Directive 2006/54/CE

Relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail

Europe

« Chaque État membre assure l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur ».

Bien qu’énoncé à l’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne dit TFUE, le principe d’égalité salariale n’est pas encore appliqué dans de nombreux États membres, et ce, pour une grande part de professions. En effet, selon les statistiques du Parlement Européen, ce fossé s’élève à environ 13%, avec d’importantes variations entre les États.

Dans une perspective d’amélioration, le Parlement a adopté ce jeudi 30 mars en session plénière, une nouvelle directive imposant aux employeurs des règles de transparence, et visant à terme, à réduire l’écart salarial entre les hommes et les femmes.

Avant le vote, Madame Kira Marie Peter-Hansen, députée européenne danoise du parti des Verts/Alliance Libre Européenne, a déclaré :

« Avec ce vote, nous abolissons le secret salarial, nous renforçons les droits des travailleurs et leur droit individuel à l’information ».

En effet, les ambitions de cette directive sont multiples : elle vise l’abolition du secret salarial à la fois en contraignant les employeurs à la publication des informations sur les salaires, mettant ainsi en lumière les éventuels écarts de rémunération salariale entre les hommes et les femmes, ainsi qu’en interdisant formellement la confidentialité des rémunérations. D’autres évolutions sont à noter au niveau procédural, en ce que désormais, la charge de la preuve sera renversée.

Ces nouvelles règles ont été largement adoptées par les députés européens, avec 427 voix en faveur de cette directive, 79 contre et 76 absentions. Cette majorité significative témoigne d’une dynamique progressiste encourageante, notamment menée par les eurodéputés des groupes PPE, Renew, S&D et de la gauche. Néanmoins, plusieurs députés des partis d’extrême droite se sont montrés réticents, estimant que ladite directive créerait des charges administratives supplémentaires pour les entreprises et qu’elle interférerait avec les compétences nationales.

Historique des récentes avancées

Le principe d’égalité salariale figure parmi les engagements de l’Union européenne, mais son application demeure encore aujourd’hui loin d’être effective en pratique.

Plusieurs avancées ont marqué les dernières années :

La Commission européenne avait en 2014, adopté une recommandation non contraignante directive 2006/54/CE, sur la transparence des rémunérations, en vue de renforcer la législation européenne existante en matière d’égalité de rémunération. Hélas, une évaluation de la Commission a conclu en 2020, que la nature non contraignante de la recommandation avait fortement limité son impact. La proposition d’instaurer des mesures contraignantes à ce sujet était une promesse d’Ursula von der Leyen dans les premiers mois de son mandat.

Ainsi, cette proposition législative de la Commission s’inscrit parmi les axes de travaux prioritaires de l’Agenda européen 2020-2025, en matière d’égalité hommes-femmes. Elle est d’ailleurs la concrétisation d’une longue réflexion des eurodéputés :

La mise en place de mesures plus strictes en matière de transparence salariale est en effet au cœur des réflexions, en ce que la résolution rendue par le Parlement le 21 janvier 2021 quant à la nouvelle stratégie de l’UE en matière d’égalité entre hommes-femmes, souligne à nouveau que des mesures contraignantes sont indispensables.

En 2020, les ministres de l’emploi et des affaires sociales de l’UE avaient également tenu un débat sur l’égalité de participation des femmes et des hommes au marché du travail le 13 octobre 2020. Puis, dans la déclaration de Porto adoptée le 8 mai, les dirigeants de l’UE s’étaient engagés à intensifier leurs efforts dans la lutte contre la discrimination et à travailler efficacement pour mettre fin aux écarts genrés en matière d’emploi, de rémunération et de retraite. 

« À travail égal, salaire égal. Et pour un salaire égal, il faut de la transparence. Les femmes doivent savoir si leurs employeurs les traitent de façon équitable. Et lorsque ce n’est pas le cas, elles doivent être en mesure de se défendre et d’obtenir ce qu’elles méritent »,

a ainsi déclaré la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen à ce sujet.

Cette nouvelle directive consacre désormais deux aspects importants de l’égalité de rémunération : des mesures visant à garantir la transparence des rémunérations couplées à un meilleur accès à la justice pour les victimes de discrimination salariale.

L’obligation de publication des informations sur les salaires

L’accord conclu au Parlement entre les négociateurs européens et les représentants des pays membres de l’Union, vise à imposer aux entreprises de l’UE la divulgation des informations permettant de comparer les salaires entre les employés masculins et féminins pour un même poste.

Ainsi, si une structure compte plus de 100 salariés, elle sera tenue de publier régulièrement des informations quant à l’écart salarial entre les hommes et les femmes. Puis, si un écart de plus de 5 % est constaté et que l’employeur ne peut dûment le justifier, il devra procéder à une (ré)évaluation des salaires en coopération avec les représentants du personnel.

Interdiction du secret salarial

De surcroît, les travailleurs et leurs représentants pourront avoir connaissance des informations relatives aux niveaux de rémunérations individuels, sous le prisme du genre des employés. La communication de ces informations devra ainsi faire gage de clarté et de complétude, en ce que le secret salarial sera interdit. De même, aucune clause contractuelle ne pourra empêcher aux travailleurs de communiquer des informations sur leurs salaires, ou de demander des informations sur la même catégorie de rémunération de travailleurs ou sur d’autres catégories.

Enfin, les employeurs auront en plus interdiction d’interroger les candidats à un poste, quant à leur rémunération antérieure, afin d’éviter que leur historique salarial influe la nouvelle rémunération proposée.

Basculement de la charge de la preuve

En cas de procédure, la charge de la preuve incombera désormais à l’employeur. Ainsi, si un travailleur estime que le principe de l’égalité de rémunération ne lui a pas été appliqué et souhaite le faire porter devant les tribunaux, la législation nationale devra contraindre l’employeur à prouver qu’il n’y a pas eu de discrimination.

Il s’agit là d’une avancée notable, puisque souvent la preuve est difficile à rapporter, et que les employeurs parviennent à justifier ces écarts en invoquant officiellement des motifs, que l’on sait bien différents des raisons officieuses.

Amendes et indemnisations : mesures contraignantes et dissuasives

À propos de la transparence des entreprises, les intitulés de poste ainsi que les avis de vacance, devront également être genrés de manière neutre. Des amendes seront alors prévues pour les employeurs enfreignant ces règles, et des indemnisations pour les travailleurs lésés. Puis, en vertu de ces nouvelles règles de transparence salariale, la discrimination intersectionnelle sera considérée comme une circonstance aggravante.

De même, les mesures correctives mentionnées supra, imposées aux employeurs qui dépassent un taux d’écart salarial de supérieur à 5 %, s’inscrivent dans une démarche dissuasive, faisant pression sur les entreprises européennes.

écart salarial

Les écarts salariaux en chiffres

Les écarts salariaux entre les hommes et les femmes sont une réalité intégrante du monde professionnel, touchant à la fois un large spectre de professions et de pays. Ces écarts étant plus ou moins marqués, mais toujours présentes.

En Europe, l’écart salarial s’élève à 13 %. En 2021, il était de 5 % en Belgique ; 15,4 % en France ; 13,5 % aux Pays-Bas ; 17,6 % en Allemagne et – 0,2 % au Luxembourg.

Toutefois, il est important de souligner que ces chiffres illustrent l’écart salarial hommes-femmes, sur base du salaire masculin.

Ainsi, en se basant sur les dernières données de l’office de statistique Belge Statbel, le salaire moyen mensuel brut d’un homme est de 2428 euros, tandis que celui d’une femme s’élève à 2113 euros*, représentant un écart de 315 euros**.

Si l’on prend comme référence le salaire des hommes, on obtient une différence d’environ 13 %. À contrario, en prenant comme base de départ le salaire des femmes, l’écart est de 15 %. De ce fait, les femmes perçoivent un salaire inférieur de 13 % % à celui des hommes, signifiant également que ceux-ci gagnent 15 % de plus que les femmes. Pour parvenir à une égalité salariale, il faudrait donc que le salaire des femmes augmente de 15 % et non de seulement 13 %.

* Selon le service Statbel, le salaire moyen brut mensuel d’un homme en Belgique est de 3576 euros, tandis que celui d’une femme est de 3096 euros – soit une différence de 480 euros mensuel brut.

** Ce salaire moyen net peut varier selon différents facteurs, tels que le secteur de travail, mais également, le niveau d’éducation, l’expérience professionnelle, la région géographique ect.

Une violence de genre

L’écart salarial entre les hommes et les femmes s’inscrit dans le continuum des discriminations et des violences fondées sur le genre. Le monde du travail est en effet empreint d’un grand nombre d’entre-elles, et leurs conséquences sont multiples.

Ce fossé incite ainsi davantage les couples à opter pour un congé parental de la mère, puisque la perte de salaire sera moindre. Ce congé aura pour résultat de hachurer la carrière de la femme, d’autant plus si le couple a plusieurs enfants. D’autres conséquences sont aussi importantes : Par cette carrière scindée les femmes travaillent moins, et par conséquent cotisent moins à leur retraite. Les employeurs ont également parfois tendance à préférer embaucher un candidat masculin, puisque les femmes sont bien plus susceptibles d’interrompre leur contrat, par une grossesse suivie d’un congé.

Grand facteur de précarisation des femmes, une réforme systémique couplée à une large prise de conscience semblent indispensables.

Concrètement, comment se transpose le droit européen dans les États-membres ?

Le droit européen exerce un pouvoir sur ses États-membres au moyen de plusieurs actes juridiques, aux effets tous différents.

Ainsi, les directives sont des actes juridiques imposant aux États une obligation de résultat, tout en les laissant libres quant aux moyens d’y parvenir. Les pays de l’Union doivent alors adopter des mesures visant à intégrer les dispositions des directives dans leur législation nationale. Cette procédure visant à rendre applicable en droit interne des règles européennes s’appelle la transposition. Les autorités nationales doivent ensuite communiquer ces mesures à la Commission européenne. Ces dispositions doivent être transposées dans le délai fixé lors de leur adoption.

Enfin, si un pays ne transpose pas une directive, la Commission peut engager une procédure d’infraction, pouvant aboutir à des sanctions financières.

Les directives sont des actes contraignants pour les membres de la Communauté et, ont une portée générale.

En l’espèce, une fois la directive visant à réduire l’écart salarial entre les hommes et les femmes adoptée, les États-membres de l’Union Européenne ont l’obligation d’en faire appliquer ces dispositions dans le délai imparti via des actes législatifs internes.

Jeanne Salliou

Ressources

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