appel à l'aide face à un système défaillant

Un appel à l'aide face à un système défaillant

L’histoire bouleversante de Kamélia révèle une injustice criante. Après un an de lutte acharnée pour regagner la garde de ses trois filles, elle se retrouve confrontée à un système judiciaire défaillant. Accusée à tort de violences sexuelles et physiques par son ex-compagnon, Kamélia se bat pour prouver sa vérité. Malgré des preuves contraires et une relation saine avec ses enfants, les décisions de justice restent défavorables. 

Face à cette impasse, Kamélia se tourne vers l’association Femmes de Droit, en quête d’un soutien qui tarde à venir. Son désespoir et sa colère légitimes révèlent les failles d’un système qui l’a privée injustement de ses droits maternels. Une situation déchirante qui met en lumière l’urgence de réformes pour protéger les plus vulnérables. 

Kamélia incarne l’une des nombreuses victimes de ce système défaillant. Son histoire appelle à une action collective pour un avenir plus juste et équitable.

Laissez-moi vous la raconter.

Un mardi matin

Le téléphone sonne. 

C’est Kamélia. Elle m’appelle en désespoir de cause. Depuis un an, elle se bat pour récupérer la garde de ses trois filles, perdue à la suite d’une fausse accusation de violences sexuelles accompagnées de violences physiques envers elles. Ces accusations émanaient du père des fillettes.

A première vue, je reste prudente. Les fausses accusations sont rares. Mais, j’écoute et je crois. Toujours.

C’est mon crédo : croire les personnes qui m’appellent. Elles me disent forcément la vérité. Du moins, leur vérité. Et cette vérité mérite d’être écoutée et entendue.

Une injustice difficile à vivre

Kamélia m’explique que son ex-compagnon l’a menacée de créer un faux dossier de violences sexuelles si elle le quittait. Elle en a gardé des copies d’écran. Et elle a déposé plainte à ce sujet bien avant les poursuites à son égard.

A la suite des accusations de monsieur, le SAJ a estimé qu’il y avait situation d’urgence. Il a donc suspendu immédiatement tout contact entre Kamélia et ses filles. 

A première vue, je salue la décision du SAJ. Protéger les enfants de violences sexuelles devrait être une priorité.

En l’espèce, dans un premier temps, le juge, intervenant en urgence, a préféré avoir plus d’informations sur les faits avant de revenir sur la préconisation du SAJ/SPJ. A nouveau, je m’en réjouis. Cette décision me semble sage.

Cependant, rapidement, les faits sont classés sans suite. En effet, à part les affirmations de monsieur, le dossier contre Kamélia est vide : aucune trace de coup, aucune contusion, aucune trace de violence sexuelle, aucune confirmation des enfants sur les prétendues violences, aucun témoignage prouvant les faits. 

Pire, les seuls éléments démontrent une relation saine et adéquate entre la mère et les trois filles.

L’audition de chaque fille, réalisée selon les préconisations que nous défendons, n’a pas permis de confirmer les faits. Au contraire, les fillettes nient les accusations et ne comprennent pas ce qu’elles font là. Elles demandent à revoir leur mère.

Kamélia espérait donc récupérer ses droits auprès de ses filles, injustement retirés.

Mais, c’était sans compter sur la multiplication de non-sens dans son dossier. 

Plusieurs manquements

Certain.e.s intervenant.e.s ont pris fait et cause pour monsieur, sans avoir ouvert le dossier. Persuadé.e.s de faire au mieux pour les filles, ils/elles soutiennent l’absence totale de contact entre Kamélia et les enfants. Les arguments sont pauvres. Mais entraînent visiblement l’adhésion du juge.

A la lecture du dossier, je constate plusieurs manquements de la part des services impliqués. D’ailleurs, l’avocate de Kamélia a introduit tous les recours possibles face à ces manquements. Les différents juges ont alors estimé qu’il s’agissait en effet de manquements et que les services concernés se devaient de respecter la loi et les jugements. Pourtant, rien n’a changé dans les faits.

Sa demande à Femmes de Droit

Actuellement, Kamélia est toujours privée de ses filles qui ont pourtant cruellement besoin d’elle.

Elle espère que Femmes de droit pourra l’aider à récupérer ses droits les plus élémentaires de femme et de mère. 

Elle est pleine de colère. Et je la comprends. Comment ne pas l’être face à une telle injustice ?

Elle ne cesse de s’excuser de ses élans d’humeur. Et je ne cesse de la rassurer. Sa colère est légitime et je l’entends.

Malheureusement, je me trouve face à une impasse.

Mon impuissance à offrir une aide concrète

Kamélia dépose dans nos bureaux une copie de son épais dossier. Celui-ci reprend tous les documents émanant des services en charge du dossier. J’y retrouve aussi les différentes décisions de justice ainsi que les arguments des différentes parties.

Je lis le dossier attentivement.

Rapidement, je constate qu’il n’y a pas grand chose à faire.

D’un point de vue juridique, toutes les démarches adéquates ont été entreprises par son avocate. Et, petit à petit, toutes les portes se sont refermées.

Je n’aperçois pas quel chemin emprunter pour permettre à Kamélia d’être entendue ni aux trois jeunes filles de renouer des liens avec leur mère.

Je me sens impuissante. 

J’en parle à mes collègues. On envisage toutes les pistes. Mais soit elles ont déjà été prises soit elles ne sont pas adéquates à la situation.

Une puissante déception

Alors, Kamélia se sent plus en colère que jamais. Elle se sent déçue par nous. Par moi.

Elle ne peut admettre qu’une association qui se dise défendre les droits des femmes et des enfants soit impuissante à l’aider face à l’injustice qu’elle vit.

Et je ne peux qu’être d’accord avec elle. Car j’ai fondé cette association dans le but d’aider les gens. Pas de leur fermer la porte en affirmant qu’on ne peut rien faire d’autre qu’attendre. 

Alors, j’écoute. Je reçois sa colère. Et j’encaisse comme je peux.

J’ai du mal à recevoir ses reproches car j’essaie de faire au mieux. Mais je comprends tellement son désespoir que je n’essaie pas de la contredire. J’ai beau me démener, dépasser trop souvent mes propres limites, le constat reste amer. 

Cette femme ne retrouvera pas de si tôt ses enfants. Son ex-compagnon a instrumentalisé la justice au point de lui faire perdre injustement tous ses droits. Et je ne peux qu’observer le désastre se réaliser sans pouvoir l’empêcher.

Alors, comment agir ? 

Je parle ici de Kamélia. Mais, j’aurais pu parler de tant d’autres cas. Des dizaines qui s’accumulent chaque année. Et dans lesquels le droit ne peut dorénavant plus aider, sauf si les intervenant.e.s modifient (enfin) leurs points de vue.

Je vis chacun de ces cas comme un échec personnel.

Je pleure souvent. Loin des bénéficiaires. Elles n’ont pas à supporter mes émotions en plus des leurs.

Mes larmes expriment ma colère, ma déception, mon impuissance.

Mais, je ne veux pas me résigner. 

Alors, je me bats. Encore et encore. 

Et si je ne peux plus agir au niveau individuel, j’essaie d’agir au niveau collectif.

Cela fait une belle jambe à nos bénéficiaires qui vivent l’injustice au moment présent. J’en ai conscience. 

Mais, j’espère pouvoir réduire voire faire disparaître ces injustices à l’avenir. 

Parce que je ne peux me résoudre à vivre dans un monde injuste. Un monde qui non seulement ne protège pas les plus vulnérables mais en plus les enfonce dans la déchéance la plus totale.

L’importance du collectif

C’est la raison pour laquelle au sein de Femmes de Droit, nous travaillons à la sensibilisation du public aux causes des femmes et des minorités. Cela passe par des publications sur les réseaux sociaux. Des interventions dans des colloques, des conférences ou des ateliers. Notre participation à la sphère médiatique.

Sans parler des différents projets sur lesquels nous travaillons, en collaboration avec d’autres associations.

Nous travaillons aussi sur la sensibilisation de la sphère politique. Nous espérons ainsi conscientiser les hommes et les femmes politiques aux injustices actuelles. Et les inciter alors à prendre des mesures pour les contrer.

Nous suivons les propositions de modifications législatives et les analysons. Cela nous permet d’alerter sur les risques de certaines idées. Ou, au contraire, de mettre en avant leurs avantages.

Ce temps précieux est indispensable pour changer les choses à long terme. Mais, ce travail fastidieux est quasiment invisible du public et du politique.

C’est donc un travail essentiellement bénévole.

Cependant, cela ne nous empêche pas de nous y atteler. La cause est trop importante pour la laisser tomber.

Prendre soin de soi

Il reste alors à trouver le juste équilibre entre l’aide individuelle, la lutte collective et le respect de nos propres limites. 

J’échoue régulièrement à trouver cet équilibre. Je tombe souvent d’épuisement. C’est alors le signe que j’ai trop donné à la cause. Que ce soit au niveau individuel ou collectif. 

Mais, chaque échec est une opportunité de grandir et d’en apprendre plus sur moi-même. Alors, je me repose. Puis je repars à l’assaut.

Ainsi, j’ai appris à limiter le temps que j’accorde aux aides individuelles. Entre 10h et 12h, du lundi au vendredi, sauf exception. Cela laisse du temps pour travailler au niveau collectif. 

J’ai aussi appris à m’accorder du repos les week-end. Pour revenir plus sereine et reposée au bureau le lundi. 

Car, j’ai beau savoir que je suis légitime, je continue à avoir du mal à m’accorder autant d’importance que j’en donne aux autres. Mais, j’apprends.

J’écoute mes émotions. Mes limites. Mes besoins.

En espérant qu’un jour, cette lutte puisse cesser. 

Pour que plus jamais, Kamélia n’ait besoin d’appeler une association comme la nôtre pour faire face à une pareille injustice.

Miriam Ben Jattou

Avec le soutien de

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