Les Espaces-rencontres

Espaces-rencontres

Les espaces-rencontres sont censés être des services de soutien à la parentalité.

Définition

Selon le professeur Jean-Louis Renchon, l’espace-rencontre « est un lieu neutre mis à la disposition d’un enfant, de sa mère, de son père, ou, éventuellement d’un autre membre de sa famille, par exemple ses grands-parents, dans toute situation où l’exercice d’un droit aux relations personnelles d’un des parents (ou, éventuellement, d’un autre membre de la famille) est interrompu, entravé par les conflits familiaux ou susceptible de provoquer un traumatisme pour l’enfant, de façon à ce que les “rencontres” avec l’enfant ou, parfois même, les reprises de contact avec l’enfant puissent être encadrées par un service d’accompagnement qualifié »[1].

Naissance et subventions

Origine

C’est un système qui s’inspire des points de rencontre français. A l’origine c’était à l’initiative d’organismes de terrain. Ensuite ils ont été encadrés par des règles de droit en Communauté française[2].

Historique

C’est un arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 15 mai 1995, qui a organisé pour la première fois les services d’espaces-rencontres, avec comme mission « d’accompagner l’exercice du droit de visite de toute personne titulaire de ce droit à l’égard d’un enfant, lorsque l’exercice de ce droit est conflictuel »[3].

La communauté française décide alors de ne plus poursuivre l’agrément provisoire des services. Elle décide également, par une décision judiciaire, que cela ne relève pas de l’aide à la jeunesse. En effet, pour elle, ces services devraient être pris en charge par le Gouvernement fédéral[4].

En 2004, la région wallone décide alors de subventionner 11 services. Et à la suite de cela, le décret de la Région wallonne du 27 mai 2004 relatif à l’agrément et au subventionnement des services « Espaces-Rencontres » et l’arrêté du Gouvernement wallon portant exécution de ce décret voient le jour. Ces deux textes sont toujours d’actualité[5].

Dès lors, 12 espaces-rencontres, correspondant chacun à un arrondissement judiciaire sont subsidiés par la Région wallonne, et deux autres qui exercent à Bruxelles sont subsidiés par la Commission communautaire française[6].

Subvention

En 2007, un projet de décret a été déposé afin de préciser les missions, le cadre et les moyens d’intervention des «Espaces-Rencontres». Ce projet a donné lieu au décret de la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale, relatif à l’agrément et à l’octroi de subventions aux services «Espaces-Rencontres »[7].

Objectifs

L’objectif annoncé des espaces-rencontres est de donner une réponse face « à la recrudescence de la dispersion et de la séparation des familles, ainsi que la détérioration accrue des relations au sein de ces familles [8]».

Elle repose sur la reconnaissance du droit fondamental de l’enfant d’avoir accès à chacun de ses parents[9].  

A la demande des cours et tribunaux

Les décisions judiciaires font appel aux Espaces-rencontre pour ordonner une reprise de contact, ou un encadrement entre un enfant et un membre de sa famille.  Ce service est indépendant du pouvoir judiciaire[10].

L’espace-rencontre vise à « mettre en place un cadre adapté et efficient qui contraint les parties à exécuter les obligations fixées dans une décision de justice et, par-là, à intérioriser la loi qui régit les relations d’un enfant avec chacun de ses parents »[11].

Encadrement psycho-social

La mission des espaces-rencontres, en plus de respecter une décision de justice, est de donner un encadrement psycho-social aux familles. Plus précisément, ces services ont pour mission, en théorie, de « restaurer les liens, de recréer de la confiance entre les différents membres de la famille, de réhabiliter un adulte dans sa relation avec l’enfant, et un enfant à sa place d’enfant ».

Le travail doit normalement être réalisé des deux côtés : avec le parent avec qui le lien a été rompu et avec celui qui entend ou prétend protéger l’enfant[12].  

Art. 4 du décret de la Région wallonne du 27 mai 2004 relatif à l’agrément et au subventionnement des services « Espaces-Rencontres :

1er. Les services « Espaces-Rencontres » ont pour missions :

1° de permettre au parent avec lequel l’enfant ne vit pas un exercice normal de son droit aux relations personnelles lorsque ce droit a été interrompu ou lorsqu’il se déroule difficilement ou de manière conflictuelle;

2° de contribuer à créer ou à restaurer la relation entre l’enfant et le parent avec lequel il ne vit pas.

2. Les missions visées au § 1er sont exercées dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative, ou à la demande des parents.

3. Elles sont réalisées :

1° en organisant des rencontres entre l’enfant et le parent avec lequel il ne vit pas;

2° en encadrant par un tiers neutre l’exercice du droit aux relations personnelles. »

Pour qui ?

Les espaces de rencontres sont destinés aux familles en situation de rupture, de divorce ou de séparation. Ces services ne sont pas destinés qu’aux parents mais également aux grands-parents et les personnes titulaire d’un droit « aux relations personnelles » avec cet enfant[13].

Comment ?

Ces rencontres sont organisées entre l’enfant, le parent, et un tiers neutre qui va encadrer « l’exercice du droit aux relations personnelles »[14].

Quand ?

Les rencontres sont réalisées soit lors d’une procédure judiciaire ou administrative, soit à la demande des parents[15].

Pour quelles raisons ?

C’est un lieu de rencontre neutre et sécurisant pour l’enfant et le parent hébergeant mais aussi pour le parent visiteur[16].

Ces services interviennent pour différentes raisons :  

« 1. Maintenir le lien dans le cadre d’une situation hautement conflictuelle ;

2. Encadrement des rencontres entre un parent «contesté» ou «refusé» et son enfant «alièné», voire des relations d’un enfant avec son parent considèré comme « ravisseur potentiel » ou réel ;

3. Rupture et essai de reprise de contacts avec un parent et attente du résultat d’éventuelles mesures d’investigation ;

4. violences à l’égard d’un parent ou de l’enfant ;

5. Négligences, voire abus sexuels suspectés ou avérés dans le chef d’un parent ;

6. Accompagnement de visites en milieu carcéral ;

7. Soutien du parent aux prises avec des troubles mentaux ou dépendant à l’alcool ou aux produits psychotropes; … »[17].

Cadre légal

Le Code de déontologie des services Espaces-Rencontres est annexé à l’arrêté du Gouvernement wallon du 28 juillet 2004. Il dispose que pour être agréés, les espaces-rencontres doivent respecter :

1. La limitation dans le temps

« Le recours au service ‘Espaces-Rencontres’ doit conserver un caractère exceptionnel et transitoire. Le Service ‘Espaces-Rencontres’ met en œuvre les ressources et les compétences dont il dispose pour faire en sorte, dans la mesure du possible, que les relations entre les personnes concernées évoluent et puissent être entretenues sans l’intervention du service »[18].

Les espaces-rencontres doivent faire au mieux pour que la situation s’améliore, au point qu’il n’y ait plus besoin de leur intervention avec l’accord du parent ou de l’instance judiciaire ou administrative, ou encore par le service «  Espaces-Rencontres »[19].

C’est une intervention « à caractère transitoire, à visée évolutive et de la limite fixée dans le temps aux rencontres entre enfants et parents au sein du service»[20].

2. L’Autonomie des espaces-rencontres

 Les services «Espaces-Rencontres» jouent le rôle d’un tiers neutre. Ils doivent soutenir et accompagner chaque membre de la famille[21].

Jean-Louise Renchon rappelle que les espaces-rencontres n’agissent pas sur mandat du tribunal, et ne doivent donc pas lui rendre des comptes[22]. Ils sont mandatés par les parties, qui les sollicitent afin d’exécuter ce que le juge leur a ordonné [23].

Ainsi, ce code confirme l’autonomie des services « espaces-rencontres » par rapport aux tribunaux. En effet, ces services peuvent refuser de prendre en charge certaines situations, ou mettre fin à une intervention. De fait, ce ne sont pas des lieux d’investigation ou d’expertise. Seul.e.s les intervenant.e.s du service peuvent intervenir.

Par ailleurs, ce sont les décisions judiciaires ou administratives, ou encore des conventions entre les parents qui fixent le cadre de l’exercice du droit aux relations personnelles. Tous les documents qui sont transmis aux autorités judiciaires ou administratives doivent être communiqués aux parents concernés et éventuellement à leurs avocat.e.s[24].

Le texte précise :

« 4. Autonomie des services ′′Espaces-Rencontres′′ et relations avec les instances judiciaires et administratives. Lorsqu’ils estiment leur intervention inadéquate, les services ′′Espaces-Rencontres′′ peuvent refuser la prise en charge d’une situation qui leur est demandée par les parents ou par une instance judiciaire ou administrative. Ils peuvent également mettre fin à une intervention lorsqu’ils estiment inadéquate l’utilisation qui est faite du service qu’ils offrent. Les services ′′Espaces-Rencontres′′ ne sont pas des lieux d’investigation ou d’expertise. Ils ne se substituent pas aux instances judiciaires ou administratives.

A l’exception des intervenants du service, tout autre professionnel (assistant de justice, magistrat, avocat, expert, travailleur social, …) n’est pas admis dans le service pendant les rencontres entre parents et enfants. Le cadre de l’exercice du droit aux relations personnelles est fixé par les décisions judiciaires ou administratives ou par les conventions conclues entre les parents, en conformité avec le règlement d’ordre intérieur du service ′′Espaces-Rencontres′′. Les services ′′Espaces-Rencontres′′ peuvent recevoir copie de l’ordonnance ou du jugement désignant le service comme lieu d’exercice du droit aux relations personnelles.

Les services ′′Espaces-Rencontres′′ peuvent remettre aux parents et/ou aux autorités concernées des attestations de présence ou d’absence des parents et des enfants.

Ils peuvent également transmettre aux instances judiciaires ou administratives et aux parents des courriers : – en vue de proposer une modification des conditions de rencontre;
– en vue de modifier les conditions de rencontre si l’initiative en est laissée au service ′′Espaces-Rencontres′′; – en cas d’incident grave s’étant produit durant la rencontre;

– en vue ou en cas de suspension des rencontres. Tout document transmis aux autorités judiciaires ou administratives est communiqué aux parents concernés et éventuellement à leurs avocats. Les instances judiciaires et administratives qui adressent les usagers au service ′′Espaces-Rencontres′′ ne peuvent en aucun cas décider des modalités de fonctionnement de ces lieux.».

Layna Ajbaïlou

Notes

[1] Dandoy, N., « Justice familiale et démocratie » in Dandoy, N. et al. (dir.), Individu, Famille et Etat: Réflexions sur le sens du droit de la personne, de la famille et de son patrimoine, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2022, p. 349

[2] Ibidem

[3] Reusens, F., « Les espaces-rencontres: services de soutien à la parentalité », R.T.D.F., 2007/4, p. 1218

[4] Ibidem.

[5] Ibidem, p.1219 et 1220

[6] Reusens, F., « Les espaces-rencontres: services de soutien à la parentalité », R.T.D.F., 2007/4,p. 1220

[7] Reusens, F., « Les espaces-rencontres: services de soutien à la parentalité », R.T.D.F., 2007/4,p. 1220

[8] Ibidem.

[9] Ibidem.

[10] Dandoy, N., « Justice familiale et démocratie » in Dandoy, N. et al. (dir.), Individu, Famille et Etat: Réflexions sur le sens du droit de la personne, de la famille et de son patrimoine, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2022,p.350

[11] Ibidem.

[12] Ibidem

[13] Reusens, F., « Les espaces-rencontres: services de soutien à la parentalité », R.T.D.F., 2007/4, p.1221

[14] Ibidem

[15] Ibidem

[16] Ibidem

[17] Ibidem, p.1222

[18] Reusens, F., « Les espaces-rencontres: services de soutien à la parentalité », R.T.D.F., 2007/4,p.1223

[19] Ibidem, p.1223

[20] Point 6°, alinéa 2 du Code de déontologie, http://www.comitedevigilance.be/IMG/pdf/code_deonto_espaces_rencontres.pdf

[21] Reusens, F., « Les espaces-rencontres: services de soutien à la parentalité », R.T.D.F., 2007/4, p. 1225

[22] Dandoy, N., « Justice familiale et démocratie » in Dandoy, N. et al. (dir.), Individu, Famille et Etat: Réflexions sur le sens du droit de la personne, de la famille et de son patrimoine, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2022, p.350

[23] Ibidem,p.351

[24] Point 4 du code de déontologie des « Espaces de rencontre », http://www.comitedevigilance.be/IMG/pdf/code_deonto_espaces_rencontres.pdf

Références juridiques

  • – Décret du 27 mai 2004 relatif à l’agrément et au subventionnement des services « Espaces-Rencontres »
  • – Code de déontologie des « Espaces de rencontre »

Ressources

A venir

Pour aller plus loin

Bibliographie utilisée

Dandoy, N., « Justice familiale et démocratie » in Dandoy, N. et al. (dir.), Individu, Famille et Etat: Réflexions sur le sens du droit de la personne, de la famille et de son patrimoine, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2022

Reusens, F., « Les espaces-rencontres: services de soutien à la parentalité », R.T.D.F., 2007/4

Bibliographie pour aller plus loin

J.-L. Renchon, « Les espaces-rencontre en Communauté française de Belgique », Liber Amicorum Prof.Dr. G. Baeteman, Deurne, Story-Scientia, 1997

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