Accouchement à domicile

accouchement à domicile

Définition

L’Accouchement Assisté à Domicile (abrégé A.A.D.) définit le fait de donner naissance à un bébé chez soi, avec l’aide d’un.e professionnel.le de santé. Une femme* enceinte peut ainsi choisir de mettre un enfant au monde chez elle plutôt que dans une maternité par exemple. Elle est alors assistée d’une sage-femme compétente.

L’A.A.D. est à distinguer de l’Accouchement Non Accompagné (A.N.A). On parle d’A.N.A. lorsqu’une femme enceinte décide d’accoucher chez elle, sans la présence d’une sage-femme ou de toute autre personne du corps médical.

L’A.A.D. est également différent de l’accouchement inopiné, qui désigne le fait de ne pas avoir pu accoucher comme prévu à la maternité, par manque de temps ou impossibilité de s’y rendre.

* Nous avons choisi d’utiliser le mot femme dans l’ensemble du texte. Il va de soi que cela comprend aussi toutes les personnes porteuses d’utérus qui ne se reconnaissent pas femme.

Situation en Belgique

En Belgique, la loi autorise l’A.A.D. Concrètement, les sages-femmes ont le droit d’assister ce type d’accouchements.

Les conditions requises pour pouvoir opter pour un A.A.D. peuvent varier selon le.la professionnel.le de santé qui assiste l’accouchement.

Les critères habituels, non exhaustifs, sont les suivants : la grossesse doit se dérouler normalement et être à bas risque, c’est-à-dire que la mère doit être en bonne santé. De plus, il ne doit pas y avoir de contre-indications médicales, telles que la naissance de jumeaux, une présentation du bébé par le siège, des problèmes cardiaques, de l’hypertension, du diabète, etc[1].

Ces critères ne sont donc pas déterminés par la loi mais par chaque professionnel.le de santé, en fonction de ses propres limites.

Souvent, il est également recommandé d’habiter à proximité d’une maternité ou d’un centre hospitalier (à moins de 20 à 30 min en voiture), afin que des soins d’urgence puissent être prodigués si nécessaire.

Afin de s’assurer que le risque que l’enfant naisse prématuré soit écarté, la femme enceinte doit avoir dépassé les 37 semaines de grossesse.

Le travail de la sage-femme

Dans le cadre d’un accouchement assisté à domicile, la sage-femme est tenue d’apporter tout le matériel de santé nécessaire. Ainsi, elle prévoit les cas d’urgence (monitoring, médicaments, etc.)[2].

Elle surveille le travail. Elle apporte également son soutien si nécessaire. De plus, elle reste plusieurs heures après la naissance, afin de vérifier que tant la mère que le nouveau-né vont bien. Enfin, elle assure le suivi et les soins les jours suivant la naissance.

Le projet d’accoucher, à domicile ou non, requiert donc une discussion approfondie avec la sage-femme, avec laquelle la femme enceinte et son ou ses potentiel.le.s accompagnant.e.s ont pu établir une vraie relation de confiance au cours des mois ou des semaines précédant la naissance.

En définitive, le choix du lieu de l’accouchement doit rester celui de la femme enceinte. Elle doit être entendue et respectée dans ses souhaits. Ainsi, elle est libre de changer d’avis à tout moment si elle le désire.

En pratique

Si l’A.A.D. est autorisé par la loi belge, il existe cependant quelques obstacles à sa réalisation en pratique.

En effet, le choix d’une naissance considérée comme « alternative », ou non, suppose d’avoir accès à des informations claires et précises.

Or, l’initiative et la recherche d’information reviennent bien souvent à la femme enceinte, et éventuellement ses accompagnant.es. Il est donc plus difficile de faire un choix, surtout si on ne sait pas que plusieurs options existent.

En outre, le nombre de sages-femmes acceptant d’assister des A.A.D. est relativement faible. Il peut donc être compliqué de trouver la sage-femme appropriée, avec laquelle on puisse établir un plan de naissance en toute confiance et avec le consentement de tou.te.s.

De fait, l’accouchement à domicile est souvent peu envisagé par la future mère et son entourage. En Wallonie, le nombre d’accouchements assistés et programmés à domicile était de 113 en 2019, soit moins d’1% des naissances[3].

Bénéfices de l’A.A.D.

Pourtant, l’A.A.D. présente de nombreux bénéfices pour la femme qui accouche et pour son bébé.

Il offre un environnement serein où les sources de stress sont moindres, ce qui est très important pour la femme enceinte qui doit pouvoir se connecter à elle-même et à son instinct pendant l’accouchement.

Faire le choix d’accoucher chez soi, c’est donner naissance dans un environnement connu, intime et donc plus sécurisant. Cela permet notamment d’être libre de ne pas se sentir gêné.e ni d’être jugé.e par des regards inconnus.

Entourée de personnes familières dont elle peut décider de la présence et de l’implication, la mère dispose aussi d’un accouchement global. Cela signifie qu’elle est suivie par la même sage-femme tout au long de la grossesse, à la naissance et en post-natal.

Enfin, l’A.A.D. respecte le rythme propre de la femme enceinte. Il lui permet de choisir ses positions et les gestes effectués sur elle et sur son enfant.

Une mauvaise réputation

Malgré les bénéfices qu’il offre, l’A.A.D. souffre cependant d’une très mauvaise réputation dans de nombreux pays occidentaux.

La perspective de ne pas pouvoir recourir à la péridurale, et le risque de devoir être transférée vers une maternité en cas de problème peuvent être des raisons, parfaitement légitimes, de préférer un accouchement dans un hôpital.

Cependant, l’un des principaux freins pour beaucoup de femmes reste la crainte que les risques de complications ou de décès soient plus importants si la naissance a lieu à domicile plutôt qu’en hôpital.

Or, plusieurs études ont montré qu’en Europe et au Canada, le risque de mortalité pour la mère et l’enfant est aussi faible pour un accouchement à domicile que pour un accouchement à l’hôpital [4]. De même, le pourcentage de morbidité liée à l’accouchement, c’est-à-dire le taux d’affections ou de pathologies, est plus faible dans le cas d’un A.A.D.

Cet écart s’explique notamment par le nombre réduit de gestes et d’interventions médicales superflues voire inutilement intrusives[5].

S’il est fortement recommandé d’effectuer un suivi particulier et un accouchement à l’hôpital lors d’une grossesse à risque, afin de prévenir au mieux toute complication, cela ne concerne qu’une minorité de grossesses[6]. Néanmoins, 99% des accouchements en Wallonie se déroulent dans un milieu hospitalier[7].

Or, le nombre de femmes qui souhaiteraient accoucher chez elles si elles en avaient la possibilité est en augmentation[8]. Notamment afin d’éviter la médicalisation croissante de leur accouchement, critiquée par ailleurs par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)[9].

Un choix personnel

Accoucher à domicile ou non relève d’un choix personnel, qui doit dans tous les cas être respecté.

La culture et le contexte dans lequel on vit influencent toutefois beaucoup ce choix[10].

En effet, lorsqu’on s’intéresse aux positions des différents pays d’Européens vis à vis de l’A.A.D, on observe des disparités.

Aux Pays-Bas par exemple, l’accouchement à domicile est très répandu, en particulier pour la deuxième grossesse. Bien que sa pratique ait diminué ces-dernières années, il est choisi dans 16% des cas[11].

Au Royaume-Uni, il est encouragé par le Royal College of Obstetricians & Gynaecologists, une association professionnelle de plus de 16 000 membres[12].

En revanche, accoucher à domicile en France est particulièrement compliqué. En effet, peu de sages-femmes assistent ce type d’accouchement, pour lequel les frais d’assurance sont exorbitants.

Il demeure également rare en Allemagne, où les politiques publiques mettent plutôt l’accent sur l’accouchement en maison de naissance.

Des différences nationales

Ces différences nationales illustrent l’absence d’un consensus politique mais également juridique autour de l’A.A.D.

En effet, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, dans un jugement rendu en 2016, affirme que « les autorités nationales disposent d’une ample marge d’appréciation s’agissant des règles relatives à l’accouchement à domicile » [13].

Concrètement, il en résulte que la Cour ne protège pas la liberté des femmes à choisir le type et le lieu de leur accouchement. Ce choix devait pourtant être garanti par l’Article 8 de la Convention européenne des droits humains, qui a trait au respect de la vie privée et familiale.

Les États sont donc libres de légiférer à ce sujet, tant qu’ils opèrent un « juste équilibre » entre les droits des femmes enceintes et leur mission de protection de la santé de l’enfant et de sa mère.

Cependant, l’appréciation de cet équilibre reste très subjective, et évidemment dépendante des juges.

Dans le cas de l’arrêt rendu en 2016, ce raisonnement a eu pour conséquence de reconnaître le droit de la République Tchèque de ne pas permettre, en pratique, d’obtenir de l’assistance d’un.e professionnel.le de santé dans le cadre d’un accouchement à domicile programmé.

La protection du droit d’accoucher à domicile

En l’absence d’accord à l’échelle internationale et européenne, la protection du droit d’accoucher à domicile dépend entièrement de l’arbitraire des États.

Il est pourtant primordial de protéger la liberté de choix des femmes enceintes, quant au type et au lieu de leur accouchement.

Ce droit doit être garanti en théorie comme en pratique, par la formation adéquate et la liberté d’exercice des sages-femmes, l’accès à l’information, l’écoute et le respect des souhaits des parturientes.

Armony Laurent


Notes

[1] Contre-indications – AAD. (2017, 30 novembre). L’accouchement à domicile, pour une naissance physiologique.

[2] Accouchement – À domicile. (2021). Sage Femme Union Professionnelle des Sages-Femmes Belges. 

[3] Leroy Charlotte, & Van Leeuw Virginie. (2019). Santé périnatale en Wallonie. Centre d’épidémiologie périnatale.

[4] Wiegers, T. A., Keirse, M. J. N. C., Van Der Zee, J., & Berghs, G. A. H. (1996). Outcome Of Planned Home And Planned Hospital Births In Low Risk Pregnancies : Prospective Study In Midwifery Practices In The NetherlandsBMJ : British Medical Journal313(7068), 1309‑1313.

Et Hanna G. Dahlen. (2019). Is it time to ask wether Facility based birth is safe for low risk women and their babies ? Journal of Education and Practice14, 9‑10.

[5]Recommendations | Intrapartum care for healthy women and babies | Guidance | NICE. (2014, 3 décembre). National Institute for Health and Care Excellence.

[6] Dessureault, A. (2015). La médicalisation de l’accouchement : impacts possibles sur la santé mentale et physique des famillesDevenir, 1(1), 53-68.

[7] Leroy Charlotte, & Van Leeuw Virginie. (2019). Santé périnatale en Wallonie. Centre d’épidémiologie périnatale.

[8] Platel, L. (2021, 14 avril). Enquête AAD/IFOP. Association Nationale des Sages-Femmes Libérales.

[9] Recommandations de l’OMS sur l’accouchement. (2018, 19 février). Conseil national de l’Ordre des sages-femmes.

[10] Dessureault, A. (2015). La médicalisation de l’accouchement : impacts possibles sur la santé mentale et physique des famillesDevenir, 1(1), 53-68.

[11] Durand, A. (2016, 22 août). « Aux Pays-Bas, accoucher à domicile n’est pas un projet alternatif, c’est juste normal ». Le Monde.fr.

[12] RCOG statement on BMJ home birth study. (2013, 14 juin). Royal College of Obstetricians & Gynaecologists.

[13] Communiqué de Presse du Greffier de la Cour (CEDH), (2016, 8 Novembre), Annonce d’un arrêt de Grande Chambre concernant l’accouchement à domicile en République tchèque.

Références juridiques

Article 8 de la CEDH

Pour aller plus loin

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