L'humanisation des naissances​

Title: Labor among primitive peoples. Showing the development of the obstetric science of to-day, from the natural and instinctive customs of all races, civilized and savage, past and present Year: 1883 (1880s) Authors: Engelmann, George J. (George Julius), 1847-1903

Vendredi 3 juin 2022, une jeune femme a donné naissance à sa deuxième petite fille, chez elle, à Vitré en Bretagne et sans assistance médicale. Cet acte, aucunement illégal, a pourtant eu des conséquences dramatiques pour la famille. Dans le cadre d’une décision de justice, sept jours après la naissance, le bébé ainsi que sa sœur de deux ans ont été retirés de leurs parents.

Si vous lisez des articles à ce sujet, vous remarquerez peut-être des références au concept « d’humanisation des naissances » dont cet article va tacher de vous en expliquer les enjeux.

Bref historique du concept d’humanisation des naissances

Pour comprendre l’origine de ce concept, il faut remonter dans les années 70. A cette époque, des mouvements militants se structurent en Europe et en Amérique afin de lutter contre la surmédicalisation du corps maternel, mais aussi contre l’approche médico- et techno-centrée de la naissance et contre le pouvoir de décision exercé unilatéralement par le personnel médical. Les mouvements féministes qui émergent à cette époque ont permis d’accélérer cela.

Cependant, il faudra attendre seulement les années 90 pour poser un nom sur ce concept. C’est en Amérique latine que le terme d’« accouchement humanisé » fait son entrée. Puis la notion d’humanisation de la naissance s’est développée. Par exemple, en 1993 au Brésil, a eu lieu la constitution d’un collectif : le réseau pour l’humanisation de l’accouchement. L’OMS soutient ce mouvement.

Pourquoi humaniser les naissances ?

Les militantes reprochent que les processus de grossesse et d’accouchement soient surmédicalisés. De ce fait, elles défendent les droits de la femme enceinte comme par exemple la liberté de position, de boire et de manger pendant le travail et l’accouchement. Elles défendent aussi la préservation de leur intégrité corporelle en limitant les interventions invasives. Ainsi, elles militent contre deux tendances que Topçu et Brown ont décrit dans un de leur article : la techno-bio-médicalisation du corps maternel et sa pathologisation.

La grossesse et l’accouchement : des processus physiologiques et naturels

L’humanisation des naissances est une pratique qui permettrait aux femmes de se réapproprier leur corps durant cette période.

Le but est de les encourager à prendre part à la décision conjointement avec les professionnel.les de santé. Ainsi, ce concept rappelle que l’accouchement et la naissance sont des processus naturels et physiologiques relevant plus de la sphère privée que publique. D’autre part, la participation active de la femme et de l’autre parent durant ces deux processus doit avoir une place importante.

De nombreuse sage-femmes défendent ce modèle et expliquent ô combien il est important de faire confiance au corps, qu’il n’est pas fait pour souffrir. Faire confiance à la femme c’est lui laisser la possibilité d’extérioriser toutes les émotions qui la traversent. C’est lui permettre, ainsi, de sécréter chacune des hormones dont elle a besoin au bon moment. En effet, le corps est intelligent et il n’est jamais bon de casser un processus naturel.

Dans ce modèle ce n’est pas la sage-femme qui dirige, bien au contraire : elle accompagne.

Par ailleurs, les sages femmes expliquent que bien souvent c’est les parents qui se mettent leurs propres barrières. En effet, leur infantilisation (par le corps médical) durant tout le processus de grossesse va les empêcher de prendre des initiatives. Cela empêche la femme d’écouter pleinement son corps, qui sait pourtant naturellement ce dont il a besoin.

La place importante du second parent

La place du second parent dans la salle d’accouchement n’a pas toujours été ce qu’elle est aujourd’hui. C’est en effet ce qu’explique l’historienne Andrée Rivard dans l’un de ses ouvrages : « Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne ». 

A partir des années 50 et à cause de la surmédicalisation de l’accouchement, le second parent en a très vite été exclu. En effet, la femme était totalement prise en charge et souvent sous anesthésie générale ce qui a totalement marginalisé son rôle.

A partir des années 70, grâce au mouvement d’humanisation des naissances, le rôle du second parent va commencer à changer. Cependant, s’il/elle est de plus en plus accepté.e dans la salle d’accouchement, ce n’est en général que quelques minutes. Heureusement, l’arrivée de l’anesthésie péridurale va lui permettre de prendre de plus en plus part à l’accouchement.

Depuis lors, les sage-femmes ont commencé à intégrer de plus en plus le second parent dans le processus de naissance. Processus qui, au fil des années, s’est réconcilié avec sa part de naturel. Ainsi, l’autre parent a retrouvé sa place importante dans la salle d’accouchement, au point que sa présence soit presque incontournable.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Aujourd’hui, comme en témoigne le fait divers relaté au début de cet article, le processus d’humanisation des naissances n’est pas encore arrivé à son terme. Il y a encore du chemin à parcourir afin que les femmes aient pleinement le contrôle de leur corps, notamment durant les processus de grossesses et d’accouchement.

Par ailleurs, aujourd’hui de nouvelles réalités émergent auxquelles le corps médical périnatal doit s’adapter. Les différentes cultures, les couples lesbiens, les couples homosexuels et les mères porteuses ou encore la grossesse chez les personnes trans sont autant de réalités qui contribuent à la diversité des naissances et leur unicité.

Finalement, humaniser les naissances, c’est célébrer la diversité et l’unicité des naissances tout en respectant ce qu’elles ont de naturel et physiologique. C’est aussi, bien sûr, redonner à la femme, accompagnée de son ou sa compagne, le premier rôle durant cette période.

 
Fanny COUTELLER

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