Microagression
Les micro-agressions, c’est quoi ?
Définition
Les micro-agressions, ce sont des paroles, des gestes ou des comportements d’apparence banale mais qui, en réalité, ont un caractère hostile, péjoratif ou insultant envers une personne ciblée parce qu’elle appartient à une communauté. L’hostilité de l’auteur.rice de l’agression n’est pas nécessairement intentionnelle.
Pour ceux qui observent l’interaction, celle-ci parait généralement inoffensive. Pourtant, les micro-agressions sont considérées comme une forme de discrimination quotidienne. Les individus ne faisant pas partie du groupe dominant en sont régulièrement victimes. Combinées entre elles, toutes ces micro-agressions peuvent provoquer un tort émotionnel grave sur un individu.
D’ailleurs, de nombreux chercheurs ont pointé du doigt que ces comportements peuvent, à long terme, être encore plus dangereux que des expressions manifestes de discriminations. Parce que les micro-agressions sont plus « subtiles », donc souvent ignorées ou minimisées. Cette ignorance peut amener la victime à douter d’elle-même et de ses propres ressentis, et donc mener à une réelle perte d’estime de soi.
Comprendre les micro-agressions par les piqûres de moustiques
Pour comprendre que les micro-agressions sont réellement un problème, on peut imaginer qu’une micro-agression est une piqûre de moustique.
Les piqûres de moustique sont très embêtantes. Mais si on n’est piquée qu’une fois de temps en temps, oui, c’est embêtant, mais ce n’est pas un gros soucis. Le problème est que certaines personnes se font piquer par les moustiques beaucoup plus de fois que d’autres personnes.
Quand certaines personnes se font piquer tout les jours, plusieurs fois par jour, parfois, il arrive qu’elles décident d’exterminer les moustiques avec un lance-flamme, ce qui peut sembler être une sur-réaction pour la plupart des gens qui se font rarement piquer.
De plus, certaines piqûres de moustiques peuvent avoir un impact très fort dans la vie, si par exemple un.e conseiller.ère d’orientation explique à une fille racisée d’envisager une carrière moins difficile que l’astrophysique. Les micro-agressions peuvent même tuer. Quand une personne tue une autre personne parce qu’elle se sentait menacé, parce qu’elle a apprit depuis toute petite de se méfier des hommes noirs par exemple.
Ce texte reprend et traduit la vidéo suivante.
Origine
Le terme a été théorisé à la fin des années 60 par un psychiatre et professeur de l’Université de Harvard, témoin de nombreuses insultes et licenciements par des américains blancs contre des afro-américains.
Le professeur Sue, qui enseigne la psychologie à l’Université de Columbia, a également produit beaucoup de théorie sur le sujet des micro-agressions, notamment dans un ouvrage paru en 2010. Il les décrit comme des paroles qui reproduisent ou relèvent de stéréotypes sur un groupe minorisé. Ces commentaires impliquent plusieurs éléments selon l’auteur : pathologisation des groupes dominés ; prétendue homogénéité de ces groupes et minimisation de la domination.
Exemples
Parmi les micro-agressions récurrentes, on peut relever:
- – Le fait de demander à une personne noire de quelle origine elle est.
- – Dire à une personne grosse qu’elle ferait mieux de ne pas manger le paquet de chips qu’elle a dans les mains.
- – Demander à une femme quel homme elle a sucé pour avoir son augmentation.
- – Affirmer que « all lives matter » en invisibilisant les discriminations racistes.
- – S’adresser à une personne transgenre en la mégenrant.
- – Dans un dîner adressé à une femme noire par exemple : « Tu parles super bien français !»
- – Dans un supermarché à une personne à mobilité réduite : « Tout arrive pour une raison »
- – Dans une voiture sur un trajet : « Quand est-ce que tu vas avoir un bébé ? »
- – Dans la rue, deux personnes lesbiennes : « J’aurais pas pensé que vous étiez gay ! »
- – Dans un date à une femme racisé avec des cheveux bouclés : « Tu est tellement exotique ! Je peux toucher tes cheveux ? »
- – A une femme voilée : « Mais toi tu es belle avec ton foulard »
- – À une femme lesbienne : « Tu es lesbienne parce que tu n’as pas essayé avec les gars » ou encore « C’est parce que tu n’as pas encore trouvé le bon ». C’est de la lesbophobie sous forme de micro-agression.
Les médias se rendent également souvent coupables d’actes ou de paroles problématiques. En effet, en minimisant des faits, en utilisant les mauvais termes, en décrivant une situation de la mauvaise façon, un titre d’article peut constituer une micro-agression pour toutes les personnes concernées par le sujet traité.
L’utilisation de la langue française, la façon de nommer les choses à une réelle influence sur notre perception du monde et donc sur le traitement des inégalités.
Qui sont les auteurs des micro-agressions ?
En tant que membres d’un groupe dominant, nous pouvons tous, un jour, être l’auteur d’une micro-agression. Pourquoi ? Parce qu’elles sont le reflet de préjugés que nous avons tous intégrés depuis notre naissance. Préjugés qui influencent nos comportements et nos interactions.
Même sans caractère intentionnel, les micro-agressions contribuent à renforcer les stéréotypes et la marginalisation des groupes opprimés. Même sans intention hostile, nous devenons l’oppresseur en étant auteur d’une micro-agression.
Pour éviter de le devenir, la meilleure arme est de s’instruire. Aujourd’hui, il existe une quantité énorme de ressources sur le sujet de la domination et des inégalités. De nombreux travaux ont été produit par les personnes concernées, à destination de tou.te.s. A force de se renseigner, l’inclusivité devient naturelle, pas besoin de « faire attention à tout ce qu’on dit ».
Comment réagir face à une micro-agression ?
Si vous en êtes victime, sachez déjà qu’aucune façon de réagir n’est meilleure qu’une autre. Le plus important est de prendre soin de vous. Si vous en avez l’envie et la force, vous pouvez confronter la personne en face de vous, en lui expliquant pourquoi ce qu’elle a dit ou fait est problématique. Vous pouvez également tenter d’interpeller une personne de confiance. Enfin, une autre solution est de fuir, en ignorant les propos ou les gestes qui vous étaient destinés, ou en quittant physiquement la pièce.
Si vous êtes témoin d’une micro-agression, assurez-vous que la victime est écoutée et entourée. N’essayez surtout pas d’expliquer les propos de l’auteur.rice, avec des phrases telles que « ce n’est pas ce qu’iel voulait dire » ; « tu es trop sensible tu as mal compris ». Ces phrases peuvent à elles seules constituer une deuxième agression, puisqu’elles invalident le ressenti de la victime. L’impact d’une micro-agression se mesure selon le ressenti de la personne visée, pas selon l’intention de son auteur.rice.
Si vous êtes auteur.rice et que quelqu’un.e vous le fait remarquer, n’essayez pas de minimiser vos actes par des excuses qui justifieraient votre bonne foi. Si vous refusez d’entendre que vous avez blessé une personne, si vous contredisez son ressenti, vous transformez cette micro-agression en agression intentionnelle. Son impact peut alors être encore plus grand sur la personne visée.
Qu’en pensent les dominants ?
Sans grande surprise, les détracteurs du concept de micro-agression crient à la fragilité, à la « culture de la victimisation » et au « politiquement correct » qui tue leur liberté d’expression. Comme une impression de déjà-entendu. « On ne peut plus rien dire », discours préféré des personnes qui refusent de reconnaître leurs privilèges, pour décrédibiliser les mouvements progressistes.
Ne nous laissons pas intimider par ces discours fallacieux. Ne restons pas enfermer dans une vision utopique d’un monde juste et équitable, qui permet à tou.te.s de rire de tout et avec tout le monde. Les dominations sont une réalité, elles ne sont plus à prouver. Les micro-agressions en sont le reflet, et elles sont malheureusement toujours très nombreuses. Rien ne justifie une discrimination, avec ou sans intention.
Manon L’Hoir et Inés Andrade Pascal
Références juridiques
- Loi