Hiérarchie des normes

Hiérarchie des normes

La hiérarchie des normes est une théorie du juriste Hans Kelsen.

Le mot ‘norme’ s’utilise pour parler de toutes les règles juridiques écrites. Concrètement, il s’agit de ce qu’on appelle les traités, la Constitution, les lois, les arrêtés, les règlements, etc.

La théorie de la hiérarchie des normes est centrale dans l’étude du droit. On peut imaginer cette théorie comme un classement des lois de la plus importante à la moins importante ou encore comme une « pyramide d’importance ».

Par exemple, dans cette « pyramide d’importance », la Constitution est supérieure aux autres lois et règlements nationaux. Par conséquent, les lois qui contredisent la Constitution sont invalides.

L’idée est que, pour être valide, une règle doit respecter une norme supérieure dans la pyramide.

Cette théorie permet donc de mieux comprendre comment les différentes lois d’un État interagissent et quelle norme est prise en compte si différents textes se contredisent.

La doctrine de la séparation des pouvoirs

Avant d’expliquer comment la hiérarchie des normes s’interprète en droit belge, il est crucial de comprendre le fonctionnement et les compétences des différents pouvoirs belges.

En Belgique, on distingue trois formes de pouvoirs : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Montesquieu et Locke ont beaucoup théorisé sur le sujet. Selon eux, pour limiter les abus de pouvoir, ces trois pouvoirs doivent être séparés. Ils doivent fonctionner indépendamment les uns des autres. Ainsi, une même entité ne devrait pas être en charge du législatif et de l’exécutif par exemple.

Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Le pouvoir législatif

Il comprend les entités qui créent et élaborent les lois.

Au niveau fédéral (national), les deux chambres du parlement (la Chambre des représentants et le Sénat) sont compétentes. Le Roi, quant à lui, a le rôle de signer les lois. On dit que par sa signature, il les sanctionne et les promulgue.

Au niveau des entités fédérées (les communautés et les régions), les Parlements (des régions ou des communautés) sont compétents. Le Roi ne joue alors plus aucun rôle.

Le pouvoir exécutif

Il comprend les entités qui « exécutent » les lois.

Au niveau fédéral (national), le gouvernement fédéral, les services publics fédéraux, l’administration, la police ou encore l’armée sont en charge d’exécuter les lois.

Au niveau des entités fédérées (les communautés et les régions), les gouvernements communautaires ou régionaux ou encore l’administration ont la charge d’exécuter les lois.

Le pouvoir judiciaire

Il contrôle l’application des lois. Il sanctionne également leur non-respect.

Ainsi, les cours, les tribunaux ou encore le parquet ont cette charge.

La hiérarchie des normes en bref

Il existe plusieurs types de normes. Et toutes n’ont pas la même importance.

En effet, certaines ont plus d’importance que d’autres.

En Belgique, la hiérarchie est la suivante :

Hiérarchie des normes 2

Hiérarchiquement donc, le droit Européen prime sur le droit national.

Au sein du système national, la Constitution prime sur toutes les autres normes.

L’idée de la hiérarchie des normes est que, pour qu’une norme soit valide, la norme inférieure doit respecter la norme supérieure.

Ainsi, par exemple, une loi ordinaire ne peut pas contredire, altérer ou modifier une loi spéciale. De même, une loi spéciale ne peut pas contredire, altérer ou modifier la constitution.

Lorsque deux normes se trouvent au même niveau et se contredisent, on applique deux principes qui permettent de régler les conflits :

– Lex posterior derogat priori : la loi la plus récente prime sur la loi la plus ancienne;

– Lex specialis derogat legi generalis: la loi la plus spécifique prime sur la loi la plus générale.

Impact sur la société

 Au-delà du droit, cette théorie permet la compréhension de la structure et de l’organisation de la société.

Prenons un exemple concret.

La Constitution contient une clause punissant toutes les formes de discrimination. Si une loi discriminante envers les personnes âgées passe en Belgique, sera-t-elle valide ?

Non. En effet, la hiérarchie des normes nous permet de comprendre que cette loi discriminante sera invalide car contraire à une norme supérieure (la Constitution). En d’autres termes, on considèrera que cette loi n’existe pas car elle est contraire à la Constitution.

Controverse juridique

Il faut noter que les juristes ne sont pas tous d’accord sur la place que chaque norme devrait avoir dans la pyramide.

Concrètement, le débat porte principalement sur la place du droit Européen par rapport à la Constitution. En effet, la Cour de justice de l’Union Européenne, dans l’arrêt Internationale Handelgesellschaft, a établi que la droit Constitutionnel des États doit se plier au droit Européen. Pourtant, la Cour Constitutionnelle belge a établi à plusieurs reprises que les traités occupent une place inférieure à celle de la Constitution.

La relation entre les deux normes reste donc complexe. Dès lors, notre pyramide représente le point de vue de la Cour de justice de l’Union Européenne.

Cela étant dit, cette controverse ne change quasiment rien pour les justiciables. Nous le mentionnons ici pour votre culture générale.

Les différentes normes expliquées

Précédemment, nous avons constaté qu’il existe plusieurs types de normes.

Pour mieux appréhender la place de chaque norme dans cette hiérarchie, il nous semble important de comprendre les différents types de normes constituants la pyramide. 

Le droit européen

Celui-ci se compose des lois et textes qui dirigent les pays membres de l’Union Européenne.

Le droit européen est élaboré par les institutions de l’union : la Commission, le Parlement de l’union européenne, le Conseil de l’union européenne.

Les textes principaux sont deux traités (le traité sur l’union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’union européenne). En plus des traités fondateurs, les lois créées par l’union sont appelées règlements et directives.

Ainsi, le règlement général sur la protection des données (RGPD) représente un bon exemple de ce qui constitue le droit européen.

La Constitution

La Constitution constitue la loi supérieure qui organise l’État. Elle attribue les pouvoirs et compétences aux entités fédérées (Communautés et Régions).

Les lois spéciales

Ce sont des lois pour lesquelles une majorité renforcée (+ de 66%) est nécessaire.

Les lois spéciales portent souvent sur des matières spécifiques définies dans la Constitution.

Par exemple, pour conférer plus de compétences aux régions, il faut passer par une loi spéciale.

Les lois ordinaires

Les lois ordinaires sont des lois pour lesquelles une majorité simple (+ de 50%) est nécessaire.

Elles sont prises par les deux chambres du parlement fédéral. En outre, le roi doit les signer pour qu’elles rentrent en vigueur.

Les décrets

Un décret est une loi adoptée par les communautés et régions.

Il s’agit donc de la même chose qu’une loi ordinaire. Mais prise par les entités fédérées sur des sujets sur lesquelles ces entités sont compétentes pour légiférer.

Les décrets ont la même valeur que les lois ordinaires.

Les ordonnances

Une ordonnance est le nom qu’on donne à une loi prise par la région Bruxelloise.

Le principe ressemble exactement à celui du décret. Même si une ordonnance est hiérarchiquement légèrement inférieure à un décret, il est ici plus facile de les classer comme étant similaires.

Les arrêtés

Un arrêté représente un règlement (et pas une loi) prise par un pouvoir exécutif (le gouvernement fédéral, ou un gouvernement régional ou communautaire). L’arrêté a pour but d’exécuter une loi, un décret ou une ordonnance.

Vérifier le respect de la hiérarchie des normes

Maintenant que nous avons vu la hiérarchie et les normes, penchons-nous sur la question suivante. « Qui surveille si la hiérarchie des normes est respectée ? »

Le pouvoir judiciaire est compétent pour vérifier si la hiérarchie des normes est respectée. On appelle parfois le pouvoir judiciaire « le gardien de la hiérarchie des normes ».  

Il existe différents contrôles que le pouvoir judiciaire peut utiliser pour vérifier du respect de la hiérarchie.

Tout d’abord, le contrôle de constitutionalité. La Cour Constitutionnelle vérifie la conformité d’une loi, décret ou ordonnance par rapport à la Constitution.

Ensuite, le contrôle de légalité. Le Conseil d’état vérifie la conformité des actes administratifs aux règles supérieures. Il regarde si un arrêté est conforme aux lois, ordonnances, décrets. Le Conseil d’État ne peut pas annuler de normes législatives.

Enfin, le contrôle de légalité de la Cour de Cassation. La Cour de Cassation vérifie les décisions juridictionnelles par rapport au droit interne.

Lorsque le pouvoir judiciaire constate que la hiérarchie des normes n’a pas été respectée, la conséquence est la suivante :

Selon l’article 159 de la Constitution belge et l’Arrêt Le Ski, lorsqu’un juge remarque que l’application des normes dont il est saisi n’est pas conforme aux normes supérieures, il écarte l’application des normes inférieures contradictoires. Les normes qui ne respectent pas la hiérarchie sont donc annulées.

Emma Pecqueux

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Références juridiques

Constitution belge

Ressources

A venir

Pour aller plus loin

– Alen A. La relation entre la Constitution belge et le droit européen

– Corten O. et Schaus A.n Le droit comme idéologie : Introduction cirtique au droit belge, Editions de l’Université de Bruxelles, 2009

– Centre de recherche et d’information socio-politiques, Hiérarchie des normes, CRISP, 2023

– Cours de Droit, La hiérarchie des normes en droit belge, Cours de Droit.net, 20 février 2023

– MCMS, Image : Principe de séparation des pouvoirs, MSMS, 4 septembre 2022

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