Mesdames les Secrétaires d’Etat, Mesdames les Ministres,
Je viens vers vous pour solliciter votre aide pour la survie de l’asbl Femmes de Droit – Droit des femmes.
Vous trouverez sur ce site toutes les activités auxquelles nous participons et tous les projets que nous développons.
Cependant, j’aimerais m’appesantir quelque peu sur certains points qui me paraissent essentiels.
J’ai fondé l’association Femmes de droit, d’abord de manière informelle en septembre 2015 puis de manière officielle en janvier 2018 après avoir constaté des manquements en termes de droits des femmes et d’analyse genrée du droit.
Ce droit qu’on nous présente comme neutre tout au long de nos études de juristes est pourtant le reflet profond du système patriarcal dans lequel se situe la société belge. Il suffit d’observer finement le contenu de toutes les revues de doctrine pour s’en convaincre ou encore d’analyser les jurisprudences avec un regard genré pour comprendre que le phénomène est massif.
Depuis bientôt six ans, nous travaillons bénévolement à réfléchir le droit d’un point de vue genré, à analyser les manquements et à informer les femmes sur leurs droits. Nous collaborons avec différentes associations de femmes sur un nombre impressionnant de projets. Ce travail occupe la majeure partie de notre temps de repos, hors travail rémunéré.
Malheureusement, les forces s’épuisent. L’arrivée de nouvelles bénévoles, toutes travaillant en plus de leur bénévolat, ne permet pas de pallier cette fatigue.
Il devient urgent que Femmes de Droit puisse engager deux personnes à temps plein pour continuer son œuvre d’utilité publique.
Deux personnes car les situations de violences auxquelles nous faisons face à travers les demandes d’aide nécessitent d’avoir l’appui d’au moins une collègue pour accueillir nos émotions, notamment. De plus, il est essentiel de réunir nos réflexions pour avancer plus efficacement sur les dossiers qui nous occupent. En effet, une partie de notre travail consiste en l’accueil et le soutien des victimes de violence. Nous leur fournissons toute une série d’informations juridiques concernant leurs droits et les démarches qui les attendent. Ces victimes ont besoin de déposer leur histoire. Et il est difficile pour nous d’accueillir toute cette violence sans avoir de relai. Depuis quelques années, nous nous sommes spécialisées sur la question de l’inceste. La très grande majorité des demandes d’aide juridique concerne donc ce sujet si sensible. Par ailleurs, les tâches effectuées par Femmes de Droit me semblent d’utilité générale et nécessitent au minimum deux temps-plein.
Or, l’immense majorité de ces tâches ne sont pas rémunérées : informer les femmes sur leurs droits, les soutenir dans leurs démarches juridiques, participer à des colloques et conférences organisées par des organismes subsidiés aux budgets restreints, lire et analyser des propositions politiques en lien avec nos compétences, à la demande de parlementaires de tout parti. Ces tâches nous prennent beaucoup de temps, nous paraissent essentielles mais ne sont pas rémunérées ou très peu. En toute transparence, au cours de l’année 2020, nous avons ainsi facturé moins de 2.000 € aux personnes facturables pour ce genre de tâches.
Nous avons rempli différents appels à projet. Cependant, notre activité est spécifique et ne cadre pas vraiment avec les appels à projet. Dès lors, nous sommes souvent retenues mais moins classées que d’autres et ne recevons, par conséquent, aucun subside. Au cours des 12 derniers mois, nous avons passé pas moins de 11 semaines d’ETP sur des demandes de subsides. Ce travail nous impose de laisser de côté des femmes victimes que nous n’avons pas le temps de prendre en charge. Pour un résultat plus que décevant puisque nous n’avons obtenu aucun de ces appels à projet (sans toutefois aucune remise en question sur le bienfondé de nos activités).
Je crois profondément que Femmes de Droit est essentielle pour les droits des femmes en Belgique. Notre regard juridique féministe et notre expertise dans des domaines aussi pointus que les violences faites aux femmes, l’inceste ou encore les violences gynécologiques et obstétricales, l’I.V.G., la mise en application de la CEDEF et de la Convention d’Istanbul font de nous des actrices incontournables de la société civile et du monde politique.
Nous avons, à présent, besoin que cette compétence et cette expertise soient reconnues à leur juste valeur pour nous permettre de continuer à les aiguiser.
C’est la raison pour laquelle je vous soumets une demande de subside structurel pour notre association. Ce subside nous permettrait de nous concentrer sur les sujets de fond, ce qui ne nous empêcherait pas de continuer à chercher d’autres sources de financement, notamment par le biais de formations à destination des professionnel.le.s, permettant ainsi à l’association de ne pas dépendre des subsides pour continuer à fonctionner.
Je vous remercie pour l’intérêt que vous nous portez ainsi que pour la confiance que vous avez déjà maintes fois formulée pour notre association.
Bien féministement,
Miriam Ben Jattou, Présidente et fondatrice de l’asbl Femmes de Droit, droit des femmes