Analyse politique de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants dans les programmes électoraux

La Plateforme Féministe contre les Violences Faites aux Femmes* (PFVFF) a envoyé un questionnaire à toustes les candidat·es aux élections de juin 2024 en Belgique. Le but ? Recueillir des informations sur leurs actions passées et leurs engagements futurs en matière de lutte contre les violences faites aux femmes* et aux enfants. 

La PFVFF est une plateforme féministe et militante indépendante de tout gouvernement ou parti politique. Elle regroupe des organisations francophones et néerlandophones engagées dans la lutte contre les violences basées sur le genre.

Ce texte, porté par Femmes de droit, vise à analyser les réponses des candidat·es.

Un enjeu absent des débats

La question de la lutte contre les violences est un enjeu fort absent des débats politiques. Cela s’illustre, malheureusement, par le faible taux de réponse. Nous avions invité les candidat·es à tous les niveaux de législature à y participer. Mais nous n’avons reçu que sept réponses de candidat·es francophones, une réponse de candidate néerlandophone et une réponse d’un parti néerlandophone.

Quelques éléments de langage sans véritable analyse

Nous avons retrouvé des éléments de langage féministes dans la plupart des réponses au questionnaire. Cependant, les valeurs défendues derrière les mots varient fortement. En effet, elles reflètent des visions très différentes de l’être humain et de la société idéale que nous voulons construire.

Deux visions opposées du monde

Au sein de Femmes de droit, nous partons du principe que les êtres humains sont des créatures sociales, libres et égales en droits, qui reproduisent les comportements qu’elles observent, influencées par leur environnement. Par conséquent, il est possible de transformer cet environnement pour réduire, voire éliminer, la violence. 

C’est pourquoi une de nos priorités est la prévention primaire. Celle-ci vise à empêcher la violence avant même qu’elle ne se produise.

Tout le monde ne partage pas cette vision. Selon d’autres points de vue, les êtres humains doivent être strictement éduqués et encadrés pour devenir responsables. Dans cette optique, la violence est inévitable. Dès lors, les principales mesures pour la combattre sont répressives.

Cette grille d’analyse s’illustre dans les réponses des candidat·es au questionnaire.

L’importance de la prévention à gauche

Ainsi, nous avons observé que les candidat·es des partis à gauche de l’échiquier politique mettent davantage l’accent sur la question de la prévention primaire. Iels reconnaissent que les violences résultent souvent de dynamiques sociales complexes. Iels insistent sur l’importance de s’attaquer aux racines profondes de ces comportements. Ici, la lutte contre les violences passe par une transformation sociale plus large. Celle-ci inclut des politiques de redistribution économique et de lutte contre les inégalités. Iels proposent ainsi des programmes éducatifs dès le plus jeune âge visant à promouvoir le respect mutuel et l’égalité des genres, ainsi que des politiques sociales pour soutenir les victimes et prévenir les situations de précarité qui peuvent mener à la violence.

L’importance de la répression à droite

Historiquement peu reconnus pour leur engagement en faveur des droits des femmes et minorités de genre, les partis de droite ont répondu en détails à notre questionnaire. Ils insistent quant à eux sur le renforcement de la répression de diverses manières, notamment en allongeant les peines de prison ou en les rendant plus systématiques. Pourtant, cela va à l’encontre des études sur les risques de récidive. Celles-ci démontrent qu’à infraction égale, plus la durée de l’emprisonnement est longue, plus la récidive est élevée. 

Les partis de droite insistent sur le maintien de l’ordre et la sécurité publique, souvent au détriment d’une analyse plus approfondie des causes structurelles des violences. En effet, une telle analyse révèle un manque de lecture genrée, systémique et intersectionnelle.

Certes, ils affirment se préoccuper des violences. Cependant, il est intéressant de s’interroger sur ce qu’ils appellent violences. Qui sont les auteurs de violences selon leur perspective ? Et quelles mesures concrètes proposent-ils pour y remédier ? 

Une absence d’analyse systémique et genrée à droite


Notons par exemple la réponse d’un des partis qui a tenu à préciser dès le début du questionnaire que les hommes aussi sont confrontés aux violences et a mentionné « toutes les victimes/survivants, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes ou d’enfants ». L’aspect genré des violences est  donc invisibilisé, ainsi que la manière dont elles sont enracinées dans les  multiples systèmes de domination de notre société patriarcale.

Pourtant, les études montrent à suffisance que les violences sont majoritairement commises par des hommes sur des femmes* et des enfants. En d’autres termes, ces partis ne comprennent pas fondamentalement la problématique. Ceci peut conduire à des politiques inefficaces car elles ne s’attaquent pas aux causes profondes des violences.

L’importance de l’expertise de la société civile

A cet égard, il est intéressant d’examiner quels partis se basent sur l’expertise de la société civile pour élaborer leurs programmes. 

De manière générale, les réponses recueillies sont plutôt courtes et peu substantielles, manquant de précision. La majorité des candidat·es affirment par exemple croire et soutenir les victimes de violences. Mais bon nombre de ces déclarations restent vagues et ne s’accompagnent pas de mesures concrètes pour renforcer cette reconnaissance.

Au niveau des réponses plus longues, soit elles ont révélé une compréhension limitée de la problématique, évoquant des mesures superficielles de lutte contre les violences, soit elles étaient élaborées et construites sur des bases solides. Celles-ci émanaient de femmes provenant de partis de gauche, qui ont proposé des mesures claires dans une vision systémique des violences faites aux femmes* et aux enfants.

Notre inquiétude face à la montée de l’extrême-droite

Nous exprimons notre inquiétude face à la montée de l’extrême-droite en Belgique, comme ailleurs dans le monde. Comme en témoigne la situation de nos pays voisins, cette ascension s’associe généralement à un recul au niveau des droits des femmes* et des enfants, ainsi que des communautés minorisées.

Il nous semble essentiel de tenir compte de ce contexte politique lors du vote. Il faut, en effet, reconnaître que les violences basées sur le genre sont intrinsèquement liées aux autres formes d’oppression systémiques.

Ainsi, sans nous rallier à un parti spécifique, notre analyse démontre l’importance de voter pour les partis situés à gauche sur l’échiquier politique

Avec le soutien de

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