Femmes et immigration

Femmes et immigration

Présentation générale

En Belgique, les femmes représentent près de la moitié des arrivées de personnes migrantes. En effet, selon le Centre Fédéral Migration (MYRIA), elles représentaient 49% des arrivées sur le territoire belge en 2015. Ces femmes viennent, dans plus de la moitié des cas, dans le cadre d’un regroupement familial.

Pourtant, on ne parle que très peu de la situation spécifique des femmes migrantes. Dans les médias ou au niveau politique, les migrants sont représentés comme un groupe homogène, composé essentielement d’hommes.

Néanmoins, tout au long de leurs parcours jusqu’en Europe, les femmes rencontrent de nombreux dangers et difficultés, spécifiques à leur genre :

  • Avant leur départ : elles peuvent parfois fuir des violences de genre (violences conjugales, mariages forcés, mutilations génitales, utilisation comme armes de guerre…). Si leur mari décède, elles se retrouvent également sans ressources économiques et doivent subvenir seules aux besoins de leur famille.
  • Pendant le voyage : les femmes doivent faire face aux dangers de viols et de violences (par les passeurs, humanitaires, soldats, autres migrants). De nombreux témoignages de femmes migrantes sont glaçants. Certaines racontent avoir du échanger leur voyage en Europe ou l’accès à de la nourriture contre des rapports sexuels. Elles encourent également le risque d’entrer dans un réseau de prostitution.
  • Une fois en Europe : bien que des efforts aient été réalisés pour prendre en compte les spécificités des situations des femmes migrantes en Belgique, de nouvelles mesures restent nécessaires pour traiter convenablement leur demande et protéger ces femmes de toute forme de violence. Les femmes qui n’obtiennent pas de titres de séjour peuvent rester sur le territoire belge et rejoindre des réseaux de prostitution, de travail au noir… où elles seront exploitées et violentées.

La convention d’Istanbul 

En 1951, la Belgique a ratifié la Convention de Genève qui définit la notion de réfugié.e comme toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques […] ».

Dans ce texte, il n’est cependant pas question des violences spécifiques basées sur le genre. 

En 2016, la Belgique ratifie la « Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ». Cette convention établit une protection des droits des femmes, migrantes et réfugiées inclues.

Désormais, les violences fondées sur le genre peuvent être reconnues comme des persécutions permettant l’attribution du statut de réfugié.e ou l’obtention d’une protection subsidiaire.

En ratifiant cette Convention, les Etats s’engagent également à développer des procédures d’accueil qui prennent en compte les questions liées au genre.

Les victimes de violence, peu importe leur statut de séjour, doivent également pouvoir obtenir une protection. Elles ne peuvent pas être refoulées vers un pays où leur vie ou leur santé seraient en danger. Les femmes victimes de violence domestique mais dont le statut de résident dépend de leur conjoint, doivent également pouvoir obtenir un permis de résidence autonome.

Actions menées par la Belgique 

Le droit belge a entrepris plusieurs actions allant dans le sens d’une protection spécifique aux femmes migrantes.

Ainsi, au sein du Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides (CGRA) certaines mesures ont été mises en place :

  • La possibilité de réaliser l’entretien avec une officière de protection et d’obtenir l’aide d’une interprète femme. 
  • Des formations spécifiques pour les officiers de protection et les interprètes 
  • Lors de l’entretien, des questions ouvertes, sans stéréotypes de genre 
  • La mise en place du poste de coordinatrice genre au sein du CGRA

Les limites 

Le rapport alternatif de la coalition « Ensemble contre les violences faites aux femmes » émet différentes critiques quand aux procédures belges de demande d’asile.

  • Les conditions pour obtenir le statut de réfugié pour des raisons liées au genre sont de plus en plus strictes (notamment dans les instances néerlandaises).
  • Les difficultés des femmes à formuler un discours cohérent et détaillé lors de leur entretien ne sont pas assez prises en compte. Pourtant, les femmes ont souvent subi des épreuves violentes et traumatisantes qui peuvent être difficiles à raconter. 
  • Les femmes migrantes n’ont souvent pas de preuves matérielles pour prouver la violence qu’elles ont subie. Les instances d’asile doivent adopter une politique plus souple quant à la charge de la preuve.
  • Il arrive que certaines femmes ne mentionnent pas les violences de genre qu’elles ont subies ou risquent comme un motif de protection (par oubli ou manque d’information). “ Les instances d’asile peuvent considérer que le fait d’évoquer ces violences tardivement dans la procédure permet de justifier le refus de la demande de protection.”
  • Les centres d’accueil pour les personnes migrantes ne sont pas adaptés aux femmes et peuvent même s’avérer dangereux.
  • La notion de “pays sûr” qui peut justifier un refus d’asile ne prend pas en compte la situation des droits des femmes. 

Le cas des violences conjugales 

Selon le rapport alternatif de la coalition « Ensemble contre les violences faites aux femmes », de nombreuses dispositions de la  Convention d’Istanbul ne sont pas respectées dans le cadre des violences conjugales. 

Par exemple : 

« […] Aucune protection n’est prévue pour les femmes issues de pays tiers qui ont obtenu un titre de séjour sur base de regroupement familial avec un conjoint qui dispose d’un titre de séjour temporaire en Belgique. Enfin, la protection ne vaut pas pour les femmes qui sont en procédure d’obtention d’un titre de séjour ou qui ne disposent d’aucun titre de séjour […]. »

De plus, les femmes qui possèdent un titre de séjour peuvent encourir un risque de le perdre en cherchant une protection contre des violences domestiques (par exemple, en quittant son mari avant d’avoir averti l’Office des Etrangers)

De la même manière, les femmes sans titres de séjour risquent l’arrestation en allant porter plainte au commissariat. Elles ne peuvent pas non plus obtenir une place d’hébergement en maison d’accueil mais uniquement en abri de nuit où les places sont limitées.

Les femmes migrantes sont d’autant plus pénalisées par le manque d’information, de ressources, de réseaux…

Louise Delette

Références juridiques

  • Loi
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