Les droits reproductifs, dont l'I.V.G., sous menace constante : l’Europe n’y échappe pas

IVG en Europe

L’I.V.G. dans le paysage européen

Éléments d’introduction

En 2024, le débat sur le droit à l’I.V.G. en Europe reste un sujet controversé et polarisé.

L’Europe se distingue par ses déclarations régulières en faveur de la défense des droits humains et des libertés individuelles.

Pourtant, la situation des droits reproductifs des femmes varie beaucoup d’un pays à l’autre. L’I.V.G. en fait partie.

Le regard sur les soins d’avortement varie selon les différentes situations juridiques, culturelles et sociales. Ces facteurs influencent l’accès à des services d’avortement sûrs et légaux à travers l’Europe.

En effet, des différences importantes existent entre les États. Ainsi, il existe une véritable urgence à harmoniser l’autonomie reproductive des femmes à travers le continent.

Une initiative citoyenne européenne symptomatique des inégalités

Par exemple, l’accès à l’avortement est si contrasté au sein de l’Union européenne qu’une initiative citoyenne européenne a été lancée pour rendre l’avortement accessible à toutes.

Définition de l’initiative citoyenne européenne

Les initiatives citoyennes européennes (ICE) sont une sorte d’outil. Elles permettent aux citoyen.ne.s de l’Union européenne de demander à la Commission européenne d’envisager une nouvelle législation.

Pour lancer une ICE, il faut un groupe d’au moins sept citoyen.ne.s. Ils/elles doivent provenir de sept pays différents de l’UE. Ce groupe peut alors soumettre une proposition.

Cette proposition doit porter sur un domaine de compétence de la Commission européenne. Il s’agit, par exemple, de l’environnement ou de la santé publique.

La Commission dispose ensuite de deux mois pour vérifier si l’initiative est recevable.

Une fois acceptée, les organisateur.rice.s ont un an pour recueillir au moins un million de signatures dans toute l’Europe. Ces signatures doivent provenir d’au moins sept États membres. De plus, il y a un seuil minimum de signatures nécessaires pour chaque pays. Ce seuil varie en fonction de la population du pays.

On peut collecter les signatures en ligne ou sur papier.

Ensuite, les autorités nationales doivent valider les signatures. Alors, la Commission examine l’initiative.

Elle a six mois pour donner une réponse officielle. La Commission peut décider de proposer une nouvelle loi, de rejeter l’idée (en justifiant sa décision), ou de prendre d’autres mesures comme des études ou des consultations.

Bien sûr, les ICE ne garantissent pas que la Commission agisse. Cependant, elles permettent aux citoyen.ne.s de participer directement à la démocratie européenne.

Certaines initiatives, comme celles sur l’accès à l’eau ou l’interdiction du glyphosate, ont influencé des débats importants dans l’UE.

L’initiative citoyenne européenne My Voice, My Choice

L’initiative My Voice, My Choice (En anglais, « Ma voix, Mon choix »), a pour objectif de recueillir 1 million de signatures pour présenter une demande à la Commission.

Cette initiative vise à ce que l’Union européenne garantisse à toutes les femmes l’accès à l’I.V.G. en Europe. Ainsi, l’initiative demande à l’UE de financer l’I.V.G. pour les personnes qui n’y ont pas accès dans leur pays. Or, actuellement, plus de 20 millions de femmes en Europe n’ont actuellement pas accès à l’I.V.G.

Le mouvement rassemble plus de 300 organisations et de nombreux.ses bénévoles à travers l’Europe. Ils/elles sont uni.e.s par la conviction que les droits reproductifs sont des droits humains fondamentaux.

Dans la nuit du 22 au 23 décembre 2024, la pétition My Voice, My Choice a atteint le million de signatures. Néanmoins, la Commission européenne a fait savoir à l’équipe porteuse de l’initiative qu’il faudrait en obtenir 200.000 de plus.

En effet, cette marge permet d’assurer la recevabilité de la signature. Chaque signature va être examinée. Et certaines ne seront peut-être pas validées du fait d’informations incomplètes sur le/la signataire.

Cette mobilisation démontre bien qu’il reste du chemin à parcourir pour un avortement sûr et accessible. Pour information, la pétition est accessible ici.

Le paysage évolutif des droits à l’I.V.G. en Europe

Des évolutions contrastées et des enjeux juridiques de l’I.V.G. en Europe

La régulation juridique de l’avortement en Europe a connu des évolutions importantes ces dernières années.

En effet, certains pays ont renforcé les restrictions. Et dans le même temps, d’autres se dirigent vers une plus grande libéralisation.

Une tendance nous inquiète cependant. Nous observons une augmentation des lois restrictives sur l’avortement dans certains pays européens comme la Pologne. Il y existe une interdiction presque totale des soins d’avortement. Par conséquent, de grands mouvements de contestation populaire ont eu lieu. Ils visent à lutter contre cette interdiction.

Ce recul contraste fortement avec le consensus européen sur la protection des droits reproductifs. En effet, plus de 30 États européens autorisent l’I.V.G. à la demande durant le premier trimestre.

La Cour européenne des droits humains (CEDH) a joué un rôle central dans la jurisprudence sur ce sujet. Ainsi, la Cour se concentre sur les obligations positives des États. Celles-ci visent à garantir l’accès aux services d’avortement légal.

Une obligation positive d’un État, c’est son devoir d’agir pour protéger et garantir les droits des personnes. Cela signifie que l’État ne peut pas simplement rester passif et laisser faire. Il doit prendre des mesures concrètes. Cela lui permet alors de s’assurer du respect des droits de chacun.e.

Les enjeux du contrôle des corps des femmes pour les États

Cependant, les décisions de la Cour révèlent également une dimension biopolitique.

Il existe un certain nombre d’intérêts pour les États à contrôler et réguler les questions reproductives. Cela va au-delà des simples considérations de procédure. En effet, les États s’intéressent aux questions liées à la reproduction. De fait, celles-ci touchent directement à des enjeux importants. Sur le plan démographique et économique, les politiques sur la natalité influencent le nombre de naissances.

Or, ce nombre de naissances est vu comme essentiel pour organiser le développement d’un pays et garantir sa prospérité.

Ces décisions reflètent aussi les valeurs sociales et culturelles dominantes. Pensons, par exemple, aux rôles attribués aux hommes et aux femmes ou à l’importance donnée à la famille.

Enfin, en régulant la reproduction, les États exercent un contrôle sur les corps des citoyen.ne.s, en particulier celui des femmes. Or, ces dernières sont souvent au cœur des politiques familiales et démographiques.

C’est comme ça qu’on aboutit à un appel au « réarmement démographique » prononcé par le Président français, Emmanuel Macron en début 2024.

L’état du droit à l’I.V.G. et le consensus en Europe en 2024

La notion de « consensus européen » sur la question influence fortement l’état du droit à l’avortement en 2024.

Une analyse de la réglementation de l’avortement dans les 46 États membres du Conseil de l’Europe révèle un degré considérable d’unité. En effet, plus de 30 pays autorisent l’avortement à la demande pendant le premier trimestre de grossesse.

Ainsi, il existe un véritable consensus pour protéger l’accès à l’avortement, du moins dans les premiers stades de grossesse ou en cas de danger pour la santé de la femme.

Ce consensus devrait limiter les restrictions au droit à l’avortement, même si des tendances inquiétantes existent dans certains pays.

En effet, la Pologne a rendu l’accès à l’avortement presque impossible. Toutefois, cette tendance est assez largement condamnée.

Cependant, il faut rester particulièrement vigilant.e.s. En effet, les discours conservateurs sont en constante augmentation. Or, l’accès à l’avortement est souvent seulement protégé par des lois ordinaires. Par nature, le plus souvent, un simple processus législatif peut abroger ces lois. Ce processus se déroulerait alors simplement au sein des parlements nationaux.

La menace serait moins pesante si la Cour européenne des droits humains reconnaissait le consensus actuel au sujet de l’avortement.

De plus, ce serait aussi une reconnaissances des normes universelles issues des organes des Nations Unies. Sans une telle reconnaissance de la part de la CEDH, les États conservent une marge d’appréciation excessive sur la question de l’avortement. Cela ouvre la porte à toutes les dérives et à une menace constante à l’encontre de la santé des femmes.

L’avortement à l’ère numérique

À l’ère numérique, la question de l’avortement et de son impact sur les droits humains et la santé des femmes a pris une nouvelle dimension.

En effet, d’une part, l’ère numérique a apporté une vague de progrès médicaux et technologiques. D’autre part, cela a considérablement influencé le débat en cours sur les droits à l’avortement.

Ces avancées ont permis aux femmes d’avoir un meilleur accès à l’information et aux soins de santé. Mais elles ont aussi augmenté le contrôle et les attentes sociales.

Ainsi, les plateformes numériques rendent l’information plus accessible. Dès lors, les voix des deux côtés du débat sur l’avortement se sont intensifiées.

Ainsi, on observe davantage de polarisation et de discussions animées voire violentes sur les limites éthiques et légales des droits reproductifs.

De plus, l’utilisation généralisée des technologies numériques a augmenté la pression sur les professionnel.le.s de santé.

En effet, ils/elles doivent désormais naviguer dans des dilemmes éthiques complexes. C’est notamment le cas dans les régions où l’accès à l’avortement légal dépend de l’approbation médicale.

Ainsi, à mesure que la médecine moderne progresse, les attentes sociales et individuelles évoluent. Cela crée de nouveaux défis pour les prestataires de soins.

Les professionnel.le.s de santé doivent jongler entre l’éthique professionnelle et le respect de l’autonomie de leurs patientes.

Les évolutions récentes ont attiré l’attention sur l’équilibre délicat entre la protection des droits de l’enfant à naître et la défense des droits reproductifs des femmes.

Restrictions de l’avortement : une violence étatique genrée

Par nature, l’avortement et sa réglementation légale sont des questions genrées. Cela impose un fardeau disproportionné aux femmes.

La santé reproductive n’est, de toute évidence, pas neutre en matière de genre. Ainsi, les tentatives de restreindre l’accès à l’avortement ou d’accorder des droits au fœtus se font souvent au détriment des droits des femmes et de leur autonomie personnelle.

Or, les principales conséquences physiques et sociales de la grossesse et de l’avortement pèsent directement sur les femmes.

De plus, la stigmatisation associée à l’avortement touche principalement les femmes. Cela s’observe même dans les cas où la loi accorde théoriquement des droits égaux aux pères.

Par ailleurs, les efforts visant à augmenter les droits paternels dans les décisions relatives à l’avortement peuvent réduire les libertés reproductives des femmes.

En tant que telles, les tentatives de réguler ou d’interdire l’avortement reflètent donc un contrôle politique sur les corps et les choix des femmes.

La nature genrée du débat sur l’avortement nécessite un cadre des droits humains. En effet, celui-ci place l’autonomie des femmes au centre des décisions reproductives.

Eliane Le Bihan

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