Féminicides
Définition
Le féminicide se définit comme le meurtre d’une femme ou d’une fille, ou de plusieurs, en raison de sa/ leurs condition(s) de femme. On parle dès lors d’homicide volontaire visant les femmes. Celui-ci s’inscrit ainsi dans la liste des violences faites contre les femmes. Toutes liées les unes aux autres, ces violences à l’égard des femmes et des filles constituent une atteinte grave aux droits humains. Multipliées davantage par la crise sanitaire, les femmes sont malheureusement aujourd’hui encore, surexposées au danger.
Les motivations des tueurs sont multiples, et peuvent varier selon les cultures et les ethnies.
Cependant, aucune classe sociale, aucune origine, ni aucune sphère du globe n’est épargnée.
Née de la contraction des mots « féminin » et « homicide », la notion de féminicide a été introduite et inventée en 1976 par Diane Russel, écrivaine et sociologue sud-africaine, ayant consacré une grande partie de ses travaux aux questions liées aux violences contre les femmes.
Puis, le terme a été popularisé à la fin du XXème siècle, notamment par la parution de l’ouvrage intitulé « Femicide : The Politics of Woman Killing » paru en 1992, des sociologues Diana E.H. Russell et Jill Radford.
Sensibilisation accrue et en hausse
Par manque de recensement officiel des États, plusieurs collectifs et associations ont procédé à des comptages annuels des féminicides par pays ou par régions du monde.
En réaction à ces féminicides, et à des fins de sensibilisation, nombreux ont été les organismes à relayer ces meurtres via les réseaux sociaux. C’est ainsi que l’on a vu des dizaines de carrés violets portant chacun un numéro, inonder internet. Chaque numéro correspondant au nombre de féminicide par an, depuis le 1er janvier.
À ces initiatives très médiatisées, ce sont ajoutées celles des collectifs de colleur.ses, qui ont choisi de cibler les rues. Ainsi, on a pu voir des messages inscrits en lettres noires sur fonds blancs, tapisser les rues de plusieurs grandes villes. S’agissant tantôt des noms des femmes victimes, ou tantôt de messages appelant à la sensibilisation et à la considération des ces homicides.
Situation dans le monde
L’ONU Femmes, entité des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, a établi un tour d’horizon de la situation des féminicides dans le monde.
L’immense majorité des féminicides sont commis par des hommes, puisque sur les 87 000 femmes tuées en 2017, 58 % l’ont été tuées par un partenaire intime ou un membre de la famille (1).
De plus, selon le contexte de vie et le bagage socioculturel de la victime, les causes de son féminicide peuvent être différentes. Ainsi, l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC) en catégorise aujourd’hui onze formes :
– Le meurtre à la suite de violences conjugales
– La torture et le massacre misogyne
– L’assassinat au nom de “l’honneur” (courant dans certaines communautés, selon des traditions religieuses et/ ou ancestrales)
– Le meurtre ciblé dans le contexte des conflits armés
– L’assassinat lié à la dot des femmes
– La mise à mort des femmes et des filles en raison de leur orientation sexuelle
– L’assassinat systématique de femmes autochtones
– Le foeticide et l’infanticide
– Le décès à la suite de mutilations génitales
– Le meurtre après accusation de sorcellerie
– Ainsi que d’autres meurtres sexistes associés aux gangs, au crime organisé, au narcotrafic, ou encore à la traite des personnes et à la prolifération des armes légères.
Les féminicides touchent donc sans distinction l’ensemble des continents. L’Asie étant la plus touchée, devant l’Afrique, l’Amérique, l’Europe et l’Océanie.
En Europe, c’est l’Allemagne qui recense le plus grand taux de féminicides du fait d’un conjoint ou ex-conjoint (2).
La situation en Belgique et à la frontière
En Belgique, on estime qu’une femme meurt tous les sept à dix jours environ, sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon. Le pays a recensé 19 féminicides en 2021, contre 12 en 2020 selon les chiffres relayés par le collectif Stop féminicides.
En France, le bilan est également lourd. 106 femmes ont été la cible d’un féminicide en 2022, contre 114 l’année précédente, et 104 en 2020.
La législation de nos voisins, les Luxembourgeois, ne reconnaît pas non plus la notion de féminicide dans ses textes.
Pour autant, le pays n’est pas épargné puisque 917 appels pour des cas de violence domestiques ont été enregistrés en 2021, selon un rapport des autorités.
Ainsi, l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes recommande au Grand-Duché de « créer une définition du féminicide, de réaliser une collecte de données exhaustives et de veiller à ce que la dimension de genre soit visible ». De réelles avancées verront-elles le jour ?
Le foyer, principal lieu du danger
En 2021, l’ONU Femmes et l’ONUDC ont pu affirmer dans un rapport sur les féminicides que plus de cinq femmes étaient tuées chaque heure, par un membre de sa famille, soit plus de 120 par jour dans le monde.
Ainsi, sur l’ensemble des meurtres intentionnels contre des femmes ou des filles, 56% d’entre eux ont été commis par un partenaire intime ou par un membre de leur famille.
Puis, à ces chiffres glaçants, se sont ajoutés ceux enregistrés pendant la période de la pandémie du Covid-19. En effet, les répercussions du confinement ont été terribles, puisqu’en France les féminicides ont augmenté de 20% entre 2021 et 2020.
L’Orange Day
En plus de leurs autres campagnes d’actions visant à l’élimination des violences contre les femmes, ONU Femmes met en place une campagne de sensibilisation et d’appel aux dons, intitulée #NIGNORONSPLUS, qui s’inscrit parmi les autres mouvements menés chaque année, entre le 25 novembre et le 10 décembre. Ainsi, les Orange Days sont 16 jours de lutte contre ces violences (3).
Cette campagne de sensibilisation s’est surtout déployée en ligne, en reprenant et en détournant le principe des tests CAPTCHA, qui, à l’entrée des sites internet, vérifient que le présumé internaute n’est pas un robot.
Ainsi, il ne s’agit plus de cliquer sur les feux de circulation, mais sur dees signes évidents de violence.
Le long chemin vers la consécration dans la loi
Récemment, le gouvernent fédéral belge a adopté, le 28 octobre 2022 un projet de loi concernant la prévention et la lutte contre les féminicides, les homicides basés sur le genre, et les violences qui les précèdent. L’objectif étant de munir le pays de suffisamment d’instruments de protection des victimes de féminicides et de mesure de ces crimes. Il s’agira entre autre, d’instaurer une collecte officielle des données statistiques relatives aux féminicides, en plus d’une formation approfondie des magistrats et officiers de police sur le sujet.
« Nommer c’est dévoiler, et dévoiler c’est déjà agir », déclarait Simone de Beauvoir.
L’urgence de la situation est désormais telle, qu’il est devenu plus que nécessaire que le féminicide soit reconnu par la loi pénale, en tant que crime spécifique.
Jusqu’ici, le terme féminicide était encore absent du Code Pénal Belge, qui le reconnaissait seulement comme un homicide avec circonstances aggravantes, en raison du sexe et/ ou de la vulnérabilité particulière de la victime. Cette réforme fortement espérée serait une première en Europe.
Les actions à mettre en oeuvre
S’agissant des actions à mettre en oeuvre, en plus de la reconnaissance du féminicide par le législateur, une prise en charge en amont auprès des potentielles victimes serait nécessaire. Ainsi, en plus d’un grand travail de prévention et de sensibilisation, il faudrait déployer à plus grande échelle, du personnel spécialement formé sur la question.
Il est également possible d’imaginer engager la responsabilité administrative des États, en cas de manquement, notamment lorsque ceux-ci, avertis, n’auraient pas agi ou auraient agi de manière insuffisante.
Jeanne Salliou
Références juridiques
Loi
Ressources
A venir
Pour aller plus loin
‣ https://news.un.org/fr/story/2022/11/1130112
‣ h t t p s : / / u n r i c . o r g / f r / f e m i n i c i d e s – f e m m e s – fi l l e s – r i s q u e n t – d a v a n t a g e /
#:~:text=En%202021%2C%20plus%20de%20cinq,et%20le%20crime%20(ONUDC).
‣ https://www.r tbf.be/ar ticle/violences-faites-aux-femmes-5-chiffres-qui-donnent-le-
vertige-10885720