La ménopause

Dans cet article, je parlerai de « femmes » pour désigner les personnes ayant ou ayant eu des ovaires afin d’assurer une meilleure lisibilité. Evidemment, nous reconnaissons que toutes les personnes concernées ne se reconnaissent pas dans cette appellation.
Qu’est-ce que c’est ?
Ce que l’on appelle communément « ménopause » est en réalité divisé en plusieurs périodes : la péri-ménopause, la ménopause et la postménopause.
La ménopause
La ménopause désigne la fin de l’activité ovarienne. Cela signifie ainsi que les ovaires arrêtent de produire de l’œstrogène et de la progestérone. Ces deux hormones sont celles qui entrent principalement en jeu dans la menstruation.
Ce moment représente donc l’arrêt des règles.
C’est une étape normale de la vie de chaque femme. Elle correspond à la fin de sa période de fertilité. En général, elle arrive vers 51 ans.
Actuellement, c’est environ un quart de la population belge qui est ménopausée ou en période de ménopause. Soit environ 3 millions de femmes selon Women in menopause.
L’augmentation de l’espérance de vie fait que les femmes vont avoir une période de ménopause plus longue que leur période de fertilité.
La péri-ménopause
Il existe aussi la péri-ménopause. Cette période commence à l’apparition des symptômes de la ménopause. C’est le moment où la production d’hormones par les ovaires ralentit. Ses symptômes sont très nombreux. Nous y reviendrons.
La péri-ménopause dure généralement plusieurs années. Elle commence entre 42 et 45 ans. La durée de cette période atteint donc souvent 10 voire 15 ans.
Les durées et l’âge d’apparition des symptômes dépendent évidemment de chacun.e.
Cette période peut être très compliquée à vivre. C’est du notamment à la mauvaise connaissance du sujet. Très peu de professionnel.le.s de santé sont sensibilisé.e.s au sujet. Au Royaume-Uni, une étude a été faite sur le sujet et la moitié des professionnel.le.s déclarent n’avoir jamais eu de cours sur la ménopause. Dès lors, 2/3 ne se sentent pas à l’aise d’accompagner des femmes lors de leur ménopause. De plus, il existe un très gros tabou sur le sujet.
Il arrive donc que des femmes soient perdues sur ce qu’elles traversent. Elles ne savent pas forcément vers qui se tourner.
La postménopause
La postménopause commence 12 mois après l’arrêt des dernières règles. C’est à ce moment-là que l’on dit qu’une femme est « ménopausée ».
Les symptômes de la ménopause peuvent néanmoins continuer plusieurs années après l’arrêt des règles.
Les symptômes de la ménopause
Dans l’imaginaire collectif, la ménopause est souvent associée aux bouffées de chaleur. Cependant, il existe beaucoup plus de symptômes que celui-là.
Voici donc une liste non-exhaustive des symptômes qui peuvent apparaître pendant la ménopause (j’inclus ici la péri-ménopause et la postménopause) :
- Des troubles du sommeil : cela peut être des réveils nocturnes, des difficultés à s’endormir, de la fatigue chronique ;
- Des bouffées de chaleur : des sensations soudaines de chaleur qui peuvent entraîner un malaise, des rougeurs, des sueurs abondantes ;
- Une baisse de la libido ;
- Des troubles génito-urinaires : de la sécheresse vaginale, de la douleur lors des rapports sexuels, des infections urinaires, des pertes d’urine ;
- Une prise de poids, qui est notamment due à la baisse des besoin caloriques ;
- Des douleurs articulaires ;
- Des troubles cognitifs et de l’humeur : des pertes d’attention, des troubles de la mémoire, une tendance dépressive, de l’anxiété, de l’irritabilité ;
- Des règles irrégulières en période de péri-ménopause.
Chaque personne peut sentir plus ou moins de symptômes. Certain.e.s peuvent aussi ne pas en sentir du tout. Il est néanmoins important de les connaître pour éviter les mauvais diagnostics. Ces derniers sont posés pour environ 12% des femmes en Belgique.
Quels impacts peuvent avoir la ménopause ?
Dans le milieu professionnel
Il n’y a quasiment aucune considération pour la ménopause au sein des milieux professionnels. Cela crée donc un environnement inconfortable pour les femmes qui traversent cette période.
Une étude de l’université de Gand montre que plus de la moitié des femmes qui sont en période de ménopause souffre de symptômes qui la mettent en difficulté au travail. Elles souffrent de symptômes parfois très forts au quotidien. Et on attend d’elles qu’elles fassent comme si de rien n’était.
Pourtant ces symptômes impactent la façon de travailler, et la capacité à travailler toute la journée. Surtout si ce travail demande d’être assise toute la journée dans un bureau fermé devant un écran. Ou bien si ce travail est physique en extérieur et sous la chaleur caniculaire.
Cela entraîne des risques de burn-out plus élevés. Mais aussi des absences plus récurrentes. Une étude réalisée au Royaume-Uni prouve qu’environ 1 femme sur 7 prévoit de démissionner à cause de la ménopause et de l’inconfort dans lequel elles se trouvent.
Le fait qu’il n’y ait quasiment aucune considération pour la ménopause montre à quel point notre système est patriarcal. J’ai du mal à croire qu’il n’existerait pas des aménagements possibles si cela touchait les hommes plutôt que les femmes.
La création d’aménagement est cruciale. Surtout en tenant compte de la forte augmentation du taux d’emploi des femmes ces dernières décennies en Belgique.
De plus, il existe des discriminations, liées au sexisme et à l’âgisme. Les femmes ménopausées sont discriminées à l’embauche ou lors d’une demande de promotion.
Au niveau économique
Si l’on suit une logique néolibérale de productivité, la ménopause coûte énormément chaque année aux Etats. Le Japon est le seul pays qui a fait une étude sur le sujet. Selon cette étude, la ménopause coûte environ 11.5 milliards d’euros par an.
De plus, le Fond économique mondial et McKinsey, un cabinet de conseil états-unien, ont calculé les apports que pourraient avoir la recherche sur la ménopause et l’endométriose. Selon eux, le montant s’élèverait donc à 130 milliards de dollars d’ici 2040.
Ainsi, investir dans la santé des femmes peut rapporter beaucoup, encore une fois dans une logique capitaliste. Cela rapporterait environ trois dollars pour chaque dollar investi.
Dans la vie privée
La ménopause a des impacts dans la vie privée et intime. Les changements dans le corps peuvent être bouleversants, surtout lorsqu’on ne les comprend pas.
Les relations avec les proches peuvent dès lors se dégrader. Le tabou autour de la ménopause fait que beaucoup de femmes n’en parlent pas à leur entourage. Ce dernier risque alors de ne pas comprendre les changements potentiels de comportement.
Par exemple, une femme peut ressentir beaucoup plus de fatigue. Si elle a l’habitude de faire des très longues randonnées, cela peut être compliqué pour elle de continuer, surtout si c’est au soleil. Ses partenaires de marche seront sûrement étonné.e.s du changement d’habitude sans explication.
La ménopause crée aussi des bouleversements de la vie sexuelle. Les femmes ressentent beaucoup moins de désir sexuel. Elles ont aussi plus de mal physiquement à continuer leur activité sexuelle normalement. Leur vagin s’assèche plus rapidement. Elles peuvent ressentir des douleurs lors des rapports qu’elles ne ressentent pas d’habitude.
La communication est donc essentielle, surtout avec ses proches. Leur expliquer les changements dans son corps et ses ressentis peut permettre d’éviter de se sentir seule.
Pour la santé
La ménopause et ses symptômes peuvent créer des troubles cardiaques. Il est important de le savoir car, dans de nombreux pays comme la France, les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité des femmes.
Elle augmente aussi le risque de démence et d’ostéoporose. Cette dernière désigne une diminution de la masse osseuse. Elle se traduit par une fragilisation du squelette et donc un risque plus élevé de fractures. Cette maladie touche environ une femme sur trois après la ménopause.
Ces risques sont dus principalement à la réduction de la production d’œstrogènes. Ces hormones ont un effet protecteur qui disparaît au fur et à mesure de la ménopause. En effet, elles agissent sur la dilatation des vaisseaux sanguins, sur la fortification des os, sur les neurotransmetteurs dans notre cerveau, etc.
La ménopause peut aussi avoir des effets négatifs sur la santé mentale. Notamment à cause des changements hormonaux et de l’impact que cela entraîne sur les neurotransmetteurs. Il est possible que le corps ait une réaction, différente de celle habituelle, aux hormones qui contribuent au bien-être, comme la sérotonine ou la dopamine.
Pour les minorités de genre
S’il y a un manque de recherche médicale sur la ménopause, c’est encore plus le cas pour les personnes transgenres ou intersexes. Nous savons que l’ablation des ovaires peut provoquer une ménopause anticipée. Mais il y a très peu de connaissances sur l’effet des traitements hormonaux à long terme par exemple. Ou sur les opérations des appareils génitaux.
Malgré tout, la recherche tend à montrer de façon générale que ces traitements auraient plutôt des effets négatifs.
La prise en charge de la ménopause
La prise en charge de la ménopause reste encore très limitée. Les recherches médicales sont très peu avancées sur le sujet. Nos sociétés patriarcales n’ont jamais jugé nécessaire de se pencher sur un phénomène qui touche toutes les femmes. D’ailleurs pendant des années, le domaine médical pensait que la ménopause ne touchait que les femmes blanches bourgeoises. Car elles étaient les seules à parler plus ou moins ouvertement du sujet. Ou plutôt les seules à être écoutées.
Pour cette raison, très peu d’études ont été faites sur le sujet. Il est donc difficile de connaître précisément les symptômes de la ménopause, et surtout de les soulager.
La prise en charge médicale
Une solution médicale qui est souvent poussée est le traitement hormonal. Comme nous l’avons vu juste avant, certains symptômes sont causés par la réduction des œstrogènes. Continuer à en prendre peut permettre de mieux vivre la ménopause.
Cependant, prendre des hormones peut comporter des risques. En effet, cela dépend des hormones que l’on prend, de la quantité, de la durée du traitement, de la méthode d’inoculation. Il faut parfois du temps pour trouver un traitement adapté à ses besoins. Et même lorsque le traitement est adapté, il comporte des effets secondaires potentiellement graves, comme une augmentation du risque de cancer.
La médecine traditionnelle n’offre donc pas beaucoup de soulagement. Pour cela, beaucoup de femmes se tournent vers des solutions alternatives. Cela peut être une bonne idée. Mais cela comporte aussi des risques.
Ensuite, comme je l’ai écrit plus haut, il y a un manque de formation des professionnel.le.s de santé. Les mauvais diagnostics sont très fréquents. Cela contribue à la mauvaise prise en charge des symptômes.
Certaines entreprises profitent de l’état de détresse des femmes pendant cette période. Elles leur offrent des « solutions miracle » ou bien des retraites très chères pour apprendre à gérer les symptômes.
Une meilleure prise en charge est donc nécessaire. Non seulement pour soulager les femmes mais aussi pour éviter cette capitalisation de leur santé.
Le cadre légal
Il n’y a pas de cadré légal spécifique sur la ménopause en Belgique.
Cependant, il existe des lois contre les discriminations.
C’est le cas de l’une des lois du 10 mai 2007. Elle interdit la discrimination fondée sur le sexe, l’âge, le handicap et d’autres critères. La ménopause entre tout à fait dans ces critères. En effet, elle concerne les femmes qui vieillissent. Et parfois, les symptômes sont si graves qu’ils peuvent relever du handicap.
La ménopause peut aussi entrer dans la protection de la santé des travailleurs/travailleuses. Mais pour l’instant, rien n’est précisé sur le sujet.
Le Sénat a néanmoins adopté en 2024 la résolution 7-422/6 qui vise à définir une politique en matière de ménopause. Cette résolution est une reconnaissance politique du manque d’action. Elle cite un grand nombre de faits et de demandes publiques. Parmi lesquelles, la conscientisation sur l’utilisation du corps masculin comme la norme médicale.
L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes a, lui, publié un avis relatif à l’élaboration d’une politique en matière de (péri)ménopause.
Le tabou de la ménopause
De façon très générale, il existe un tabou autour de la santé des femmes. Ainsi, il est rare d’entendre parler publiquement de menstruations, de ménopause, d’endométriose.
Ce tabou existe depuis des siècles. A cause de cela, les recherches sur ces sujets de santé n’ont jamais été très abouties. Même quasiment inexistantes.
Les connaissances, à la fois médicales ou publiques sont très faibles. Donc les femmes sont laissées à elles-mêmes, presque sans ressources.
Elles sont d’autant plus seules qu’une majorité n’ose pas en parler autour d’elles. Par exemple, l’université de Gand montre dans son étude qu’environ 70% des femmes ne savent pas si elles peuvent parler de la ménopause à leurs collègues. L’enquête de Women in menopause indique que seulement 39% des femmes ménopausées parlent ouvertement du sujet à leurs proches.
Ainsi, beaucoup de femmes ne savent pas où se renseigner. Il existe un gros risque de désinformation. Car un grand nombre de femmes se renseigne par des sources non-médicales.
Il est donc important de renverser ce tabou. Commencer à en parler autour de soi contribue déjà à sensibiliser à ce sujet.
Certains pays commencent à légiférer sur le sujet. C’est le cas par exemple en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Cela montre un début de la volonté de contourner le tabou.
Lili Baccou
Ressources
Pour télécharger la version PDF, cliquez ici : 2025.08.20_Ménopause
Références juridiques
Loi du 10 mai 2007