Adoption par des couples homosexuels en Belgique

adoption par des couples homosexuels

Quel est l’état du droit belge sur la question de l’adoption et les obstacles rencontrés par les couples homosexuels dans le processus d’adoption d’un enfant ?

Ce que nous dit la loi

En Belgique, l’adoption par les couples de personnes de même sexe est légale depuis la loi du 18 mai 2006. Les deux pères ou les deux mères sont désormais parents au même titre que des parents hétérosexuels.

Les types d’adoption

Il existe plusieurs types d’adoption. 

On distingue l’adoption simple et l’adoption plénière. Cette dernière confère tous les droits parentaux aux parents adoptifs comme s’ils étaient les parents biologiques de l’enfant. Cette adoption ne peut se faire qu’à l’égard des mineur.e.s.

On distingue également l’adoption interne et l’adoption internationale.

Qui est compétent et pour quoi ?

La matière de l’adoption est répartie entre les différents niveaux de pouvoir du pays.

L’État fédéral est compétent pour fixer les règles du droit civil en matière d’adoption. C’est le fédéral qui détermine les conditions de l’adoption, la composition du dossier d’adoption ainsi que la question de la nationalité.

Les Communautés sont compétentes pour la préparation des candidat.e.s adoptant.e.s, la réalisation des enquêtes sociales et l’encadrement de toute demande individuelle d’adoption interne ou internationale.

Le tribunal de la famille est compétent pour la procédure de constatation de l’aptitude à adopter des candidat.e.s adoptant.e.s ainsi que pour la procédure de constatation de l’adoptabilité d’un.e enfant.

La procédure d’adoption

Théoriquement, la procédure d’adoption est prévue par la loi. Elle est donc la même pour tout.e candidat.e à l’adoption, indépendamment de sa situation familiale, son orientation sexuelle, etc. Les étapes sont les suivantes :

(1) Cycle de préparation des candidat.e.s avec des séances d’informations, des entretiens individuels, …

(2) A la suite de ce cycle, les candidat.e.s obtiennent un certificat de préparation. Ce dernier leur permet d’adresser une demande de recevabilité de leur candidature à un organisme agréé en matière d’adoption.

(3) Lorsque la candidature est déclarée recevable par l’organisme, les candidat.e.s sont soumis.e.s à un examen psychomédicosocial.

(4) En cas de décision favorable à l’issue de cet examen, les candidat.e.s sont placé.e.s sur une liste d’attente.

(5) Phase d’apparentement : l’enfant rejoint la famille. Le tribunal de la famille ordonne une enquête sociale sur l’attitude des adoptant.e.s. Pendant 6 mois, l’enfant reste sous la tutelle légale de ses parents de naissance.

(6) A la fin de cette phase d’apparentement, le juge de la famille prononce l’adoption si les parents biologiques ont donné leur consentement à celle-ci.

(7) Suivi post-adoptif.

En pratique

Sur une période qui s’étale entre 2006 et 2014, il y a eu 6435 adoptions. Mais, seulement 48 adoptions ont été établies par des couples de même sexe. Les adoptions par des couples homosexuels ne représentent donc que 0,75 % des adoptions en Belgique.

Comment expliquer ce taux si faible d’adoption par des couples homosexuels ?

Pour qu’il y ait un taux aussi faible d’adoptions par des parents de même sexe, c’est qu’il existe une barrière empêchant ces personnes d’accéder à leur désir d’adoption.

Cette barrière se trouve au niveau de la demande de candidature auprès de l’organisme agréé en matière d’adoption.

Le constat

Il existe une recevabilité différenciée selon les catégories de candidat.e.s adoptant.e.s. Cette différence est expliquée par le mode de régulation par des quotas annuels.

Les différents acteurs de l’adoption en communauté française ont élaboré ce dispositif de régulation des demandes en se basant sur plusieurs critères « objectivables ».

Au sein de ce dispositif de régulation, une attention particulière a été portée à ce que la configuration familiale des candidat.e.s adoptant.e.s soit conforme à la position des parents de naissance. En effet, ces derniers doivent consentir à l’adoption de leur enfant au cours de la procédure judiciaire.

Par conséquent, en Belgique, les parents de naissance ont la possibilité de choisir le type de famille à laquelle ils vont confier leur enfant. Cette faculté dont dispose les parents biologiques est même reconnue dans la Convention de la Haye, Convention ratifiée par la Belgique. 

Comment ces quotas sont-ils calculés ?

Ils sont calculés en fonction du taux de refus catégoriques des parents de naissance de confier leur enfant à un couple de même sexe.

Aujourd’hui, on estime que le taux d’enfants adoptables par des parents de même sexe ne dépasserait pas les 20%. Cela signifie que 80% des parents biologiques refusent de laisser leur enfant être adopté par un couple homosexuel.

Quid de l’adoption internationale ?

Ce système ne concerne que le droit interne. Les candidat.e.s adoptant.e.s peuvent alors choisir de se tourner vers l’adoption internationale.

Malheureusement, même avec ce type d’adoption, les couples de même sexe ont très peu de chances de voir leur projet d’adoption aboutir. En effet, beaucoup de pays refusent l’adoption aux couples homosexuels ou sont très réfractaires à cette idée.

Résultat

Voilà donc la situation rencontrée par les couples homosexuels qui désirent adopter un enfant. Certains se tournent alors vers une G.P.A. (gestation pour autrui) pour voir leur rêve de famille se réaliser.

Rappelons aussi que la G.P.A. est le seul moyen dont disposent les couples d’hommes gays pour fonder une famille liée génétiquement à eux dans une société euro-américaine où le lien de sang reste prévalent dans la manière d’établir une famille.  

Critiques

Bien que le sujet de cette recherche ne porte pas sur la G.P.A., cette pratique reste cependant controversée. Pour l’éviter, il faudrait permettre un accès plus facile à l’adoption pour les couples homosexuels. La barrière érigée par le système des quotas est complètement discriminatoire même si cet aspect est voilé par le droit aux parents de naissance d’avoir un « projet de vie » pour leur enfant.

Première critique : la nécessité de l’accord des parents biologiques

Devant la loi, les familles hétéroparentales et homoparentales sont égales. Qu’est-ce qui justifie alors que l’orientation sexuelle des candidat.e.s à l’adoption peut devenir un critère d’exclusion à la sélection adoptive ? Il s’agit purement et simplement d’une discrimination dissimulée.

Outre le fait que ce ne soit pas justifié légalement, cette pratique à deux implications.

Premièrement, attribuer plus d’importance aux parents biologiques revient à privilégier la suprématie du lien de sang. Cela emporte comme risque d’insuffler un sentiment d’infériorité chez les adoptant.e.s.

Deuxièmement, cela a pour conséquence de soumettre l’homoparentalité à l’hétéroparentalité. En effet, on met en évidence le fait que devenir homoparent nécessite d’être légitimé par un contexte hétéronormatif.

Deuxième critique : l’attitude des organismes d’adoption et des travailleurs sociaux à l’égard des couples homosexuels

Une autre critique est opposée aux comportements des travailleurs sociaux que dénoncent certains papas. Ils dénoncent, en effet, l’approche dissuasive adoptée par certains travailleurs qui soulignent le faible taux de réussite du projet d’adoption des couples homoparentaux. Cela instille le doute et la démotivation au sein des candidats.

Les organismes d’adoption ont également leur part de responsabilité dans le manque d’accessibilité réelle de l’adoption aux différentes catégories d’adoptant.e.s. En effet, outre le fait que ce soit eux qui aient créé le système de régulation par quotas, il semble que beaucoup de travailleurs de ces organismes soient empreints de croyances hétéronormatives (penser que la structure familiale traditionnelle est la plus « souhaitable » et la plus « adaptée » pour un enfant).  

En résumé

Les couples homosexuels se heurtent à deux obstacles dans leur démarche d’adoption : la nécessité du consentement des parents biologiques à l’adoption et l’attitude parfois hétéronormative des organismes d’adoption qui se cachent derrière le premier obstacle pour justifier les refus de candidature. 

Solutions – pistes de réflexions   

Comment donc arriver à bout de cette discrimination flagrante vécue par les couples de même sexe ?

Il semble évident dans un premier temps que les mentalités doivent évoluer sur la question de l’adoption par des couples homoparentaux et que les travailleurs sociaux se détachent de la conception hétéronormative de la famille.

Ensuite, il faut agir sur cette condition de l’accord des parents biologiques sur l’adoption de leur enfant par des couples connaissant des situations de vies différentes. Ces parents biologiques sont eux-mêmes souvent bercés de préjugés homophobes ce qui les conduit à refuser l’adoption de leur enfant par un couple de même sexe.

De plus, la situation familiale des candidat.e.s est le seul critère qui soit précisé d’office et considéré comme devant absolument être respecté !

Il faut supprimer cette possibilité aux parents souhaitant placer leur enfant à l’adoption. Ce n’est pas juste qu’ils puissent refuser certains types de candidat.e.s à l’adoption en se basant sur des critères aussi discriminatoires.

Retirer cette exigence conduirait les organismes agréés pour l’adoption en Belgique à se passer de leur système de régulation par quotas annuels et donner une chance égale aux couples désirant des enfants, que ceux-ci soient hétérosexuels ou homosexuels. Car après tout, c’est ce que voulait la loi.  

Elise Hawotte

Pour aller plus loin

  • – MESSINA R. et D’AMORE S., « Être un couple gay et adopter un enfant : l’expérience des parents homosexuels en Belgique », Familles. Générations. Revue interdisciplinaire sur la famille contemporaine, 29, 2018.
  • Être homoparent, un chemin semé d’embûches, site de Couples et familles, 2020.
  • – AROMATARIO A., DE MORATI L. et NERA K., « L’adoption en communauté française », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2020, p. 29 et s.

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