Lorsque l’on parle de viol, une idée bien trop répandue persiste encore aujourd’hui dans notre société : dans la plupart des affaires, les femmes mentiraient, exagéreraient ou chercheraient à ternir la réputation des hommes impliqués. Les fameuses « fausses accusations de viol » arrivent alors dans le débat. Le viol est pourtant un des rares et peut être l’unique crime où l’on rend la victime responsable de son agression.
Le viol est défini en Belgique par l’article 375 du Code Pénal. Il dispose que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas ». La personne n’est pas consentante lorsque la violence, la contrainte ou la ruse ont été imposés. Ou encore, lorsqu’une infirmité ou une déficience physique ou mentale de la victime ont rendu l’acte possible.
Pour rappel, les viols sont commis dans 75% des cas par une personne connue de la victime. Plus précisément, 2/3 des viols se passent dans la sphère familiale (voir le site SOS Viol). Selon l’enquête de la fondation Jean Jaurès réalisée en 2018, plus d’une femme sur dix a été victime d’un ou plusieurs viols au cours de sa vie (1).
Ce phénomène de culpabilisation des femmes agressées s’appelle le “victim blaming”. Il n’apparaît jamais ou que très rarement pour d’autres crimes. Pourtant, les fausses déclarations de vol, les fraudes à l’assurance, etc. sont beaucoup plus nombreuses que les fausses plaintes pour viol.
Cette culture du viol est profondément présente dans l’histoire, la mythologie ou la religion. Pour Valérie Rey Robert “On pense que les femmes commettent de fausses accusations car elles sont jugées manipulatrices. On le voit jusque dans les récits mythologiques. Malgré l’interdit, Pandore ouvre une boîte qui déverse tous les malheurs possibles sur le monde. Dans la Bible, les actes héroïques menés par des femmes le sont toujours de manière vicieuse, en mentant, par exemple, alors que les hommes sont vus comme justes et intelligents » (2).
Ainsi, ces accusations et cette culpabilisation des victimes permettent de maintenir en vie un système patriarcal. En effet, il fait taire les femmes, en contrôlant leur parole. Il renforce également les différents mythes et ides reçues sur le viol. Le sondage réalisé de novembre à décembre 2015 en France, par l’institut IPSOS pour l’association Mémoire traumatique et victimologie le montre : 32% des personnes interrogées considèrent que certaines victimes accusent par vengeance leur agresseur. Et 23% pour attirer l’attention (3).
Ce victim blaming a différentes et sérieuses conséquences pour la victime et pour l’ensemble de la société :
Le victim blaiming reste donc très présent dans les esprits. Pourtant, faire une fausse plainte pour viol n’a pas ou peu d’intérêt. Surtout au regard de toutes les difficultés que la plaignante doit affronter. Une femme victime de viol et ayant déposé plainte devra faire face à de nombreuses critiques. En outre, elle devra dépenser énormément d’argent en frais d’avocats. Elle dépensera également du temps dans des procédures qui peuvent durer plusieurs années. Pour certaines victimes, ces procédures deviennent même un nouveau traumatisme (après celui de l’agression). De plus, un viol étant difficile à prouver, il existe un risque pour que la plainte se retourne contre la victime présumée.
Pour Melenas Kosadinos, “C’est aussi parce qu’elles sont conscientes de tout cela que certaines femmes renoncent à porter plainte, portant la part de ceux qui le font à seulement 10%.” (5).
Il s’avère très difficile d’obtenir un chiffre précis sur le pourcentage des fausses plaintes pour viol. Les études existantes aujourd’hui sur ce sujet se basent toutes sur des critères divers et variés. Il n’existe aucun consensus sur ce qui peut être considéré comme une “fausse accusation”.
Comme l’explique l’article “Le mythe des fausses accusations de viol” du site Egalitaria, certaines études comptabilisent uniquement les plaintes qui se sont avérées être fausses. Par contre, d’autres enquêtes incluent les affaires classées par manque de preuves ou les cas où les plaintes ont été retirées. Toutefois, il est important de souligner qu’un non-lieu ou une plainte retirée ne signifie pas qu’il n’y a pas eu de viol. Il est extrêmement compliqué de prouver qu’un viol a été commis. “Le fait qu’une plainte soit retirée ne signifie pas que les faits incriminés n’ont pas eu lieu. En effet, de nombreuses victimes retirent leur plainte parce qu’elles ont subi des pressions extérieures, ont été découragées par leurs proches ou parce qu’elles n’ont pas la force de se lancer dans une procédure judiciaire longue et difficile” (6).
Voici une liste (non exhaustive) de différentes études réalisées sur la question des fausses accusations de viol :
Ainsi, aucun chiffre officiel n’existe concernant les fausses accusations de viol. Cependant, en considérant l’ensemble des résultats des études les plus fiables menées à ce sujet, on peut considérer qu’entre 2 à 8% des accusations de viol reportées à la police seraient fausses.
Ainsi, des chiffres exacts sont difficiles à obtenir. Pourtant, la très grande majorité des études démontrent que les fausses plaintes pour viol sont minimes au regard de la totalité des plaintes déposées. Ces chiffres viennent tordre le cou aux idées reçues qui accusent trop souvent les victimes de viol de mentir ou d’être responsables de leur agression.
Seules 10 % des femmes victimes de viol portent plainte. Le problème le plus important se situe donc là. Une femme victime de viol et venant porter plainte a besoin de soutien et d’écoute de la part de ses proches. Les institutions comme la police et la justice doivent également se former à la mémoire traumatique et à la victimologie. Demander à une femme comment elle était habillée lors de son agression n’est pas acceptable en 2019.
La peur des représailles, les jugements des proches, les dysfonctionnements, les procédures lourdes du système judiciaire et le sexisme institutionnalisé sont les problèmes contre lesquels nous devrions tous et toutes nous concentrer.
Louise Delette
(1) Flora Bolter, Denis Quinqueton, Jasmin Roy, LGBTPHOBIES : ÉTAT DES LIEUX 2019, Fondation Jean Jaurès, 13 mai 2019.
(2) Morgane Giuliani, Culture du viol : « Les hommes doivent apprendre à supporter que les femmes leur disent ‘non' », Marie Claire, 19 juin 2019.
(3) Enquête IPSOS, Les Français et les représentations sur le viol et les violences sexuelles, 2019.
(4) Antisexisme, Mythes sur les viols. Partie 1: Quels sont ces mythes ? Qui y adhère ?, 4 décembre 2011.
(5) Melenas Kosadinos, Pourquoi la parole des femmes victimes de violences sexuelles est-elle si souvent remise en question ?, 13 août 2018.
(6) Egalitaria, “Le mythe des fausses accusations de viol”, 28 octobre 2018.