La loi parle « d’enfant né sans vie ». Mais légalement, cela n’a aucune signification. En effet, on accorde la personnalité juridique lorsqu’on nait vivant et viable.
L’enfant est une personne née vivante et viable. On ne peut donc pas parler d’enfant.
Ensuite, les termes « naître » et « sans vie » sont contradictoires. Comme dit ci-dessus, les conditions pour que la naissance soit actée est de naître vivant et viable.
Un être sans vie n’est, dès lors, pas vivant et viable. Il est impossible de décéder si on n’est pas né.
C’est pour ces raisons que nous allons dorénavant parler du statut du fœtus.
Le fœtus est un des stades de notre développement en tant qu’être humain, il se situe après le stade de l’embryon et avant la personne vivante et viable.
Le statut du fœtus concerne les situations où une femme* accouche d’un être humain n’ayant pas les capacités de vivre. Celui-ci peut perdre ces capacités lors du travail de l’accouchement ou avant cet accouchement.
En droit belge, donc, l’embryon et le foetus n’ont pas de personnalité juridique. Cependant, la loi prévoit un statut du foetus, dans certaines conditions.
En effet, lorsqu’une femme* accouche d’un foetus mort in utero, il est important, pour elle, qu’elle puisse faire le deuil de cet enfant non né. Evidemment, ce deuil se fait de manière différente d’une personne à l’autre.
Dès lors, depuis 2018, la loi prévoit un statut dans certaines conditions : la loi du 19 décembre 2018 modifiant diverses dispositions relatives à la réglementation concernant l’enfant sans vie.
Cette loi donne la possibilité aux parents d’établir un « acte d’enfant sans vie ». Elle vient modifier les articles 58 et 59 du Code civil. Par conséquent, un des principaux changements est l’allongement de la portée de la loi précédente et le contenu de l’acte lui-même. Cette loi est entrée en vigueur le 31 mars 2019.
Les articles 58 et 59 du Code civil permettent de faire une « déclaration d’enfant sans vie » appelée « acte d’enfant sans vie ». Il s’agit de la déclaration du foetus décédé au registre des décès de l’état civil. La loi prévoit que cette déclaration a lieu lorsque la grossesse a duré au moins 180 jours.
Désormais, les parents peuvent également procéder à cet acte lorsque la grossesse a duré au moins 140 jours. Cette option reste facultative. Cependant, lorsque le père ou le/la coparent.e est marié.e à la mère ou a fait une reconnaissance anténatale, l’accord de la mère n’est pas requis. Cela implique donc qu’une déclaration peut être faite alors que la mère la refuse. Cela est dès lors très problématique dans les couples où les femmes subissent des violences. Dans les autres cas (lorsque les parents ne sont pas mariés et qu’il n’y a pas eu de reconnaissance anténatale), l’accord de la mère est nécessaire.
Par ailleurs, les parents peuvent aussi donner un nom de famille à l’enfant non né lorsque la grossesse a duré plus de 180 jours (jusque là, seul un prénom était inscrit).
Concrètement cette loi donne la possibilité aux parents d’établir un acte d’enfant sans vie pour le fœtus ne présentant aucun signe de vie à l’accouchement ou avant celui-ci.
Cet acte contient, comme l’indique l’article 58 du Code civil :
L’acte d’enfant sans vie peut être demandé par la mère, la personne mariée ou ayant fait une reconnaissance prénatale. Il peut également être demandé par la personne non mariée et n’ayant pas reconnu l’enfant seulement si elle a l’autorisation de la mère.
On différencie deux catégories d’actes en fonction des délais instaurés par la loi.
Dans ce cas, les parents ont l’obligation d’enregistrer l’acte d’enfant sans vie. Ils peuvent aussi demander à ce qu’on attribue un nom de famille à l’enfant. Toutefois, cette attribution ne crée aucun lien de filiation entre le fœtus et les parents.
Ici, les parents ont la faculté d’enregistrer l’acte d’enfant sans vie. Ce n’est donc pas une obligation contrairement aux grossesses dépassant les 180 jours. Les parents ont uniquement la possibilité de donner un prénom au fœtus.
La loi du 19 décembre 2018 parle d’ « enfant » et non de foetus. Cette différence peut sembler anecdotique. Pourtant, aux yeux de nombreuses féministes, il n’en est rien.
En effet, un enfant suppose une personne. Or, le foetus né sans vie n’est pas une personne. Il n’est pas né vivant et n’a aucune personnalité juridique.
Si l’on considère, au contraire, que cet être est un enfant mort-né, il faut admettre que le foetus non né est aussi un enfant.
Or, l’intérêt de l’enfant est supérieur à celui de ses parents. En l’occurrence, à celui de sa mère.
Cela implique, donc, que l’avortement « tardif » d’un foetus pourrait être considéré comme un meurtre. Ou que l’intérêt du foetus doit primer celui de la mère lors de l’accouchement.
A nos yeux, cette loi crée une brèche importante et grave dans les droits des femmes.
Evidemment, le statut du foetus est une réponse à une demande, légitime, des parents endeuillés. Cependant, il nous semble qu’une réponse plus adaptée aurait du être fournie. Par exemple, en parlant de foetus sans vie, plutôt que d’enfant.
Clémence Derhet et Miriam Ben Jattou
ROMMELAERE, C., « Article 80bis du Code civil, deuil périnatal et droit », Act. dr. fam., 2010/2, p. 25.
Rapport de la première lecture, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2017-2018, n° 54-3271/5, p. 6.
HUART, P., « Les législations sur l’enfant sans vie et l’interruption volontaire de grossesse : concilier l’inconciliable ? », Ann. dr., 2019/1, p. 8 à 12.
En France :