Espagne et droits des femmes

L’Espagne : un pays de gauche et féministe

Dans cet article, je vais vous parler de l’Espagne. Non pas de l’Espagne en tant que pays touristique avec sa paella ou sa fameuse tortilla. Mais de l’Espagne dans sa manière de fonctionner, autour du féminisme, des droits des femmes et d’un gouvernement de gauche.

1 L’introduction : Une autre voie que l’austérité de droite est-elle possible ?

Prenons la métaphore du « trou dans la haie » de Steve Stevaert (politicien socialiste). Selon cette métaphore, quand on a un trou dans une haie, s’occuper trop de ce trou n’a pour seul effet que de l’agrandir. Il faut, en revanche, prendre soin de la haie, ce qui aura pour effet de refermer le trou.

Réciproquement, trop se focaliser sur l’extrême droite pour s’y opposer n’a pas de sens. Il faut plutôt se concentrer sur les problèmes de la société qui mènent les gens à se tourner vers l’extrême droite. Le « pourquoi ils préfèrent cette solution » ?

Souvent, on présente l’austérité de droite comme nécessaire face aux crises économiques traversées par de nombreux pays. Mais cette politique de droite qui annonce une croissance économique est-elle la meilleure solution ?

Alors, faut-il obligatoirement passer par la réduction des dépenses publiques ? Ou par la réduction des aides pour les étrangers ? Ou encore par le protectionnisme économique ou l’opposition aux droits des minorités (LGBTQ+, droits des femmes,..) ?

Pour répondre à ces questions, analysons l’exemple de l’Espagne. En effet, elle a fait le choix d’un gouvernement de gauche et féministe. Alors que dans le passé, elle était sous un régime dictatorial de droite, dirigé par Franco.

2 Un bref historique de l’Espagne

Commençons par parler de l’extrême droit en Espagne avec la dictature de Franco et ensuite du parti VOX.

Le franquisme

Dès le départ, Franco et son régime ont instauré une société patriciale rigide. Dans cette dernière, on reléguait les femmes au rôle de mères et d’épouses soumises (la « buena madre » et de la « buena esposa »), influencée par l’église catholique et les valeurs traditionnelles.

A l’époque, les autorités avaient même édité un guide à ce sujet : la Guía de la buena esposa (en 1953). Ainsi, la femme n’avait comme seul rôle que celle d’épouse, de maman ou de femme au foyer.

Sous ce régime, on voyait les femmes principalement à travers le prisme de la famille et de la maternité. Dès lors, elles étaient le plus souvent exclues du marché du travail avec comme seul rôle : « être domestique ».

Ainsi, on considérait les femmes comme inférieures aux hommes et dépendantes d’eux (mari, père ou frère). Par conséquent, le divorce et l’avortement étaient interdit. En outre, il existait même, une loi appelée « fuero del trabajo ». Celle-ci interdisait aux femmes mariées de travailler sans l’autorisation de leur mari.

Durant la dictature de Franco, les femmes ont perdu leur droit de vote acquis en 1931.

Le parti de droite : VOX

On aurait pu croire qu’après le régime franquiste, la droite disparaitrait complètement. Mais non, ce n’est pas le cas. En 2023, le parti d’extrême droite VOX obtient 33 députés sur 350.

Mais comment une population qui a subi le régime de Franco, c’est-à-dire l’extrême droite, peut-elle se laisser tenter par VOX ?

VOX dit, « Chez nous, nous ne disons pas aux Espagnols comment ils doivent penser, parler ou sentir, nous disons au médias et aux partis de cesser d’imposer leurs croyances à la société ».

Dans ce message, VOX laisse entendre qu’à l’inverse des autres partis, il va dans le sens du peuple. Ainsi, il propose de défendre le peuple tout en affirmant que l’Etat est intrusif. Dans son programme, ce parti demande l’annulation de la loi relative à la violence de genre de 2004. Il justifie cette décision en disant : « Notre projet se résume à la défense de l’Espagne, de la famille et de la vie ».

Une autre raison pour laquelle le parti de VOX a récolté beaucoup de vote est le fait qu’il est extrême. En effet, il propose des solutions radicales de droites. Or, celles-ci  vont donc conquérir les personnes qui se considèrent de droite et qui cherchent une solution simple avec des résultats.

De plus, VOX exploite également les émotions pour obtenir des votes à l’aide des réseaux sociaux. Ainsi, il commence par définir une menace commune, des coupables. Ici, l’immigration et l’indépendance de la Catalogne. De la sorte, il propose ensuite  une solution simple et radicale : défendre la nation en centralisant le pouvoir et en fermant les frontières.

Il exploite donc les réseaux en montrant les scandales pour susciter la peur et l’anxiété du peuple. Et cela entraine des votes en sa faveur. En effet, il propose une solution simple et radicale.

La crise de la Catalogne

Mais la crise de la Catalogne est celle qui a joué le plus un rôle de corrélation dans la montée du parti de VOX.  Plusieurs résultats d’étude le montrent. Cette crise est causée par la volonté de la Catalogne de devenir indépendante.

Ce parti met clairement le droit des femmes de côté, jusqu’à proposer de le supprimer. Pourtant ce parti récolte tout de même des voix.

Pour aller plus loin sur le pourquoi la population a voté pour Vox, cliquez ici.

Je vais maintenant vous parler du féminisme en Espagne en passant par le début avec son apparition, puis par une histoire qui a marqué l’Espagne, « La Manada ». Ensuite je parlerai de la vague féministe mauve et je terminerai par le PCE et le gouvernement de Pedro Sanchez, l’actuel gouvernement.

Le féminisme devient une actrice clé de la transition démocratique

Emilia Pardo Bazán (1851-1921)

Emilia Pardo Bazán est une femme espagnole, journaliste et écrivaine. Appelée la centenaire de la grande femme de lettres espagnole. On la considère comme une pionnière du féminisme avant l’heure.

Elle écrit une propagande inspirée par le ressentiment qu’elle éprouvait elle-même dans une société où les femmes avaient peu de droits.

En effet, elle en veut aux conservateurs espagnols de lui avoir refusé de reconnaître ses mérites. De plus, elle leur en veut d’avoir été rejetée en tant que femme par les professeurs à l’Université Centrale.

Mais elle ne veut pas souffrir en silence, au contraire. Elle se met à la tête du mouvement pour l’émancipation de la femme espagnole.

Bien que catholique, Pardo Bazán lutte contre le manque de liberté religieuse pour les femmes. En effet, les hommes peuvent avoir n’importe quelle religion. Mais les femmes, elles, doivent être de bonnes et ferventes catholiques.

Cette femme, comme tant d’autres mérite d’être citée pour le courage dont elle a fait preuve. Sans oublier les actions qui ont été mises en place grâce à elle. Pardo Bazán a notamment lutté pour l’accès à l’éducation et à la littérature aux femmes en écrivant de nombreux ouvrages.

Ana Orantes

Le 4 décembre 1997, Ana Orantes, une femme andalouse rompt le silence. Elle raconte à la télévision son histoire de violence conjugale. Treize jours après, son mari la brûle vive avec du carburant.

Cette histoire bouleverse toutes les femmes en Espagne. A partir de ce moment-là, la lutte contre les violences machistes en Espagne connaît un avant et un après cet épisode dramatique.

Journées pour la Libération de la Femme

Quinze jours après la mort de Franco en 1975, quelques groupes de femmes et féministes à Madrid organisent les premières Journées pour la Libération de la Femme.

A partir de ce moment précis, le développement des groupes et actions est rapide. On peut annoncer la « naissance » du mouvement féministe espagnol.

Il y a une transition de la société espagnole vers une égalité femme/homme.

Le féminisme devient une actrice clé dans la transition démocratique.

Pendant la dictature, les femmes étaient reléguées au rôle de domestique. Mais l’effondrement du franquisme, les revendications pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes prennent une ampleur supplémentaire. Celle-ci perdure encore maintenant.

L’adoption de la constitution de 1978 montre une évolution nationale qui poursuit et combat les inégalités entre les sexes. Elle met fin aux lois discriminatoires mises en place par Franco.

En 1975, l’ONU déclare l’Année Internationale de la Femme.

Cet événement influence profondément l’Espagne et encourage l’émergence de mouvements féministes. Ces mouvements exigent des réformes législatives.

Transition du pays vers la gauche

Avec cette transition du pays vers la gauche, le PSOE (parti socialiste ouvrier espagnol) gagne en influence. Il milite pour une société plus égalitaire. Il participe également à l’élaboration d’un nouveau cadre juridique garantissant les droits fondamentaux.

« La Manada » (la meute)

Les faits

Pendant une nuit de juillet en 2016, cinq hommes Andalous (dont un membre des forces de police) agressent sexuellement une femme de 18 ans. Ils se filment en train de commettre le viol. Puis, ils partagent les vidéos sur leur groupe WhatsApp appelé « La Manada » (la meute). Avec comme message : « en train d’en baiser une à cinq ».

L’enquête et la procédure

Le procureur demande une peine de 22 ans d’emprisonnement pour chacun des accusés, plus une indemnité de 100 000€. La défense de la jeune fille, elle, demande 24 ans de prison.

La défense des hommes utilise un rapport « démontrant » que la fille continuait une vie « normale ». Ce qui prouverait selon eux que l’agression n’avait pas existé. Le rapport est admis comme preuve.

La réaction féministe

Alors, les femmes espagnoles laissent éclater leur rage, un sentiment d’injustice, de haine. Les femmes descendent dans les rues pour crier leur soutien à la jeune femme.

«  La vraie meute, ce sont toutes les femmes prêtes à se battre pour toi, avec toi !» crie une femme dans la rue.

Le jugement

En avril 2018, le tribunal qui juge l’affaire rend son jugement. Il affirme que les cinq hommes ont utilisé la force pour pousser une femme dans un vestibule contre sa volonté, l’ont pénétrée en éjaculant sans préservatif (faits prouvés), et ont enregistré tout cela avec leur portable.

Pourtant, le tribunal considère non pas qu’il s’agit d’un viol mais d’un simple abus, méritant seulement 9 ans de prison.

Pire que ça, un des juges ose demander l’acquittement. Son prétexte ? La survivante n’a pas ressenti de douleur. Elle n’a pas explicitement contesté. Et les violeurs n’ont utilisé ni la violence ni l’intimidation.

Pour toutes ces raisons, les juges concluent donc que cela ne constitue pas une agression sexuelle.

Une réaction de colère et de rage

Cette décision provoque un mouvement de rage chez les femmes, une volonté de justice. OUI cet acte est un viol et non un abus et OUI ne rien dire ne veut pas dire oui ! Toute absence de consentement clair devrait suffire à qualifier l’acte de viol.

Ces femmes manifestent avec des slogans comme « No es abuso, es violación » (« Ce n’est pas un abus, c’est un viol »).

Les défenseurs de ces cinq hommes soutiennent que la jeune fille, qui avait bu auparavant de la sangria, était consentante puisqu’elle n’avait jamais semblé dire « NON » à l’image.

Cette affaire marque profondément la société espagnole. Et elle reste un symbole de la lutte contre les violences sexuelles. Elle a également conduit à l’adoption de la loi « Solo sí es sí » (seul un oui est un oui), dont nous parlerons juste après.

Lors de la manifestation du 8 mars, des pancartes y font références, comme : «la pornografía crea manadas » ( la pornographie crée des meutes).

La vague mauve

La vague mauve en Espagne, fait référence à une mobilisation féministe massive qui a commencé le 8 mars 2018, lors de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

Ce jour-là, plus de 5 millions de personnes participent à la manifestation dans 130 villes du pays. Le pays est complètement bloqué par cette mobilisation.

Pourquoi le mauve ?

Lors de la naissance, il est très courant de voir les cadeaux répartis entre deux couleurs : le bleu pour les garçons et le rose pour les filles. Mais pourquoi par inversement ?

Historiquement, le mauve, mélange de bleu et rose, n’était pas une couleur politisée. Mais l’arrivée de Podemos (parti politique de gauche), qui a décidé de se parer de mauve, a changé la donne.

Depuis la couleur mauve est la couleur militante des féministes.

Les revendications portent au début essentiellement sur l’égalité salariale, la dénonciation du harcèlement et des violences faites aux femmes, ainsi que sur la répartition inégale des tâches domestiques.

La « vague mauve » a un impact significatif sur l’agenda politique espagnol

Elle oblige les dirigeant.e.s à réagir aux revendications féministes. Par exemple, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, initialement distant, finit par afficher son soutien en arborant un ruban violet, symbole du mouvement. Il déclare même : « Nous allons travailler à l’égalité réelle entre hommes et femmes. ».

Le PCE : parti communiste espagnol

Crée en 1921, le parti communiste espagnol et le mouvement féministe espagnol n’ont aucun contact.

En effet, le PCE considère le féminisme comme un mouvement bourgeois et inutile. Il se convainc que l’égalité arrivera d’elle-même.

Dans les années 1930, la situation des femmes n’est pas la priorité du PCE. Pendant la guerre civile, le PCE devient la première formation politique républicaine. Au contraire, le mouvement féministe perd ses organisations.

Les hommes étant parti à la guerre, le PCE appelle les femmes militantes à l’aide. Le PCE reconnait l’importance des femmes. Mais il limite celles-ci à des fonctions traditionnelles (maternité, cuisine).

Dolores Ibarruri

Dolores Ibarruri, figure importante du PCE, prône un discours féministe d’égalité, mais avec un registre plus maternaliste pour mobiliser les femmes. Après la fin du régime franquiste, le féminisme disparait. Et la lutte contre la dictature devient la priorité.

La remontée du féminisme

Puis en 1970, le féminisme reprend de l’importance. Le PCE en devient un pilier, jusqu’à se définir comme un parti féministe. Les militantes initialement investies dans le soutien aux prisonniers politiques commencent à revendiquer leurs propres droits face aux discriminations auxquelles elles font face.

En 1965, le MDM « Movimiento Democrático de Mujeres » se crée à la suite de la remise en question selon laquelle la révolution sociale suffirait à éliminer les inégalités de genre.

Le PCE et le MDM ont des relations tendues. Notamment entre celles qui priorisent la lutte politique et celles qui revendiquent une approche féministe.

En 1975, le PCE se déclare officiellement féministe mais rejette le féminisme « radical ». Il affirme que l’émancipation des femmes doit s’inscrire dans une transformation sociale globale.

Pour plus d’information sur le PCE, cliquez ici.

Le gouvernement Sanchez

En 2018, Pedro Sánchez devient président du gouvernement espagnol. Et il forme un gouvernement avec une majorité de femmes, une première en Espagne.

Depuis lors, l’Espagne est le pays considéré comme référence en matière de droits des femmes en Europe.

Le gouvernement dirigé par Pedro Sanchez se revendique féministe

Il compte d’ailleurs plus de femmes que d’hommes. De nombreuses nouvelles lois avant-gardiste sont récemment votées, dont on parlera juste après.

En Espagne, les femmes ont obtenu le droit de vote en 1931 alors qu’en Belgique c’était en 1948. C’est l’Espagne qui enlève son soutien-gorge en premier. Mais c’est aussi en Espagne que les problèmes de violences machistes sont une réalité visible. C’est un pays qui note plusieurs avancées mais parfois avec un départ le plus extrême.

L’Espagne, référente des droits des femmes

Le programme de la gauche espagnole vise à faire de l’Espagne « une référente de la protection des droits sociaux en Europe ».

En 2020, ils abrogent de nombreuses lois du PP (partido popular de droite), comme la réforme du droit du travail. Celle-ci était à l’origine d’une précarisation des conditions d’embauche. Par exemple, en supprimant la possibilité de licenciement pour des absences liées à des arrêts maladie ou des congés de maternité. Oui, avant il était autorisé de licencier quelqu’un.e parce que elle.il fonde une famille…

Cette montée de gauche crée de nouveaux droits pour les femmes plus précisément. Et Pedro Sanchez indique sa volonté d’une parité femme/homme sur la liste électorale.

En 2022, la loi sur la parité imposant une égalité femmes-hommes sur les listes électorales se met en place. Et en 2023, le gouvernement de Pedro Sánchez intègre 12 femmes et 10 hommes, confirmant son engagement féministe.

3 Des lois en faveur des droits des femmes

Comme je le mentionne plus haut, le gouvernement crée de nouveaux droits pour les femmes. J’ai choisi quelques exemples pour illustrer mon propos.

La loi relative aux mesures de protection contre les violences de genre (28 décembre 2004)

On appelle cette loi la « Ley Organica de Medidas de Protección integral contra la Violencia de Género ». En Français, ça donne « loi relative aux mesures de protection contre les violences de genre ».

La violence de genre est une violence exercée sur les femmes en raison de leur simple condition de femme. Parce que leurs agresseurs considèrent qu’elles sont dépourvues des droits élémentaires de liberté, de respect et de capacité de décision.

Cependant, la violence de genre évoquée dans cette loi est uniquement celle exercée par le conjoint, partenaire, ex-conjoint, ex-partenaire. Elle ne prend pas en compte celle exercée au travail, en dehors de la sphère privée, …

Cette loi implique que les violences sont jugées plus graves et davantage punies quand elles sont commises par un homme que par une femme.

A l’inverse, la loi de mai 2008 en Catalogne inclut toutes les violences exercées par l’homme sans les limiter à la sphère conjugale.

Depuis l’adoption de cette loi le 28 décembre 2004, on considère l’Espagne comme « le » pays de référence en matière de droits des femmes.

Notons, en outre, que cette loi a conduit à la création de tribunaux spéciaux. Ceux-ci traitent des violences contre les femmes.  Cette loi a aussi mené à la création d’un bureau contre la violence à l’égard des femmes au sein du Ministère public.

Loi sur le congé de paternité (1er janvier 2021)

La durée du congé de maternité et de paternité en Espagne est de 16 semaines pour les mères et les pères

Un.e employé.e en congé de paternité ou maternité est payé à 100% par la sécurité sociale. Il.elle percevra 100% de son salaire en cas de naissance ou adoption. Auparavant, les pères, ne disposaient que de 13 jours de congés de paternité.

Cette loi permet de renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes

On pousse souvent les femmes vers la sphère de la famille et les hommes vers le marché du travail. Le fait d’avoir un temps parental égal pour les femmes et les hommes permet de réduire ce stéréotype.

Les inégalités devraient dès lors se réduire. La naissance d’un enfant est donc le bon moment pour réaffirmer les rôles de genre dans un couple et établir une implication égalitaire.

Mais cette nouvelle loi pose question

Les semaines de congés doivent être simultanées. Or certains parents souhaiteraient pouvoir se relayer pour permettre une meilleure organisation. Ces semaines ne peuvent donc pas être utilisés pour le mieux dans l’organisation familiale.

La volonté de mettre en place un congé de naissance s’inspire de la Convention relative aux droits de l’enfant. Elle dispose que « Les Etats parties s’emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui d’élever l’enfant et d’assurer son développement ».

En 2019, l’Espagne introduit le décret-loi royal 6/2019. Pour la première fois, le congé de naissance et de garde d’enfant est égalisé. Pour les deux parents, les deux bénéficient de 16 semaines de prestations. Cet arrêté vise à « l’égalité de traitement et des chances entre les femmes et les hommes ».

Loi sur le consentement « Solo sí es sí » (août 2022)

Une réaction à l’affaire La Manada

« Solo sí es sí », « seul un oui est un oui » est une conséquence de l’affaire La Manada évoqué plus haut. Suite à cette affaire qui a conduit à de nombreuses manifestations, le gouvernement actuel se met au travail pour éditer cette nouvelle loi.

Une redéfinition du consentement

Cette loi, fait donc référence au consentement. Le consentement doit être absolument hors de doute avant une interaction sexuelle. La loi élimine la distinction entre abus sexuel et agression sexuelle.

Un allègement des peines

Mais cette loi d’apparence positive, peut alléger des peines d’anciennes « agressions ». Les comportements les plus dangereux ne sont plus autant punissable qu’avant. Car l’éventail des peines est plus large, avec des peines minimales moins élevées. Cette loi étant rétroactive, certains condamnés ont vu leur peine allégée.

Par exemple, un délinquant sexuel qui aurait été condamné à la peine minimum pour un viol avec l’ancienne loi écopait de 12 ans de prison. Avec la révision, le juge est désormais autorisé à octroyer la peine minimum, soit 7ans (nouvelle fourche 7 à 15 ans).

Le procureur a déclaré que les juges ne devraient pas agir comme ça. Si la peine ici de 12 ans entre dans la fourchette alors, elle ne doit en aucun cas changer. La justice ou le gouvernement doit au plus vite changer cette loi.

Un mouvement européen

L’Espagne devient le treizième pays d’Europe à reconnaitre le simple fait qu’un rapport sexuel sans consentement constitue un viol. L’Espagne ne laisse plus la place à l’ambiguïté. Les femmes n’auront plus à démontrer qu’il y a eu violence ou intimidation lors d’une agression pour que cela soit reconnu comme une agression sexuelle.

L’objectif de la loi

L’objectif de cette loi est de renforcer le consentement explicite dans les relations sexuelles. Ainsi, elle établit que seule une acceptation claire et affirmative constitue un accord. Elle supprime la distinction entre abus et agression sexuelles, renforçant la protection des victimes.

La sanction pénale, ne se fonde plus sur un « non » qui doit être explicite mais sur l’idée selon laquelle « seul un oui est un oui ». De sorte que c’est l’absence de consentement qui définit le délit d’agression ou de violence sexuelle.

Pour aller plus loin, voyez la loi : BOE-A-2022-14630 Loi organique 10/2022, du 6 septembre, sur la garantie intégrale de la liberté sexuelle.

Loi instaurant un congé menstruel (16 février 2023)

Tout d’abord qu’est-ce qu’un congé menstruel ?

C’est une politique d’emploi offrant aux femmes qui souffrent de de symptômes ou de maladies associées aux règles, de prendre du repos. Il a pour but de protéger la santé menstruelle en octroyant la possibilité aux femmes de prendre du temps pour elles. Sans prendre de jours de maladie.

Cette nouvelle loi se trouve dans le code du travail espagnol, dans l’article 5. « Madidas en el ámbito laboral y de la Seguridad Social sobre la salud durante la menstruación ». En français : Mesures de santé et de sécurité sociale relatives à la santé pendant la menstruation.

L’application de cette loi pour les femmes

L’application de cette loi pour les femmes fait de l’Espagne le premier pays en Europe, l’un des rares dans le monde à intégrer une telle loi dans sa législation. Avec celle-ci, l’arrêt de travail d’une femme en cas de règles douloureuses est reconnu comme une situation spéciale d’incapacité temporaire de travail.

Une controverse

L’application de cette loi en Espagne ne fait pas l’unanimité. Certain.e.s pensent que mettre un tel congé en place peut favoriser les inégalités liées au sexe. Du coté socialiste, on s’inquiète d’un frein possible à l’embauche des femmes, les employeurs/employeuses voulant éviter ces absences.

Du côté du PP (la droite), il met en garde contre un risque de « stigmatisation », et contre des possibles conséquences négatives sur le marché du travail pour les femmes.

Le point de vue de Femmes de droit

Au sein de l’association, cette mesure a fait l’objet de nombreuses réflexions. Actuellement, cette loi, suscite des réticences. En effet, cette mesure pourrait constituer un frein à l’embauche des femmes.

L’employeur/employeuse voulant éviter le plus d’absences possibles, préfèrerait sans doute se tourner vers un homme. Car les risques d’absence se multiplieraient pour les femmes. En plus du congé de maternité, il y aurait le risque de multiples congés menstruels.

Dès lors, cette loi pourrait être la cause d’un effet contraire pour les femmes, entrainant une marginalisation et stigmatisation, avec des conséquences négatives sur le marché du travail.

C’est pourquoi Femmes de Droit milite pour un congé de naissance identique pour les deux parents. De la même manière, elle milite pour un droit à un congé pour pathologie chronique. Ce dernier permettrait à tout.e travailleur/travailleuse de prendre un jour de congé sans justification lors de crise de douleur chronique, moyennant certaines conditions. En effet, les douleurs menstruelles constituent une forme de pathologie chronique. Surtout lorsqu’elles empêchent les femmes de mener une vie ordinaire. Cette mesure neutraliserait l’effet du genre. Elle permettrait donc de ne pas augmenter les risques de stigmatisation des femmes.

Pour aller plus loin : MatheO: Bernard, Loane – L’instauration d’un congé menstruel en Belgique renforcerait-il les inégalités de genre et impacterait-il notre vision de la position de la femme dans le milieu du travail ?

4 Le point de vue économique du pays

PIB en hausse, chômage en baisse, taxation des riches…, la politique de gauche menée en Espagne a des résultats positifs. Un exemple pour la France, où le programme du Nouveau Front populaire est influencé par la gauche.

L’Espagne connaît une inflation maitrisée avec une baisse du taux de chômage.

Le salaire minimum en Espagne a augmenté de 54% depuis 2018. Passant de 736€ par mois à 1134€ en 2024. Pourtant la droite de l’Espagne affirmait que les idées de la gauche entraineraient une importante destruction de l’emploi.

A l’inverse des autres pays (de droite), l’Espagne n’est pas un pays fermé. Pedro Sanchez affirme : « L’Espagne doit choisir entre être un pays ouvert et prospère ou un pays fermé et pauvre. C’est aussi simple que cela ».

L’Espagne accueille de nombreux/nombreuses réfugié.e.s et touristes. Cela favorise son économie. Les autres pays qui ferment leurs frontières se retrouve avec une population vieillissante et donc moins présente sur le marché de l’emploi.

La mesure de taxer les ultras-riches a posé question. La droite affirmait que la mise en place de cette mesure allait faire fuir les plus fortunés du pays. Pourtant les banques ont enregistré des bénéfices records. Et le nombre de riches a augmenté ainsi que leur patrimoine.

Ces résultats suggèrent que les politiques de gauche, axées sur la justice sociale et l’inclusion peuvent avoir un impact positif sur l’économie.

5 Conclusion

L’exemple de l’Espagne montre qu’une alternative à l’austérité de droite est non seulement possible, mais peut aussi être efficace.

En adoptant des politiques progressistes, notamment en matière de droits des femmes et de justice sociale, le pays a réussi à améliorer la situation économique tout en réduisant les inégalités existantes.

Les avancées législatives sur le féminisme, comme le congé menstruel, la loi sur le consentement ou encore l’égalité des congés parentaux, font de l’Espagne un modèle en Europe.

Malgré les critiques de la droite qui annonçait des conséquences négatives, la croissance économique et la baisse du chômage prouvent que ces réformes sont viables.

Loin d’affaiblir le pays, elles ont renforcé sa stabilité et son attractivité. Ainsi, l’Espagne démontre qu’un modèle de gauche féministe et inclusif peut être un levier de prospérité et de progrès social.

Cependant, malgré ces lois positives, le chemin vers l’égalité femme/homme n’est pas fini. On peut toujours faire plus, aller plus loin. Certes, les lois ne sont pas parfaites. Et c’est à nous d’y remédier pour un avenir sûr et meilleur.

Pour autant, ne devrait-on pas s’inspirer du modèle espagnol pour mener des politiques ambitieuses en Belgique ? En effet, cela permettrait de lutter contre toutes les formes de discriminations tout en relevant le défi de la crise économique que nous traversons.

Alors, espérons que nos représentant.e.s politique prennent le bon exemple. Pour le bien-être de tous et toutes.

Lisa Decamps

Pour aller plus loin sur les droits des femmes en Espagne

Pour rédiger mon article concernant l’Espagne et les droits des femmes, je me suis documentée à travers de nombreuses sources. Alors, je vous les partage ci-dessous. N’hésitez pas à y jeter un coup d’œil. Et à vous forger votre propre opinion.

Bibliographie

Articles de presse concernant l’Espagne et les droits des femmes

Voici quelques articles de presse pertinents au sujet des droits des femmes et de l’Espagne.

Articles de revue concernant l’Espagne et les droits des femmes

De plus, voici quelques articles de revues pertinents au sujet des droits des femmes et de l’Espagne.

Ressources associatives concernant l’Espagne et les droits des femmes

Voici des articles piochés auprès d’associations spécialisées. Evidemment, je n’ai pas cherché à être exhaustive. Dès lors, il va de soi qu’il existe plein d’autres ressources à ce sujet.

Travaux académiques concernant l’Espagne et les droits des femmes

Des étudiant.e.s et chercheurs/chercheuses rédigent des mémoires et des thèses au sujet des droits des femmes en Espagne. A nouveau, je ne vise pas l’exhaustivité. Je cite uniquement les travaux qui m’ont permis de rédiger cet article. Alors, n’hésitez pas à poursuivre les recherches si le sujet vous intéresse.

Sources officielles espagnoles concernant l’Espagne et les droits des femmes

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