La fausse couche - sujet tabou ?
La fausse couche, ou la perte précoce de grossesse, est aujourd’hui encore un sujet tabou.
Le silence qui est fait sur ce sujet implique une forte culpabilisation, ainsi qu’un sentiment de honte de la part des femmes qui perdent leur grossesse. Par ailleurs, aucune prise en charge psychologique n’est réalisée pour ces femmes, qui se retrouvent ainsi isolées et invisibilisées dans leur chagrin.
L’injonction du silence
Les femmes enceintes sont tenues de garder le silence lors des trois premiers mois de leur grossesse. Cette injonction pose problème lorsque ces femmes ont une perte précoce de grossesse. En effet, puisqu’elles doivent garder le silence sur leur grossesse, elles se retrouvent parfois seules et invisibilisées dans leur chagrin. Sans avoir pu en parler, il est donc bien plus difficile de parler ensuite de sa perte précoce de grossesse.
Pour information, la majorité des fausses couches (de 80% à 90%) se produisent au début de la grossesse, durant les 12 premières semaines.
Un phénomène très fréquent, mais un sujet loin d’être public
Selon March of Dimes, un organisme qui travaille sur la santé de la mère et de l’enfant, il y aurait 10-15 % de fausses couches chez les femmes qui savaient qu’elles étaient enceintes.
Pour autant, ce sujet est totalement absent du débat public. Par ailleurs, les fausses couches arrivent fréquemment, et les femmes concernées ne reçoivent pas de soins appropriés ou ne sont pas traitées avec respect.
L’OMS présente sur son site internet des témoignages de femmes venues du monde entier.
En voici quelques-uns :
Larai, 44 ans, pharmacienne, Nigéria
« Ma fausse couche a été traumatisante. Le personnel médical a largement contribué à mon chagrin bien que je sois moi-même médecin. Ils ont placé mon premier bébé dans un sac en plastique et l’ont posé à côté de mon lit. J’ai attrapé le sac croyant que c’était du matériel sanitaire, et j’ai vu mon bébé. Ici, la pratique consiste à remettre le bébé mort au père pour qu’il l’emporte afin de l’inhumer, mais comme mon mari et ma famille n’étaient pas autorisés à venir me voir, j’ai dû ramasser moi-même le sac contenant mon bébé et l’apporter à son père. Je n’ai jamais rien ressenti d’aussi insupportable. »
Emilia, 36 ans, propriétaire d’un magasin, Colombie
« Quand j’ai mis au monde un enfant mort-né à 32 semaines de grossesse, mon bébé avait déjà un nom – Julio Cesar. Je me suis précipitée à la clinique car ma tension artérielle était très élevée. Après un bilan de santé, le médecin m’a dit de me reposer un peu et m’a prescrit un médicament pour faire baisser ma tension, mais il ne m’a donné aucun autre conseil. À la pharmacie, ils m’ont donné beaucoup plus de conseils au sujet des aliments à éviter, de la consommation de sel, du repos et de la façon de s’allonger – j’étais vraiment surprise que le médecin ne m’ait rien dit de tout cela. »
Andrea, 28 ans, styliste et chanteuse, Colombie
« Quand j’étais enceinte de 12 semaines, je suis allée faire un bilan de santé et j’ai passé une échographie. Le médecin m’a dit que quelque chose n’allait pas sans préciser de quoi il s’agissait. Le lendemain, en me réveillant, j’ai remarqué que les draps étaient tachés de sang. Je n’ai reçu aucune information sur les raisons de ma fausse couche. Le médecin a été très gentil avec moi, mais il n’a fourni aucune explication. Les infirmières, en revanche, étaient très froides et désagréables et se comportaient comme s’il s’agissait d’un problème purement médical. De tout le personnel de l’hôpital, le seul qui témoignait d’un peu d’humanité était le médecin. Il m’a rassurée plus tard en me disant que je pouvais essayer à nouveau de tomber enceinte. Sinon, personne ne m’a apporté de soutien. »
La culpabilité, la honte, le deuil : des séquelles psychologiques
L’éventuelle culpabilité
Malgré les multiples raisons pouvant expliquer la fausse couche, certaines femmes peuvent ressentir de la culpabilité et de la honte. Pourquoi moi ? Qu’ai-je fait de mal ? Or, comme on l’a dit, environ 1 naissance sur 4 se terminent par une fausse couche. Si les femmes sont si nombreuses à culpabiliser, c’est parce que le sujet est totalement absent du débat. L’on préférera ainsi garder cette perte pour soi.
En revanche, il ne faut pas tomber dans l’injonction inverse en normalisant le fait de ressentir un véritable deuil à la découverte d’une fausse couche : l’on peut totalement surmonter une fausse couche sans ressentir tout cela, là où pour d’autres se sera une véritable épreuve.
Les séquelles psychologiques
Par ailleurs, de nombreuses femmes qui perdent un bébé pendant la grossesse développent des problèmes de santé mentale qui durent des mois ou des années, comme le signale l’OMS. Ce dernier précise également qu’il est « vital » de parler de la perte d’un bébé, un thème qui reste « tabou dans le monde entier (…) source de stigmatisation et
de honte ».
À tel point que les femmes n’en parlent pas.
De même, après plusieurs fausses couches, la question de réessayer peut être très pesante moralement (désespoir, impossibilité de se projeter).
Un accompagnement médical inadapté
La reconnaissance juridique de la grossesse
Il n’est pas toujours possible de faire reconnaître juridiquement l’existence d’une telle grossesse. En France, par exemple, un foetus peut être inscrit à l’état civil et au livret de famille sous certaines conditions. Il faut ainsi que la fausse couche ait eu lieu après 22 semaines de gestation (4 mois et demi de grossesse) ou que le foetus pèse plus de 500 grammes. Or, on l’a vu, la majorité des fausses couches ont lieu avant 3 mois de grossesse. Les mêmes conditions sont requises pour les parents souhaitant organiser des obsèques.
La prise en charge médical – un parcours pouvant être éprouvant
En outre, Paula Forteza écrit : « Saviez-vous que, à l’hôpital, la fausse couche est prise en charge tel un accouchement comme les autres : péridurale, séjour à l’hôpital de la maternité, certificat d’accouchement ? ». Cette prise en charge médicale de la fausse couche, identique à celle d’un accouchement “comme les autres”, traduit en vérité une violence inouïe à laquelle sont confrontées les femmes concernées.
Par ailleurs, les multiples termes existants pour caractériser la médicalisation de la fausse couche sont aussi particulièrement violents. On parle en effet d’évacuer le fœtus, d’aspiration, etc. Tous ces termes participent à augmenter le traumatisme et la culpabilisation des femmes concernées.
Enfin, aucune prise en charge psychologique ne leur a été proposée, ce qui pose un véritable problème face aux répercussions sur leur santé mentale.
Conclusion
Aujourd’hui, on sait que les fausses couches sont un phénomène fréquent. On sait également qu’elles provoquent de lourdes conséquences sur la santé morale des femmes en ayant une ou plusieurs au cours de leur vie. Par conséquent, la question de leur prise en charge médicale lors de la fausse couche est primordiale et relève du domaine de la santé publique. Chaque femme devrait pouvoir être correctement accompagnée dans ce processus qui s’apparente parfois à un réel deuil. Il n’est pas normal de taire l’existence de ce phénomène.
Anna Cariou
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