Les suffragettes

Les suffragettes

“Tant que les femmes consentiront à être injustement gouvernées, elles le seront” Emmeline Pankhurst.

Aujourd’hui, le droit de vote paraît tout à fait banal. Nous, femmes, considérons cela comme la normalité.

Mais le droit de vote n’a pas toujours été chose commune.

Aujourd’hui, une femme qui n’a pas le droit de vote et dont la moindre action dépend de son mari, ça peut paraître impensable. C’est cependant la réalité de la moitié de la population mondiale de l’époque.

Et c’est encore la réalité de femmes dans certains pays aujourd’hui.

Bref rappel historique

Alors que les femmes néo-zélandaises ont obtenu le droit de vote depuis 1893, les femmes sont, dans le reste du monde, considérées comme des citoyennes de seconde zone. Elles ont moins de droits que les criminels, les enfants ou encore les malades mentaux.

A travail égal, elles sont payées la moitié moins qu’un homme et n’ont aucun accès à l’éducation.

Pire encore, au Royaume-Uni, si une femme est mariée, “son identité est subordonnée à celle de son mari”. Choquant ? Non, tout à fait banal à l’époque.

L’action des suffragettes

L’action des suffragettes, c’est une révolution.

Bien qu’elles exigent le droit de vote, c’est tout le système qu’elles ont voulu remettre en question. Un système créé par des hommes, pour des hommes et souvent contre les femmes.

Partant de ce postulat, pourquoi devraient-elles se soucier du droit ? Pourquoi devraient-elles respecter une loi qui ne les considère pas ? Les suffragettes ont alors commencé à lutter.

Il est important de comprendre que là où les hommes ont dû dépenser une énergie folle pour obtenir le droit de vote, les femmes, elles, y ont parfois laissé leur vie.

Avant cela, la femme fait partie de la sphère privée. De fait, il était impensable qu’une organisation créée par des femmes pour les droits des femmes ait un impact médiatique aussi important et touche le public de la sorte.

Oui, la femme n’est plus seulement la mère qui s’occupe du foyer. Non, la femme est devenue une personne politique.

Beaucoup de femmes sortent de cette lutte traumatisées, fatiguées. Certaines y laisseront même leur vie.

A présent, voici, en résumé, une présentation de l’histoire des suffragettes.

Qui sont les suffragettes ?

Le terme “suffragettes” est utilisé pour la première fois par le Daily Mail en 1906 dans le but de moquer et d’accabler les militantes féministes de la Women Social and Political Union (WSPU).

Quand on pense aux suffragettes, on pense à toutes ces femmes qui se sont battues afin d’obtenir le droit de vote, qui ont milité nuit et jour et qui ont risqué leurs vies pour obtenir davantage de droits voire l’égalité.

Les suffragettes, ce sont des femmes qui ont milité pour sortir de cette société patriarcale, pour arrêter d’être infantilisées et pour l’égalité.

Origines

Ainsi, l’histoire des suffragettes commence en 1897 au Royaume-Uni, avec la création par Millicent Fawcett de la National Union of Women Suffrage Societies (NUWSS), une association qui milite en faveur du droit de vote des femmes.

De fait, l’organisation est démocratique et à pour but l’établissement du droit de vote pour les femmes par des moyens pacifiques et légaux.

En outre, elles veulent introduire des projets de loi au Parlement et sensibiliser le public à leur cause par le biais de meetings.

Ainsi, il existe à cette époque 400 groupuscules dans tout le pays qui réunissent en tout et pour tout plus de 100 000 membres dont des hommes.

La majeure partie des membres est issue de la classe moyenne. Néanmoins, il y a aussi des rangs d’origine plus modeste.

Création de la WSPU

Cependant, une partie des femmes membres de cette organisation constate que les méthodes pacifistes et légales de la NUWSS ne fonctionnent guère et qu’elles sont peu entendues.

Dès lors, en 1903, une scission se crée au sein du NUWSS. En effet, c’est en 1903 qu’Emmeline Pankhurst et ses deux filles, Cristabel et Sylvia Pankhurst fondent à Manchester la Women Social and Political Union (WSPU).

Il s’agit d’une organisation féministe qui milite en faveur du droit de vote des femmes au Royaume-Uni.

L’organisation se veut plus radicale et en opposition au mouvement de la NUWSS, qu’elle estime trop modérée.

Il est important de souligner que l’organisation est non-mixte.

Les membres de cette organisation sont alors les premières à être connues sous le nom de suffragettes. Par leurs actions plus radicales, elles suscitent très vite l’intérêt du public.

En 1906, l’organisation déménage à Londres dans le but de peser au niveau national.

“Des actions, pas des mots” : la suffragette est une guerrière.

Oui, les suffragettes ont usé de la violence. Cependant, n’était-ce pas le seul moyen de se faire entendre ? N’était-ce pas le seul moyen de faire reconnaître leur combat ? La « radicalité » n’était-elle pas nécessaire ?

Une « armée »

Très tôt, la WPSU est considérée comme une “armée”.

De fait, Emmeline Pankhurst exige de ses militantes qu’elles suivent et appliquent ses règles à la lettre. Pas de désobéissance possible. Simplement écouter les ordres.

En effet, les suffragettes cherchent à faire parler d’elles. Que ce soit en bien ou en mal,  elles sont prêtes à tout pour qu’on les remarque.

L’armée des suffragettes entre alors en guerre contre un système qui en épuise plus d’une. Une guerre contre un système qui ignore les femmes. Une guerre contre un système qui est contre les femmes.

Appel à la désobéissance

D’après Emmeline Pankhurst, “tant que les femmes consentiront à être injustement gouvernées, elles le seront.”. Elle appelle alors à la désobéissance.

“Nous cassons des vitres. Nous brûlons des choses. Puisque la guerre est la seule langue que les hommes comprennent.” (Les suffragettes, Film).

Les suffragettes n’ont d’autres choix que de se faire voir et entendre.

Elles font le choix d’une action violente et n’hésitent pas à recourir au vandalisme et à différents sabotages. Elles incendient des lieux publics et politiques.

En outre, pour les suffragettes, l’action directe doit primer. La stratégie de confrontation semble, à ce moment-là, être la plus efficace.

Un mouvement « radical »

En raison de leur “radicalité”, les suffragettes se mettent en danger. Certaines sont régulièrement arrêtées et emprisonnées. D’autres meurent.

C’est le cas d’Emily Davison, qui devient la “martyre” du mouvement des suffragettes. Ainsi, le 4 juin 1913, la militante pour la WSPU fait partie des 500 000 spectateurs du Derby d’Epsom, une course hippique prestigieuse. Durant la course, elle passe sous la barrière de sécurité et pénètre sur la piste. Elle s’approche d’un cheval appartenant au roi Georges V, qui la renverse. Elle est hospitalisée et meurt de ses blessures le 8 juin 1913. Ses funérailles ont lieu le 14 juin 1913 à Bloomsbury. Plus de 2000 suffragettes appartenant à différentes organisations participent à ses funérailles.

Ainsi, plusieurs interprétations ont été données quant à son action du 4 juin 1913. Certains ont d’abord pensé à un suicide, d’autre simplement à un accident.

Cependant, on retrouve deux drapeaux de la WPSU dans son manteau ainsi qu’un ticket de retour et une invitation à une manifestation de suffragettes. Par conséquent, les historiens rejettent l’hypothèse du suicide.

De fait, la journaliste et auteur Clare Balding estime que la militante s’est dirigée intentionnellement vers le cheval dans le but de suspendre une écharpe aux couleurs de la WPSU à la bride du cheval de Georges V. Cependant, Emily Davison aurait sous-estimé la vitesse des chevaux et ne pouvait donc pas éviter la collision.

Les suffragettes et la grève de la faim

Par ailleurs, en 1909, une suffragette emprisonnée réclame le traitement d’une prisonnière politique. Elle entame alors une grève de la faim et est bientôt suivie par toutes les suffragettes emprisonnées. Elles reçoivent un soutien important de l’Europe entière.

Face à cette réaction des suffragettes, le gouvernement britannique prend des mesures radicales et décide de nourrir les militantes de force. Ainsi, elles sont gavées comme des oies par la bouche ou par le nez, ressortent le visage tuméfié et traumatisées.

Evidemment, les actions du gouvernement horrifient l’Europe entière et les suffragettes reçoivent beaucoup de soutien.

Le cas de Constance Bulwer-Lytton

Parmi ces grévistes de la faim, on trouve le cas de Constance Bulwer-Lytton, une dame de la haute classe anglaise qui avait décidé de se faire passer pour une ouvrière pour ne pas subir de traitement de faveur dû à son rang social.

De fait, elle est arrêtée et emprisonnée durant deux semaines. Elle est nourrie huit fois de force avant que les autorités se rendent compte de sa véritable identité.

En outre, le traitement qu’elle subit lui cause une crise cardiaque qui la laisse partiellement paralysée.

Le gavage forcé

Ironiquement, la pratique du gavage forcé était considérée sans danger par le gouvernement. Les membres du gouvernement considéraient cette pratique comme “nécessaire” compte tenu de la vie “sacrée” que représentait la vie des femmes.

Cependant, cette pratique si affreuse, dangereuse et abominable présentait des conséquences désastreuses. En effet, les suffragettes qui se débattaient et luttaient contre le gavage forcé pouvaient se retrouver avec des dents cassées, vomir, avoir des saignements voire pouvaient s’étouffer par le biais de nourriture qui était versée accidentellement dans les poumons.

Le Cat and Mouse Act

Pour contrecarrer les grèves de la faim et mettre fin à cette méthode de torture épouvantable, le gouvernement décide alors de promulguer une loi qui met fin à l’alimentation forcée des suffragettes.

Il s’agit du Cat and Mouse Act (nom donné à la loi par les journalistes).

Ainsi, les suffragettes en grève de la faim ne recevaient plus aucun soin jusqu’à ce que leur état de santé devienne préoccupant et qu’elles soient relâchées. Par la suite, une fois de nouveau sur pieds, elles sont arrêtées et emprisonnées de nouveau pour des raisons tout à fait futiles.

Suffragistes et suffragettes

On note donc une réelle différence entre les deux partis, celui des suffragistes (NUWSS) et celui des suffragettes (WPSU). D’un côté, les unes veulent faire entendre leurs revendications de manière légale et politiquement correcte. De l’autre, on prône la désobéissance civile.

Le “Black Friday” ou le vendredi de l’horreur.

Manifestation devant le Parlement

C’est le vendredi 18 novembre 1910 que se déroule la tragédie. Il s’agit d’une manifestation de suffragettes où plus de 300 femmes ont manifesté vers les chambres du Parlement, dans le cadre de leur campagne pour obtenir le droit de vote des femmes.

Si la journée fut si sombre, c’est parce qu’elle a suscité une grande violence de la part de la gente masculine. En effet, si les policiers font preuve de violence et d’agressivité, s’ils procèdent aussi à des agressions sexuelles, certains passants masculins décident d’en faire de même.

Violences et humiliations de nature sexuelle

Ainsi, si les manifestations précédentes avaient été encadrées par des policiers “formés” aux manifestations des suffragettes, ce jour-là, les choses sont différentes. En effet, le jour de la manifestation, ces hommes n’ont aucune expérience dans la police des suffragettes. Les policiers soumettent alors les manifestantes à des séries de violences et d’insultes. La plupart de ces violences sont de nature sexuelle.

La manifestation dure 6 heures. Pendant tout ce temps-là, les femmes sont battues, humiliées, insultées. Des manifestantes qui tentent de rentrer dans le Parlement sont battues par des policiers puis jetées dans la foule où elles sont de nouveau soumises à des coups et à des agressions sexuelles.

A travers cette violence, il était clair que la police voulait humilier sexuellement les femmes en public afin de leur donner une leçon. De fait, le patriarcat commençait à s’essouffler. Il fallait reprendre le pouvoir sur les femmes qui manifestaient pour leurs droits.

Conséquences

Beaucoup de manifestantes sont rentrées de cette manifestation épuisées, blessées, humiliées. Au total, 4 hommes et 115 femmes seront arrêtés.

Le lendemain, plus de 130 femmes portent plainte contre les policiers pour agressions dont agressions de nature sexuelle.

La première guerre mondiale : un soulagement pour les suffragettes ?

De fait, la lutte des suffragettes est interrompue par la première guerre mondiale (1914-1918). Toute action en faveur du droit de vote des femmes est arrêtée.

Contribution à l’effort de guerre

Les suffragettes adoptent alors une nouvelle stratégie : celle de l’engagement. En échange de la libération de toutes les suffragettes emprisonnées, elles s’engagent à arrêter les violences et à travailler dans les usines pour participer à l’effort de guerre.

Alors que les hommes partent faire la guerre, les femmes prennent leur place dans les usines.

Si l’on reconnaît légitimement le droit de vote aux hommes ne l’ayant toujours pas obtenu, les femmes doivent encore lutter pour ce droit. En effet, les femmes ont beaucoup contribué à l’effort de guerre. Elles ont aussi beaucoup perdu à cause de la guerre.

Suffrage « universel »

En 1918, le Parlement accorde alors le droit de vote aux hommes âgés de plus de 21 ans et aux femmes âgées de plus de 31 ans qui sont mariées à un homme inscrit sur les listes électorales et propriétaire.

Loin d’être une victoire pour les suffragettes qui se battent depuis des années, c’est toutefois une avancée. La WSPU est dissoute en 1917.

Cependant, il faudra attendre 1928 pour que les femmes britanniques disposent des mêmes conditions de vote et d’éligibilité que les hommes.

La non-intersectionnalité du mouvement 

Il faut savoir, cependant, que le mouvement féministe qu’ont porté les suffragettes n’était pas du tout intersectionnel (situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société). Si elles ont lutté pour les femmes, elles n’ont pas lutté pour toutes les femmes.

En effet, il s’agit d’un mouvement qui a été porté par des femmes blanches pour des femmes blanches. Elles ont parfois eu recours à des idéologies racistes, suprémacistes voire impérialistes pour servir leur cause.

Pour Hélène Quanquin, historienne spécialisée dans les mouvements féministes aux Etats-Unis, le féminisme s’est construit par l’inclusion et l’exclusion.

De fait, savoir à quelles femmes est adressé le féminisme est très flou. Par conséquent, il est important d’être averti quant à cette facette du mouvement des suffragettes. 

Une lutte essoufflante et violente

La lutte a été rude pour les suffragettes. Cet article est écrit en mémoire de ces femmes qui se sont battues pour obtenir le droit de vote, pour obtenir l’égalité, de ces femmes qui ont décidé de ne plus obéir aux hommes et de se battre pour leur liberté.

A savoir que pour obtenir le droit de vote, les femmes belges devront attendre 1948. Et c’est seulement en 2015 que l’Arabie Saoudite accorde le droit de vote aux femmes avec l’autorisation du mari, alors qu’il s’agissait du dernier pays n’accordant pas le droit de vote aux femmes.

Cet article est aussi dédié à toutes ces femmes qui se battent tous les jours pour faire un monde plus juste et plus égal. Un monde où l’oppression patriarcale n’existerait plus.

Je terminerai donc en empruntant ces mots :

“Nous ne voulons pas enfreindre la loi, nous voulons l’écrire” (Les suffragettes, Film).

Juliette Lebatteur

Références juridiques

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