Traite des êtres humains

Traite des êtres humains

I. Qu’est-ce que la traite des êtres humains ?  

a)      Quelle est la définition internationale de la traite ?

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits humains

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits humains, la traite des êtres humains désigne généralement le processus par lequel des personnes sont placées ou maintenues en situation d’exploitation à des fins économiques.

Nous y reviendrons un peu plus tard.

Le « Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants » (CNUTO) a donné cette première définition internationale officielle en 2000.

Selon le Protocole de Palerme

Cependant, cette Convention sert plutôt de cadre global pour lutter pour lutter contre les formes de criminalités organisées. C’est pourquoi on a ajouté un protocole additionnel à la CNUTO la même année. Celui-ci se concentre spécifiquement sur la traite des êtres humains. Il s’agit du Protocole de Palerme.

Ainsi, selon l’article 3 de ce texte :

« a) L’expression « traite des personnes » désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par  enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou  d’une  situation  de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes;

b) Le consentement d’une victime de la traite des personnes à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa a) du présent article, est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à l’alinéa a) a été utilisé;

 c) Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation sont considérés comme une « traite des personnes » même s’ils ne font appel à aucun des moyens énoncés à l’alinéa a) du présent article; »

Une définition plus concrète

Pour résumer, la traite des êtres humains consiste à recruter, transporter, transférer, héberger ou accueillir une personne en utilisant la force, la contrainte, la fraude ou l’abus de vulnérabilité, dans le but de l’exploiter.

L’exploitation inclut notamment la prostitution forcée, le travail forcé, l’esclavage, la servitude et le prélèvement d’organes.

Le consentement de la victime reste sans effet si l’un des moyens mentionnés est utilisé.

Concernant les enfants, ils/elles représentent les mineur.e.s de moins de 18 ans. On considère les enfants comme vulnérables. Ainsi, ils/elles ne peuvent être perçu.e.s comme capables de consentir à leur propre exploitation, même si aucun des moyens mentionnés plus tôt n’a été utilisé.

b)     Comment les exploitant.e.s recrutent les victimes ?

Les exploitant.e.s profitent de la vulnérabilité des victimes. Ils/elles les placent sous leurs contrôle avec de la violence physique ou psychologique. Ainsi, les victimes sont maintenues dans un état de dépendance vis-à-vis d’un logement, de la nourriture ou économiquement. 

Par ailleurs, le changement climatique, la pauvreté, les conflits augmentent les risques d’exploitation. En effet, cela rend de plus en plus de personnes vulnérables.

Ainsi, la traite d’êtres humains menace particulièrement les demandeurs et demandeuses d’asiles. Le trafic de migrant.e.s se couple en effet souvent avec la traite des êtres humains.

Selon le plan d’action contre le trafic de migrant.e.s, les passeur.e.s ciblent les centres d’accueil. Ils/elles y recrutent des personnes et les incitent à voyager illégalement ou à les exploiter. Seulement, plus les déplacements augmentent, plus les risques sont importants pour les victimes.

II. Quelles sont les principales victimes de la traite ?

a)      En chiffres

Le rapport mondial 2024 sur la traite des êtres humains démontre l’augmentation du nombre de victimes d’années en années.

Entre 2019 et 2022, le nombre de victimes de la traite d’êtres humains à des fins de travail forcé dans le monde avait déjà augmenté de 47%.

En Union Européenne, on a enregistré 10 093 victimes en 2022 selon les données Eurostat.

Ces chiffres représentent cependant uniquement les victimes enregistrées. En effet, les autorités n’identifient malheureusement qu’une partie des victimes. Leur nombre s’élève en réalité à bien plus.

A titre d’exemple, si chaque année on signale environ 1500 victimes potentielles en Belgique, le Global Slavery Index estime en réalité à 11 000 le nombre de personnes victimes d’exploitation.

Parmi les victimes, on compte majoritairement des femmes et des enfants. Ainsi, dans le monde, 38% des victimes détectées sont des enfants selon la Directrice Exécutive de l’Office des Nations Unis contre la Drogue et le crime. Les femmes et les jeunes filles représentent quant à elles environ 70% des victimes de la traite.

b)     Les femmes en première ligne

Comme précédemment établi, les femmes et les filles sont les premières victimes de la traite des êtres humains. Ces chiffres se corrèlent avec la forme d’exploitation majoritaire : l’exploitation sexuelle. 

L’exploitation sexuelle consiste en un contact ou un rapport sexuel forcé en échange d’argent ou de faveurs.

Ce type de traite comprend notamment la prostitution, la pornographie, le travail forcé et les mariages forcés. Dans ce dernier cas, les femmes et les filles mineures sont « vendues » en tant qu’épouses.

La traite a un impact particulièrement violent sur les femmes et les filles. Elles subissent, via l’exploitation sexuelle, des violences extrêmes, physiques et psychologiques et un isolement social plus prononcé encore que chez les victimes masculines.

Ces violences ont de lourdes conséquences. Cela amène par exemple des troubles de stress post-traumatique, des dépressions et de l’anxiété.

III. Quelles sont les réglementations prises pour lutter contre la traite ?

a) A l’échelle internationale

La traite des êtres humains constitue une violation grave des droits fondamentaux. Un cadre juridique important existe donc en droit international pour la combattre.

On distingue en droit international deux catégories de textes :

  • Les textes contraignants que les États doivent appliquer.
  • Les textes non contraignants qui donnent des recommandations aux États. Ils ne sont pas obligés de les suivre.

Les textes contraignants

Concernant les textes contraignants, nous en avons déjà parlé un peu plus tôt. En effet, le texte clé aujourd’hui est le Protocole de Palerme (2000). Il donne une définition universelle de la traite des personnes et impose aux États d’adapter leur droit pénal.

D’autres conventions renforcent de plus cette lutte :

  • La Convention relative aux droits de l’enfant (1989). Elle impose aux États de lutter contre la traite des mineur.e.s.
  • La Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (1979). Elle demande aux États d’adopter des mesures contre le trafic et l’exploitation des femmes.
  • Les Conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT). Elles se concentrent sur le travail forcé et les droits des travailleurs/travailleuses domestiques.

Les textes non contraignants

Concernant les textes non contraignants, les Nations Unions ont adopté un Plan d’action mondial contre la traite des personnes. Il affirme la nécessité d’une coopération internationale.

Plusieurs résolutions ont également renforcé cet engagement. Pensons notamment à celle sur la traite des femmes et des enfants, la protection des victimes et la lutte contre le trafic d’organes.

Ce cadre juridique montre l’importance accordée à la lutte contre la traite, même si son efficacité dépend de la mise en œuvre par les États.

b) A l’échelle de l’Union européenne

La Directive relative à la prévention, à la lutte contre la traite d’êtres humains et à la protection de ses victimes

L’Union Européenne travaille à une Stratégie de lutte adoptée par la Commission européenne contre la traite des êtres humains (2021-2025). Dans ce cadre, elle a adopté en juin 2024 une nouvelle Directive. Il s’agit de la Directive relative à la prévention, à la lutte contre la traite d’êtres humains et à la protection de ses victimes.

Il s’agit par ailleurs de l’amendement de la Directive de 2011. Celle-ci a établi les normes minimales concernant la définition des infractions pénales et des sanctions en matière de traite.

En effet, les réseaux criminels ont de plus en plus de moyens grâce aux nouvelles technologies. Ils enrôlent de cette manière de plus en plus de nouvelles victimes grâces aux réseaux sociaux notamment.

Les axes d’amélioration

L’Union européenne et les Etats font de gros efforts pour lutter contre la traite. Cependant, il existe encore plusieurs axes d’amélioration à travailler. 

C’est pourquoi la Directive a décidé de les identifier.

En voici les principaux.

  • Sensibilisation : Les États membres doivent mener des campagnes de sensibilisation et former les citoyen.ne.s aux risques. Ils doivent notamment insister sur la prévention des crimes en ligne.
  • Protection des victimes : Les États doivent permettre l’accès des victimes à un soutien psychologique, financier, juridique.  Ceci doit être permis même si elles ne collaborent pas aux enquêtes.
  • Coordination : Les autorités en charge de la traite et de l’asile doivent travailler ensemble afin d’aider les victimes ayant besoin d’une protection internationale.
  • Sanctions : Toute personne utilisant les services d’une victime en sachant qu’elle est exploitée devra être sanctionnée. Les entreprises impliquées seront pénalisées.
  • Nouvelles formes d’exploitation : En plus de l’exploitation sexuelle, on inclut désormais le mariage forcé, l’adoption illégale et l’exploitation de la maternité de substitution dans la traite d’êtres humains.
  • Formation des juges : Ils/elles pourront décider de ne pas poursuivre les victimes pour des crimes commis sous la contrainte.
  • Collection de données : Afin de contrôler l’efficacité du système de lutte, les États doivent collecter des données anonymes sur les victimes, les suspect.e.s, les personnes poursuivies et les personnes condamnées.

Cependant, il s’agit d’une directive donnée par l’Union Européenne aux États membres. Bien qu’elle soit contraignante, elle donne des objectifs à atteindre. Mais, elle laisse le choix aux pays de la transposer comme ils l’entendent.

Autrement dit, c’est aux États de mettre en place les moyens afin d’atteindre l’objectif fixé. L’effet de la directive relative à la traite d’êtres humains pourrait donc être limité par les États. Notons, par ailleurs, qu’ils ont deux ans pour la transposer.

c)      A l’échelle nationale  

1.       Quels sont les instruments juridiques mis en place par la Belgique ?

La Belgique punit la traite d’êtres humains depuis la loi du 13 avril 1995. Elle a ensuite adapté sa législation aux nouvelles réglementations internationales et européennes.

La loi du 10 août 2005 a notamment apporté des modifications importantes. Elle a créé une incrimination spécifique de la traite des êtres humains dans le code pénal (article 433 quinquies §1).

La loi du 29 avril 2013 a ensuite modifié l’article du code pénal afin de clarifier et d’étendre la définition de la traite des êtres humains.

Ainsi selon l’article 433quinquies §1 du Code pénal :

« Constitue l’infraction de traite des êtres humains le fait de recruter, de transporter, de transférer, d’héberger, d’accueillir une personne, de prendre ou de transférer le contrôle exercé sur elle :
1° à des fins d’exploitation de la prostitution ou d’autres formes d’exploitation sexuelle ;
2° à des fins d’exploitation de la mendicité ;
3° à des fins de travail ou de services, dans des conditions contraires à la dignité humaine ;
4° à des fins de prélèvement d’organes en violation de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d’organes, ou de matériel corporel humain en violation de la loi du 19 décembre 2008 relative à l’obtention et à l’utilisation de matériel corporel humain destiné à des applications médicales humaines ou à des fins de recherche scientifique ;
5° ou afin de faire commettre par cette personne un crime ou un délit, contre son gré.
Sauf dans le cas visé au 5, le consentement de la personne visée à l’alinéa 1er à l’exploitation envisagée ou effective est indifférent. »

Cette infraction est réprimandée d’un à cinq ans de prison et de cinq cents à cinquante mille euros d’amende.

2.       Vers qui se tourner en tant que victime ?

En Belgique, il y a trois centres spécialisés dans l’aide aux victimes de traite :

On peut contacter ces centres 24 heures sur 24 dans un cas d’urgence. Ils existent pour écouter et offrir des conseils sur toutes les situations potentielles de traite des êtres humains.

N’hésitez donc pas à les contacter si vous pensez être victime de traite des êtres humains ou si vous pensez connaître une victime potentielle.

Il est important de noter que ces centres sont gratuits et respectent la confidentialité. On peut donc les contacter de manière anonyme.

Pour faciliter la prise en charge des victimes, la Belgique a développé un nouveau point de contact en ligne pour les victimes de la traite des êtres humains.

Ce site décrit les démarches qui vont se mettre en place selon la situation. Après avoir pris en compte vos besoins, on vous dirigera vers les centres spécialisés. On vous y proposera une procédure d’aide et de protection. Celle-ci comprend notamment une maison d’accueil, un soutien psychologique, juridique et administratif.

Un numéro de téléphone complète enfin le dispositif de lutte : +32 78 055 800

Conclusion

La traite d’êtres humains constitue un véritable fléau. Il faut donc absolument mettre les moyens nécessaires pour l’arrêter au plus vite. 

Au sein de Femmes de Droit, notre équipe n’a malheureusement pas les compétences nécessaires pour accompagner au mieux les victimes. C’est pourquoi nous les redirigeons vers les centres spécialisés. Car elles méritent un accompagnement de qualité, soutenant et protecteur.

 Mina Vantourout

Références juridiques
  • Protocole de Palerme
  • CIDE
  • CEDAW
  • Conventions de l’O.I.T.
  • Directive relative à la prévention, à la lutte contre la traite d’êtres humains et à la protection de ses victimes.
  • Loi du 13 avril 1995
  • Loi du 10 août 2005
  • Code pénal
  • Loi du 29 avril 2013
Ressources

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