Le "Stealthing"

Qu’est-ce que le “stealthing”?

En anglais, le terme “stealthing” signifie “furtivement” ou « discrètement ». Il s’agit du fait, pour un homme, de retirer son préservatif sans le consentement du/de la partenaire, lors d’un rapport sexuel consenti.

Il faut donc bien souligner que le retrait du préservatif se fait à l’insu du/de la partenaire. Cela enfreint donc évidemment le consentement du/de la partenaire.

Le “stealthing” est un viol

Il est bien évident que le “stealthing” est un viol.

En effet, le Code pénal belge, dans son article 375 précise que “tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas, constitue le crime de viol”. Par ailleurs, le Code pénal précise alors cette notion de consentement : “Il n’y a pas de consentement lorsque l’acte a été imposé par violence, menace, contrainte, surprise ou ruse […]”.

Or, c’est justement de “ruse” dont il s’agit. De facto, si l’on reprend la définition de la “ruse” donnée par Le Robert, on se rend compte qu’il n’y a plus de doutes. En effet, pour notre cher Robert, il s’agit d’un “procédé habile pour tromper” ou encore de “l’art de dissimuler ou de tromper”.

De plus, la « surprise » est au cœur de la pratique puisque par définition, la victime ne s’attend pas au retrait du préservatif de la part de son partenaire.

Ainsi, il s’agit donc clairement d’un viol, puisque le “stealthing” consiste à la pénétration sexuelle de son/sa partenaire et au retrait furtif du préservatif pendant ce même acte sexuel, sans le consentement du/de la partenaire.

En effet, la personne victime de “stealthing” consent à l’acte sexuel avec préservatif mais pas sans. Le consentement est donc valable pour l’acte sexuel avec préservatif mais n’est plus valable lorsqu’il n’y a plus de préservatif.

Des conséquences dangereuses

Il est évident qu’on constate beaucoup de conséquences dangereuses et désastreuses à cette pratique.

Tout d’abord, il est important de relever de tous les effets psychologiques pour la victime d’une telle pratique. Il s’agit d’un viol mais souvent, pour les victimes, il est difficile de verbaliser leur situation comme s’agissant vraiment d’un viol, car souvent les victimes ne savent pas. Comment justifier ça comme un “viol” quand l’on a consenti au rapport sexuel mais pas au rapport sexuel sans préservatif ?

Par ailleurs, on constate évidemment qu’il y a le risque d’une grossesse non désirée. L’agression mettant évidemment la victime de “stealthing” dans un embarras monstre et dans une situation où elle doit subir une double-violence, celle des services de police si elle souhaite porter plainte, et celle des services de santé si elle souhaite avorter.

Enfin, il y a bien évidemment le risque d’une infection sexuelle transmissible. Si l’on souhaite mettre des préservatifs, c’est souvent, en effet, pour se protéger de toutes sortes d’infections sexuelles transmissibles. C’est notre droit, c’est notre corps, alors personne ne doit nous imposer autre chose, si l’on souhaite mettre un préservatif.

De plus, transmettre sexuellement une infection sexuellement transmissible (IST) à son/sa partenaire tout en sachant que cette IST peut causer la mort pourrait s’apparenter à un homicide involontaire, non?

Le 28 novembre 1949, la Cour de cassation définit “les blessures” comme “toute lésion externe ou interne, si légère soit-elle, apportée au corps humain de l’extérieur par une cause mécanique ou chimique agissant sur l’état physique et mental”. Ainsi, une infection sexuellement transmissible correspond bien à une “blessure”.Par ailleurs, si l’on considère que l’homicide involontaire est le résultat de “coups et blessures portés volontairement, mais sans intention de donner la mort”, alors on est complètement dans le thème du “stealthing”.

En ce sens, si son action cause la mort de la victime de “stealthing”, le coupable pourrait être puni de 5 à 10 ans de réclusion criminelle pour homicide involontaire.

 

Le “stealthing”, un vide juridique ?

Voilà le problème de la pratique du “stealthing” : le manque de législation. Et comment faire reconnaître la pratique quand elle n’existe pas aux yeux de la loi ?

En Belgique comme en France, il n’existe pas encore de jurisprudence sur la pratique du “stealthing”. Cependant, on peut voir que cela commence à changer dans certains pays.

En effet, en 2017, le tribunal correctionnel de Lausanne a condamné pour viol un homme de 47 ans qui avait retiré son préservatif sans prévenir sa partenaire alors que celle-ci avait exigé une protection lors de la relation sexuelle.

Le fait que l’agression ne soit pas qualifiée dans un code entraîne un manque de reconnaissance de la pratique. De ce fait, si elle s’apparente à un viol elle n’est pas qualifiée comme tel et est donc difficilement condamnable. Alors qu’il est bien évident que l’on parle d’un viol.

Par ailleurs, il reste encore et toujours le problème de la preuve qui ne permet pas tout le temps aux victimes d’être prises au sérieux quand elles décident d’aller porter plainte. En effet, quand on voit comment les victimes de viol sont accueillies et à quel point leur parole est mise en doute, il est évident qu’il n’est pas facile d’aller expliquer que l’on porte plainte car notre consentement était valable pour le rapport sexuel avec préservatif mais pas pour le rapport sexuel sans préservatif.

Une question de domination masculine?

Encore et toujours, on constate que derrière cette pratique se cache le besoin, la volonté, le désir, d’une forte domination masculine. Surprenant ? Pas tant non.

La “fameuse” excuse du ressenti

Oui, on l’a déjà tou.t.e.s. entendu le “j’ai beaucoup moins de sensations avec le préservatif, tu veux pas qu’on l’enlève?”.

Mais attention, le retrait du préservatif ne doit jamais être une excuse de plaisir. Nous sommes en 2021 et merci à la société patriarcale dans laquelle on vit, il existe des milliers de sortes de préservatifs qui permettent d’avoir des milliers de ressentis différents pour les phallus de ces messieurs. Alors, à la poubelle l’excuse du ressenti pour justifier un viol de l’ordre du “stealthing”.

L’homme qui revendique son pouvoir sur la relation sexuelle

Non, derrière cette pratique se cache un désir de domination plus ancré de la part de l’homme coupable de “stealthing”. En enlevant le préservatif, l’homme aspire à revendiquer le pouvoir qu’il a sur la relation sexuelle. C’est lui qui domine, c’est lui qui contrôle. Or, en agissant de la sorte, il se rend coupable d’un viol. Et, le coupable d’un viol est un criminel.

A l’heure actuelle, on voit apparaître de plus en plus de communautés virtuelles d’hommes qui se vantent du nombre de partenaires qu’ils ont réussi à “berner” ou “à avoir”.

Dans un complexe d’infériorité sexuelle, l’homme veut reprendre le contrôle et promeut son “droit à diffuser sa semence”. Tel un animal qui marque son territoire, il confirme encore et toujours que le machisme et le patriarcat sont les maux du siècle qui se diffusent jusqu’à la relation sexuelle “a priori” consentie. Visiblement, la domination masculine ne va jamais assez loin !

Juliette Lebatteur

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