Egalité/équité

Egalité et équité

Imaginez trois personnes de tailles différentes qui cherchent à regarder par-dessus une clôture.

Illustration égalité équité
Illustration égalité équité

Dans une situation d’égalité, on fournit aux trois personnes des boîtes de la même taille pour se tenir dessus.

La personne la plus petite ne peut toujours pas voir par-dessus la clôture. En effet, la boîte reste trop petite.

Dans une situation d’équité, en revanche, les boîtes fournies sont ajustées en fonction de la taille de chaque personne. Cela permet à toutes les personnes de voir par-dessus la clôture.

Les mots « égalité » et « équité » font aujourd’hui partie intégrante de notre vocabulaire. On entend souvent parler de la lutte pour « un monde plus équitable » ou pour « un monde plus égalitaire ».

L’exemple de la clôture représente sans doute l’image la plus utilisée pour tenter de décrire ces concepts. Elle donne l’impression que l’équité est indéniablement la meilleure option des deux.

Pourtant est-ce vraiment le cas ?

Mais qu’est-ce que l’égalité ? Est-ce vraiment différent de l’équité ? Ces mots sont-ils synonymes ?  Y a-t-il des raisons de préférer un monde équitable à un monde égalitaire ?

1. La notion d’égalité

Dans le dictionnaire

Le dictionnaire Larousse définit l’égalité comme « la qualité de ce qui est égal, constant ».

Les synonymes du mot égalité sont uniformité et régularité.

En droit

Dans la sphère juridique, le principe d’égalité occupe une place importante. Il a même une valeur constitutionnelle.

En effet, l’article 10 de la Constitution belge établit que « Les Belges sont égaux devant la loi » et que « L’égalité des femmes et des hommes est garantie ».

On retrouve également l’égalité comme droit fondamental dans la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

D’un point de vue juridique, la notion d’égalité est assez similaire à la définition du dictionnaire. En effet, selon cette l’idée, deux personnes dans une situation similaire doivent être traitées de la même manière.

Dans un contexte d’égalité, on traite toutes les personnes de la même manière, sans distinction ou discrimination fondée sur des caractéristiques telles que le sexe, la race, la religion, la classe sociale, etc.

La notion d’égalité est très présente lorsque l’on parle du droit des femmes.

De fait, dans le domaine des droits humains, l’égalité se décrit comme une absence de discrimination : une situation dans laquelle les femmes et les hommes ont les mêmes droits et les mêmes opportunités.  

Par exemple, le fait que les hommes et les femmes puissent se présenter aux mêmes offres d’emploi représente une égalité.

En somme, l’égalité concerne la répartition de manière égale.

2. La notion d’équité

Dans le dictionnaire

Le dictionnaire Larousse définit l’équité comme « la qualité consistant à attribuer à chacun ce qui lui est dû par référence aux principes de la justice naturelle ».

Les synonymes du mot équité sont la justice et l’impartialité.

En droit

D’un point de vue juridique, la notion d’équité est assez similaire à la définition du dictionnaire.

L’idée consiste à favoriser certaines personnes pour des raisons de justice.

La justification derrière l’apparition du principe d’équité est que « puisque nous ne sommes pas ‘réellement’ tous égaux, certaines personnes devraient être aidées davantage pour que le monde soit juste ».

Donc, l’équité reconnaît que les individus peuvent être différents . Dès lors, ils ont besoin d’un traitement différent pour parvenir à une répartition juste des ressources et des opportunités.

Les inégalités de départ sont prises en comptes. Par conséquent, on considère normal que certaines mesures doivent être mises en place pour rendre la situation plus juste et équilibrée.

L’exemple des quotas

Les quotas sont un excellent exemple d’une mesure qualifiée d’« équitable » en droit des femmes.

Imaginons un quota obligeant toutes les entreprises d’ingénieurs à avoir au moins 30% de femmes dans leur effectif.

La mise en place de ce quota naît de la constatation que les femmes et les hommes ne sont pas égaux face au travail d’ingénieur. En effet, on pousse moins les femmes vers ce genre d’études. Dès lors, cela explique qu’elles puissent éprouver davantage de difficultés à s’affirmer comme légitimes dans ce domaine.

En bref, les femmes sont défavorisées dans certains domaines professionnels ou certaines positions au sein d’une entreprise.

La mise en place d’un quota prend en compte cette réalité : le fait qu’il sera plus difficile pour une femme de devenir ingénieur. Elle tente alors d’y remédier en obligeant les entreprises à engager des femmes.

Ainsi, la mise en place de ce quota prend en compte les réalités sociétales. De plus, elle encourage à atteindre un monde objectivement plus juste.

3. Évaluation des deux concepts

a. La relation entre les deux termes

Le Comité en charge de l’interprétation de La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a souligné à plusieurs reprises que le concept normatif d’égalité énoncé dans la Convention et le concept d’équité ne sont pas les mêmes.

Comme expliqué plus haut, les termes n’expriment pas les mêmes idées. Dès lors, les utiliser comme des synonymes constitue une erreur.

b. Une égalité pas hétéroclite, patriarcale et utopique

Trop générale

Une critique majeure du concept d’égalité est le fait que cette notion est trop générale. En effet, elle ne tient pas compte des particularités ou des singularités.

Par conséquent, les minorités profitent rarement du concept d’égalité puisque leurs singularités ne sont pas prises en compte : on reconnait les gens comme étant tous les mêmes.

Historiquement donc, le concept d’égalité « a servi à ce que seuls ceux qui se reconnaissent égaux les uns aux autres aient accès aux espaces de pouvoir et de représentation ».

En bref, l’égalité représente un concept homogène. Cette homogénéité a pour conséquence le fait que plusieurs personnes ne se sentent pas inclues. On ne se demande pas si elles ont des besoins ou moyens différents.

Utopique

George Orwell avait déjà relevé cette problématique dans La Ferme des Animaux lorsqu’il écrit que « bien que nous soyons tous égaux, certains sont plus égaux que d’autres ».

Ces mots soulignent le fait que la notion d’égalité pourrait fonctionner dans un monde idéal dans lequel nous serions tous réellement égaux. Or, Orwell appuie le caractère utopique de la notion d’égalité.

Patriarcale

De plus, les discours féministes critiquent le concept d’égalité hommes/femmes pour son homogénéité.

En effet, la notion d’égalité entre hommes et femmes prône le fait que les femmes devraient avoir les mêmes droits que les hommes.

Cette conceptualisation est problématique car elle prend l’homme comme référence, comme standard. L’égalité est alors acquise quand une femme profite des mêmes droits et opportunités qu’un homme.

Adopter ce standard masculin reflète une idéologie patriarcale. Cela ne permet pas aux droits de s’adapter à des besoins typiquement féminins tels que la maternité ou la grossesse. Cette cristallisation a donc des effets négatifs.

c. Une équité trop subjective

Les critiques présentées ci-dessus encouragent souvent les gens à préférer l’équité à l’égalité.

En effet, l’équité prend davantage en compte les minorités. Dès lors, elle semble à première vue plus ‘juste’. Pourtant, on peut aussi critiquer le concept d’équité.

Notion subjective de justice

Un des problèmes avec la notion d’équité est qu’elle est basée sur des notions subjectives de justice. En effet, tout le monde n’a pas la même  définition de ce qui est juste ou injuste. Par conséquent, qui détermine ce qui est juste dans chaque société ?

Cette notion est subjective. Elle est, entre autres, déterminée par la culture.

Ainsi, dans une société patriarcale, on pourrait considérer juste qu’uniquement les hommes puissent hériter des biens. Bien que cette mesure nous semble injuste ou inégale, elle pourrait se justifier comme objectivement équitable dans une société trouvant cela juste.

Manque de définition

Le manque de définition et les possibles dérives que cela pourrait engendrer a poussé le Comité en charge de l’interprétation de La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes à statuer que : les États parties étaient invités « à utiliser exclusivement les concepts d’égalité des femmes et des hommes ou d’égalité entre les sexes et à ne pas utiliser le concept d’équité entre les sexes dans la mise en œuvre de leurs obligations au titre de la Convention »[1].

En effet, le Comité a constaté que « l’équité est un objectif social illusoire qui permet aux gouvernements d’offrir toutes sortes de justifications lorsqu’ils ne sont pas à la hauteur, alors que l’égalité est un droit de l’homme et donc une obligation légale à laquelle on ne peut légalement se soustraire ».

D’un point de vue légal, le manque d’une définition est contraire à la certitude juridique et poussera les juristes à utiliser le mot égalité plutôt qu’équité.

En effet, la notion d’égalité est moins subjective et donc préférée dans le monde juridique.

4. Conclusion

Les termes équités et égalité sont continuellement utilisés comme des synonymes.

Pourtant, les idéologies de ces deux concepts sont bien différentes.

Si l’égalité prône un traitement similaire sans discrimination aucune, l’équité reconnaît que les individus peuvent être différents et nécessitent un traitement autre pour parvenir à une répartition juste des ressources et des opportunités.

Cependant, les deux concepts sont critiqués et critiquables.

L’égalité est vue comme trop utopique, patriarcale et surtout peu flexible. A l’opposé, l’équité est reconnue comme bien trop flexible et subjective ce qui apporte peu de sécurité à ceux/celles qui devraient en bénéficier.

Bien qu’aucun de ces concepts ne soit parfait, une chose est sûre : leur utilisation dans l’élaboration d’un monde plus juste et moral ne devrait jamais être négligée.

Emma Pecqueux


Notes

[1] committee on the elimination of discrimination against women (2010). “general recommendation no.28 on the core obligations of states parties under article 2 of the convention on the elimination of all forms of discrimination against women.”, para. 22.

Références juridiques

Constitution – Art. 10 et 11

Déclaration universelle des droits de l’Homme

CEDAW – Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriminations contre les femmes

Ressources

Egalité

Pour aller plus loin

Avec le soutien de

Retour en haut