approche par les pairs s’inscrit dans une dynamique d’intervention fondée sur la ressemblance entre l’individu portant le rôle d’intervention et celui portant le rôle de bénéficiaire ». (Gesmond et al., 2016)

En bref, la pair-aidance c’est l’accompagnement par des personnes qui nous ressemblent et nous comprennent au vu de leur vécu similaire.

Origine de la pair-aidance

La pair-aidance se construit d’abord aux Etats-Unis avec la création des « Alcooliques Anonymes » dans les années 1930. En Belgique le premier exemple de pair-aidance s’appelle « les experts du vécus ». Les membres de ce groupe partageaient une expérience concernant la pauvreté et l’exclusion sociale et ont décidé d’unir leurs forces pour améliorer l’accessibilité aux services. (PPS Social Integration, s.d.)

Qui sont les pairs-aidants ?

Le plus souvent ce sont des anciens usagers des anciens bénéficiaires de l’action sociale qui interviennent en complémentarité des travailleurs sociaux en accompagnant le public afin de partager leur expérience et leurs connaissances.

Quelles sont les valeurs de la pair-aidance ?

La pair-aidance repose sur différentes valeurs mentionnées par l’ASBL En route (2022). L’ASBL est une fédération belge de pair-aidants qui tend à la valorisation du savoir expérientiel. Elle apporte son soutien aux personnes dans les secteurs de santé mentale, des assuétudes et de la précarité. Les valeurs mises en avant sont les suivantes :

  • Respect mutuel
  • Équité, égalité entre les pair-aidants et les personnes qu’ils soutiennent
  • Espoir, les pair-aidants inspirent l’espoir en fournissant des preuves tangibles de rétablissement et d’intégration
  • Confiance mutuelle
  • Acceptation et compréhension
  • Tolérance
  • Discrétion
  • Solidarité
  • Authenticité

Mais qu’est-ce que le savoir expérientiel ?

Pour illustrer, le savoir expérientiel est défini selon Eve Gardien comme « Un processus lié à la vie quotidienne, il est élaboré au quotidien à partir d’informations issues de l’expérience personnelle, il est composé de savoir-faire, dire et être, incorporés à la personne ; ce savoir n’est pas réductible à l’expérience, il puise son élaboration à partir d’acquisitions antérieures et d’apprentissages diversifiés ». (Gardien, 2019)

Mais l’autrice précise aussi que « Le savoir expérientiel ne concerne pas que l’expérience, il s’étend et comprend toutes formes d’activités humaines, savoirs d’action, technique, procédurale, théorique ». Cependant, il est important de dissocier le savoir expérientiel de l’expérience personnelle, en l’analysant dans un contexte plus précis. Par conséquent les expériences communes propres aux intervenants vont leur permettre de créer une relation d’entraide mutuelle et d’échange d’expérience.

Les bénéfices de la pair-aidance d’un point de vue soin

Les pairs-aidants mettent leur vécu au service des autres. Ce qui peut notamment amener les bénéficiaires à s’engager dans un parcours de rétablissement. Ils s’investissent alors car ils se reconnaissent dans les difficultés que les pairs ont affrontées.

La prise en charge complémentaire du pair-aidant à celui des travailleurs sociaux permet d’apporter un accompagnement supplémentaire et d’aller plus loin dans la communication. Tommy Thiange, membre du réseau Nomade, précise que « La participation des pairs humanise le soin. Elle tisse des liens entre l’usager et le professionnel, elle permet de développer une relation d’aide plus équilibrée, horizontale et partagée. C’est en fait une opportunité pour créer, construire, une relation basée sur les savoirs et les ressources de chacun.e. Dans une société qui se veut démocratique, prendre en compte la parole des premier.e.s concerné.e.s devrait relever de l’évidence ». (Guide Social, s. d.)

Pair aidance et indépendance

D’ailleurs plusieurs bénéfices sont observables pour les usagers qui ont travaillé avec un pair.

Repper et T. Carter (s.d.) sont tous les deux professionnels travaillant sur l’accompagnement par la pair-aidance à l’université de Nottingham. Ils ont mis en avant plusieurs éléments intéressants dans leur écrit intitulé « L’utilisation de l’expérience personnelle pour soutenir ceux ayant des difficultés similaires ». Je vais vous présenter les différents bénéfices que j’ai pu relever et qui me semblent pertinents.

La reprise du pouvoir d’agir fait partie d’un des bénéfices de la pair-aidance. L’implication dans une démarche de soutien par les pairs a conduit à un sentiment accru d’indépendance. On parle notamment de stabilité au niveau du travail, de l’éducation et de la formation, ce qui engendre un sentiment d’autonomie, d’estime de soi et de confiance. (Repper & Carter, 2013)

Pair aidance et communauté

Repper et Carter (2013) font aussi référence au fait que la pair-aidance permet aux usagers de créer de nouvelles relations hors « patient ». Ces nouvelles relations permettent d’augmenter le sentiment de sécurité et de soutien dans l’environnement social des usagers. (Repper & Carter, 2013)

Nelson et ses collaborateurs (Nelson et coll. 2007) rapportent quant à eux qu’après trois ans de suivi, les usagers impliqués de façon continue dans des programmes de soutien par la pair-aidance, ont enregistré de meilleurs scores que ceux des groupes de comparaison sur une échelle de mesure de l’intégration à la communauté. Ce qui est confirmé par d’autres collaborateurs qui ont remarqués une nette amélioration du soutien sociale, des compétences sociales et un meilleur fonctionnement social chez les usagers ayant bénéficié de la pair-aidance. (Repper & Carter, 2013)

Toujours selon Repper et Carter (2013), Ochoka et ses collaborateurs ont constaté une diminution d’identification de la stigmatisation comme un obstacle. En particulier car les pairs-aidants « incarnent la possibilité de la reconnaissance et du succès, de sorte qu’ils peuvent surmonter les barrières engendrées par l’auto-stigmatisation qui n’est autre que l’anticipation d’être discriminé » (Repper & Carter, 2013)

Qu’est-ce qu’en disent les organismes ?

Par exemple, depuis 2007 aux Etats-Unis, la pair-aidance est considérée comme une pratique basée sur des faits indéniables par le « Center for Medicare and Medicaid Services ». L’OMS quant à lui considère que la pair-aidance est bénéfique tant pour le pair-aidant que pour la personne accompagnée. Plusieurs avantages à la pair-aidance ont été relevés tels que :

  • Amélioration de l’utilisation des services
  • Meilleures relations thérapeutiques avec les prestataires
  • Augmentation de l’autonomisation et de l’épanouissement personnel

Inconvénient majeur de la pair-aidance : rémunération

La rémunération et le statut du pair aidant peut-être défini sous plusieurs statuts : salariés, indépendants, bénévoles. Mais si dans la plupart des cas les pairs-aidants souhaitent bénéficier du statut de salarié, la majorité des prestations restent bénévoles. Le bénévolat engendre certes une plus grande flexibilité, mais cela peut aussi précariser le « pair ». Ainsi la symbolique du « sous-statut » et la « hiérarchisation des savoirs académiques et professionnels sur les savoirs expérientiels » peut être renforcée.

« La pair-aidance n’est pas un instrument d’insertion socioprofessionnelle ou, pire, une main charitable tendue à d’ancien.ne.s usager.ère.s. Elle est l’inclusion d’intervenant.e.s à part entière, et dont l’expertise est déterminante dans l’accompagnement de publics fragilisés et dans l’évaluation des processus institutionnels qui les concernent. » (La pair-aidance en Fédération Wallonie-Bruxelles état des lieux Guide méthodologique, 2020)

Inconvénients pour les travailleurs sociaux 

Mais malheureusement cette réalité pourrait aussi être pour les différentes institutions un moyen de remplacer les travailleurs salariés par des pair-aidants afin de limiter leur cout.

« Certains voient leur métier de plus en plus dénaturé et craignent que le pair-aidant ne devienne un intervenant à moindre coût, obligé de travailler à temps plein, de révéler ses fragilités ». (Sandron 2018)

Ces mêmes travailleurs sociaux qui craignent qu’on les remplace par un pair appréhendent également que la pair-aidance crée un fossé entre « les travailleurs sociaux qui réalisent les démarches administratives » et « les travailleurs sociaux qui parlent avec les usagers ».

L’appréhension de la part des travailleurs sociaux touche aussi le pair aidant en tant que tel de manière directe. « Est-ce qu’un.e pair.e-aidant.e est capable de prendre du recul et de se décentrer de son expérience unique ? », « Est-ce qu’il ou elle va rechuter ? ».

Pair aidance et sororité : Melissa à Athènes 

L’Association Melissa qui se situe au cœur d’Athènes, regroupe parfaitement l’idée de construire une association pour et par les femmes migrantes. Fondée en 2014, cette association nait suite au déclin économique du pays et s’impose comme un sanctuaire pour les femmes migrantes.

Les bénéficiaires de l’association participent activement à son quotidien car chaque atelier ou service proposé émane d’une demande de leur part. Cette autogestion estompe donc la frontière aidé- aidant et donne une réelle place aux femmes au sein de l’association.

« Les femmes migrantes vivent une double marginalisation, en tant que femme et en tant que migrantes », Nadina Christopoulou, co-fondatrice de Melissa. « Mais elles sont aussi des agents de changement. Melissa signifie abeille en grec, c’est un clin d’œil à l’ingéniosité des femmes. Dans les ruches, les abeilles ouvrières sont toujours féminines, donc c’est pour nous une métaphore de l’autonomisation productive des femmes et de leur capacité à polliniser les expériences positives. Chaque petite chose que vous leur donnez, elles la multiplient ! »

L’association emploie aujourd’hui trente salariés à plein temps, dont une quinzaine sont des femmes migrantes. Le financement repose uniquement sur des donations de particuliers ou de fondations.

Environ 150 femmes et 40 enfants viennent ainsi chaque jour participer à des programmes d’alphabétisation en grec et en anglais. Elles viennent de plus bénéficier d’un soutien psychologique et social ou suivre un des ateliers proposés. Les ateliers sont regroupés en six axes : langage, support social/ mental, activité artistique, conseil juridique, bien-être, orientation/ droit du travail.

Face à l’augmentation des cas de violence en lien avec la multiplication des réseaux de passeurs, le centre a embauché plusieurs professionnels. Par exemple des psychologues, des travailleurs sociaux et des interprètes supplémentaires… Et dispense d’autre part une formation sur la prévention et la gestion des cas de violence domestique et sexuelle. L’objectif principal est alors de renforcer les mécanismes d’orientation pour les victimes.

L’une des forces de Melissa repose par conséquent sur cette notion de pair-aidance. Les femmes qui se sont rétablies des violences qu’elles ont subies s’investissent à leur tour dans l’association. Elles aident celles qui n’osent encore rien dire et partage leurs expériences. Elles créent un climat de confiance et apportent leur expertise propre et leurs ressources.

Monia Bartz

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