Reconnaissance de paternité/coparenté

Reconnaissance de paternité

Quelques définitions

Pour bien comprendre ce que signifie la reconnaissance de paternité/coparenté, il faut revenir sur quelques notions juridiques.

La filiation

Au sens large, la filiation recouvre les aspects juridiques, biologiques et socio-affectifs. Dans le cadre de la question de la reconnaissance de paternité/coparenté, on parle plutôt de filiation au sens juridique.

Cette filiation peut s’établir de plusieurs manières. Par la loi, par la reconnaissance ou par voie judiciaire.

La maternité

On peut définir juridiquement la maternité comme le lien de filiation maternelle. En vertu de ce lien juridique, la mère et l’enfant sont liés. Cela entraîne différentes conséquences juridiques comme l’obligation alimentaire, par exemple.

En principe, ce lien de filiation maternelle s’induit de l’acte de naissance. On dit qu’en Belgique, « la mère est certaine ». En effet, l’identité de la femme qui accouche apparaît sur l’acte de naissance. Cette dernière est donc légalement la mère de l’enfant.

La paternité

De même que pour la maternité, on peut définir la paternité comme le lien de filiation paternelle. Ce lien entraîne les mêmes conséquences juridiques que pour les mères. Il existe différents moyens d’établir ce lien de filiation. C’est l’objet du présent article.

La coparenté

Depuis la loi du 5 mai 2014, on peut établir un lien de filiation entre l’enfant et la coparente. Cette loi permet à un couple de femmes de ne plus passer par le mécanisme de l’adoption. En effet, jusque-là, lorsqu’une des deux femmes accouchait, l’autre n’avait d’autre choix que d’adopter l’enfant. Il s’agissait de l’unique moyen de reconnaitre un lien légal entre elle et l’enfant.

Désormais, pour les femmes mariées, on reconnait la filiation de la coparente, comme pour les couples hétérosexuels. Pour les couples non mariées, la compagne de la mère peut reconnaître l’enfant aux mêmes conditions qu’un homme dans les mêmes circonstances.

La reconnaissance de paternité/coparenté

La reconnaissance constitue un acte personnel. Il s’agit de déclarer qu’il existe un lien de filiation entre l’enfant et soi.

Dès lors, d’un point de vue juridique, cette reconnaissance revête ce qu’on appelle un effet déclaratif. Elle ne constitue pas le lien de filiation. Elle ne le crée pas non plus. Simplement, elle constate ce lien. Cela entraîne un effet rétroactif. En d’autres termes, on considère alors que ce lien a toujours existé depuis la naissance de l’enfant.

Quid de la reconnaissance mensongère de paternité ?

La reconnaissance de paternité ne concerne pas exclusivement les pères biologiques. Ainsi, tout homme a la possibilité de reconnaitre un.e enfant, pour autant qu’il obtienne les consentements que la loi impose.

Dès lors, l’officièr.e de l’état civil ne peut refuser la déclaration de reconnaissance que dans deux cas. Si les consentements nécessaires manquent ou si la reconnaissance ne respecte pas les règles relatives à l’interdit de l’inceste.

Cependant, la loi a ajouté une autre condition en 2017. Désormais, il faut aussi s’assurer que cette reconnaissance ne vise pas uniquement à obtenir un avantage en matière de séjour.

La reconnaissance anté-natale

Définition

La reconnaissance anté-natale concerne la reconnaissance du lien de filiation avant la naissance de l’enfant. Deux cas de figures se présentent : les couples mariés et les couples non mariés.

Pour les couples mariés

Si le couple est marié, le/la conjoint.e est présumé.e être le père ou la coparente de l’enfant. Dès lors, il ne faut effectuer aucune démarche. Le lien de filiation sera établi de manière automatique.

D’ailleurs, cette présomption peut continuer jusque 300 jours après le divorce. Ainsi, on peut présumer légalement l’ex-conjoint.e comme le père/la coparente de l’enfant né.e dans les 300 jours qui suivent le divorce. Cependant, la loi prévoit différents cas dans lesquels cette présomption ne s’applique plus.

Pour les couples non mariés

Dans le cas d’un couple non marié, avant que la mère accouche, son compagnon ou sa compagne peut reconnaitre le lien de filiation avec l’enfant à naître. Il/elle a besoin de l’accord de la femme enceinte.

La reconnaissance au moment de la déclaration de naissance

Peu après la naissance, il faut déclarer celle-ci. A cette occasion, l’officièr.e d’état civil établit un acte, nommé « acte de naissance ». Cet acte reprend notamment l’identité de la femme qui a accouché, la mère. Pour les couples mariés, il reprend automatiquement l’identité du/de la conjoint.e, présumé.e père/coparente.

La reconnaissance après la déclaration de naissance

Pour les reconnaissances de paternité tardives (après la naissance, comme dans le cas d’espèce), il n’y a aucune limite de temps prévue par la loi. Ainsi, elle peut avoir lieu même après la majorité de l’enfant. 

Cependant, les règles diffèrent selon l’âge de l’enfant.

Différences selon l’âge de l’enfant

Ainsi, si l’enfant a moins de 12 ans, il faut l’accord de la mère. 

S’il/elle a plus de 12 ans, et moins de 18 ans, il faut l’accord de la mère et de l’enfant. 

S’il/elle est majeur.e, il faut l’accord de l’enfant uniquement.

Lorsque mère et/ou enfant sont d’accord

Dans ces hypothèses, le Code civil prévoit que le père peut simplement déclarer sa paternité à l’officièr.e d’état civil du lieu de naissance de l’enfant. Il devra, évidemment, prouver l’accord de la mère et/ou de l’enfant.

En cas de désaccord de l’enfant

Dans les cas où il faut l’accord de l’enfant, le père ne peut passer outre. Sans l’accord de l’enfant, impossible d’établir alors le lien de filiation.

En cas de désaccord de la mère

Autorisation judiciaire de reconnaissance

Dans les cas qui imposent l’accord de la mère, le père doit introduire une procédure devant le tribunal de la famille. Il espère, ainsi, obtenir une autorisation judiciaire. Celle-ci lui permettra ensuite de déclarer le lien de filiation à l’officièr.e d’état civil.

Au cours de la procédure, chaque partie transmet ses arguments au/à la juge. Cela se fait par le biais d’un argumentaire appelé « conclusions ». Chaque avocat.e rédige des conclusions, accompagnées des preuves si besoin.

Le/la juge doit alors trancher. Pour ce faire, il/elle va d’abord vérifier la véracité biologique de la demande. Puis, il/elle devra estimer quel est le meilleur intérêt de l’enfant quant à la reconnaissance du lien de filiation par le père biologique, compte tenu des circonstances. 

Contrôle de la vérité biologique

Lorsque la mère n’est pas d’accord avec la demande de reconnaissance, le tribunal examine donc en premier lieu la réalité biologique de la filiation.

En effet, si le demandeur n’est pas biologiquement le géniteur de l’enfant, le tribunal refusera de donner l’autorisation judiciaire de reconnaissance.

Dans certains cas, le père dispose des preuves de sa paternité biologique. Alors, il les ajoute à ses conclusions.

Dans le cas contraire, il peut demander des tests pour confirmer sa paternité.

L’intérêt de l’enfant dans le cadre de la reconnaissance

Une fois la paternité établie d’un point de vue biologique, le/la juge examine l’intérêt de l’enfant.

Le contrôle de l’intérêt de l’enfant pour autoriser ou non la reconnaissance prend une place importante. Du moins, en théorie. Car, on peut mettre un peu ce qu’on veut dans cette notion, parfois.

Le/la juge doit tenir compte de l’intérêt de l’enfant dans sa décision, quel que soit l’âge de l’enfant. En effet, la réalité biologique ne suffit pas forcément. Et dans certains cas, la loi reconnait que la reconnaissance de paternité peut causer un préjudice à l’enfant.

Il revient alors au/à la juge d’évaluer chaque cas.

Il s’agit, en l’occurrence, de l’application du principe prévu à l’article 22bis de la Constitution. Cet article reprend l’obligation internationale prévue à l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant.

En vertu de ce principe, il faut tenir compte de l’intérêt de l’enfant de manière primordiale dans toute affaire qui le/la concerne. Cela implique que l’intérêt de l’enfant ne prime pas. En revanche, cet intérêt doit occuper une place importante dans la balance de tous les intérêts présents.

Une distinction entre la reconnaissance du lien de filiation et les droits qui en découlent

Plusieurs jurisprudences insistent sur la distinction qu’il faut faire entre la reconnaissance de paternité et les droits qui en découlent.

Selon ces décisions de justice, autoriser la reconnaissance n’implique pas de donner l’autorité parentale ou le droit d’hébergement au père.

Quelques cas concrets

Il n’y a pas de jurisprudence constante sur la définition donnée à l’intérêt de l’enfant de voir sa filiation établie. Voyons donc quelques affaires à cet égard.

Ainsi, un juge a estimé que le comportement ultra violent de monsieur ne constituait pas un frein à la reconnaissance. Dans le cas d’espèce, le comportement tellement problématique de Monsieur avait mené à plusieurs condamnations pénales. Cependant, le juge a estimé que reconnaître le lien de filiation n’entraînait pas de risques de déséquilibre affectif ou psychique pour l’enfant.

En revanche, dans un autre cas, les violences commises par monsieur sur la mère de l’enfant constituaient une raison suffisante pour refuser de reconnaitre sa paternité. Dans cette affaire, monsieur avait tenté à plusieurs reprises de tuer l’enfant quand il se trouvait encore dans le ventre de sa mère.

Malheureusement, d’autres juges estiment, au contraire, que les violences commises par le père ne constituent pas un frein à la reconnaissance de sa paternité. D’autant plus quand les violences ne concernent que la mère.

Mais, il arrive que le juge estime quand même que les violences soient un motif de refus. Ainsi, dans une affaire, le juge a pris en compte la condamnation pénale de monsieur en raison de coups et blessures portés sur madame. Notons cependant qu’en l’occurrence, monsieur n’avait pas noué de contact affectif avec l’enfant avant la condamnation. De plus, il ne s’en était jamais préoccupé. 

De manière générale, il semble que si monsieur a exercé un rôle parental (par exemple, en vivant avec l’enfant et en créant ainsi avec lui un lien parental, même imparfait voire violent), les juges estiment majoritairement que l’intérêt de l’enfant penche vers la reconnaissance. 

Pour autant, l’absence de lien entre le géniteur et l’enfant ne constitue pas forcément un empêchement à la reconnaissance.

Une lecture féministe de l’intérêt de l’enfant

Au sein de Femmes de droit, nous constatons trop souvent qu’on ne définit pas correctement l’intérêt de l’enfant. En effet, pour nous, il consiste surtout à ce que l’intégrité physique, psychique, sexuelle et corporelle de l’enfant soit protégée.

Bien sûr, nous entendons l’argument selon lequel il faut différencier le lien de filiation et les droits qui en découlent. Mais, en pratique ? Est-ce le cas ?

Ben, en pratique, les hommes violents à qui on reconnait un lien de filiation utilisent ce lien pour continuer leur emprise sur leurs victimes. Non seulement l’enfant n’est pas protégé. Mais, en plus, la mère continue, elle aussi, à subir les violences. C’est notamment le cas à travers les procédures judiciaires qui n’en finissent pas. Il est temps que cela change.

Pourtant, l’enfant et ses intérêts devraient se situer au centre de la réflexion. Ce plus, celle-ci devrait se baser sur les connaissances les plus actuelles des besoins des enfants.

Or, plusieurs études démontrent qu’un compagnon/mari violent est un mauvais père. La Fédération Wallonie-Bruxelles en relaient même certaines, notamment via le site de Yapaka.

Pourtant, il est fréquent d’entendre l’inverse devant le tribunal. Ainsi, pour certain.e, un mauvais mari ne ferait pas nécessairement un mauvais père.

Cependant, si on ose frapper une femme adulte, je me demande bien par quel miracle on s’interdirait de frapper un enfant.

Pour ces raisons, nous plaidons pour que les juges tiennent mieux compte de la violence des pères dans les décisions.

Miriam Ben Jattou

Références juridiques
  • Code civil
  • Loi du 19 septembre 2017 modifiant le Code civil en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse, M.B., 4 octobre 2017.
Ressources

A venir

Pour aller plus loin

 

  • Leleu, Y.-H., Droit des personnes et des familles, Faculté de droit de l’Université de Liège, Bruxelles, Larcier, 2020.
  • Droit des personnes et des familles : chronique de jurisprudence 2011-2016, Les dossiers du Journal des tribunaux, n° 107, Bruxelles, Larcier, 2018.
  • Gallus, N., Filiation, Bruxelles, Bruylant, 2016.
     
  • Massager, N. et Sosson, J., « Filiation et Cour constitutionnelle », in Actualités de droit des familles, 163, CUP, Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 57‑122.
     
  • Gysel, A.-C. van, La famille, Précis de la Faculté de droit et de criminologie de l’Université libre de Bruxelles, Limal, 2018.
     
  • Gallus, N., « La filiation », in Droit des personnes et des familles : chronique de jurisprudence 2011-2016, Les dossiers du Journal des tribunaux, n° 107, Bruxelles, Larcier, 2018, pp. 281‑346.
     
  • Loi du 19 septembre 2017 modifiant le Code civil en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse, M.B., 4 octobre 2017.

 

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