Guérilleras féministes de l’ombre

Guérilleras de l’ombre : la lutte silencieuse et poignante des féministes

Je suis militante féministe.

Comme de nombreuses autres, nous sommes toutes ici réunies par une même cause. Une même lutte. Celle de l’égalité des sexes, de la justice et de la fin des violences faites aux femmes et aux enfants. Nous sommes les voix de celles qui sont réduites au silence. Les soutiens de celles qui sont brisées. Les phares dans la tempête pour celles qui sont perdues.

Mais soyons honnêtes. Le chemin est semé d’embûches. Parfois garder le cap se révèle difficile.

En tant que militantes féministes, nous sommes confrontées à de multiples défis.

L’un des plus épuisants est sans doute la gestion des tâches administratives. Nous passons des heures, des journées entières, à remplir des formulaires, à rédiger des rapports, à envoyer des courriels, à organiser des réunions.

Ces tâches sont essentielles. Mais elles sont aussi chronophages et énergivores. Elles nous éloignent du terrain, de celles que nous voulons aider, de celles pour qui nous nous battons.

Mais il y a plus difficile encore.

Il y a cette impuissance que nous ressentons face aux violences subies par nos bénéficiaires. Nous écoutons leurs histoires. Nous partageons leurs douleurs. Toujours, nous essayons de les aider du mieux que nous pouvons. Mais parfois, malgré tous nos efforts, malgré toute notre détermination, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Nous ne pouvons pas effacer leurs souffrances. Nous ne pouvons pas toujours les protéger. Pire, nous ne pouvons pas obtenir justice pour elles.

Et cela nous déchire.

(* j’ai volontairement modifié tous les prénoms qui suivent)

Je me souviens de Marie*, une jeune femme de 25 ans, battue par son compagnon. Nous l’avons aidée à porter plainte, à trouver un refuge, à se reconstruire. Mais son agresseur n’a pas été condamné Il est aujourd’hui libre.

Je me souviens de Sarah*, une fillette de 8 ans, violée par son oncle. Nous l’avons accompagnée dans ses démarches. Nous l’avons soutenue, nous l’avons écoutée. Mais son bourreau n’a jamais été inquiété, faute de preuves.

Je me souviens de Dounia*, une femme dont l’ex-mari perpétuait les violences malgré une longue séparation. Ce dernier usait de toutes les procédures judiciaires à sa disposition pour maintenir son emprise sur son ex-femme. Lorsqu’elle m’a contactée, elle avait déjà dépensé plus de 20.000 euros en frais d’avocat.e.s et n’avait plus de ressources pour continuer à se battre.

Je me souviens de Noélie*, dont la fille de 5 ans était victime d’inceste par son père. Ce dernier avait réussi à accuser Noélie d’aliénation parentale. Il avait ainsi obtenu la garde exclusive de sa fille. Jusqu’à son admission aux urgences suite à un viol dont les conséquences physiques avaient mis la vie de la jeune enfant en danger. Depuis, l’enfant était placée en institution et Noélie n’avait toujours pas retrouvé de droit d’hébergement de son enfant pourtant en souffrance.

Ces histoires, nous en avons des dizaines, des centaines.

Elles nous hantent, elles nous révoltent. Elles nous donnent envie de hurler, de pleurer, de tout abandonner. Mais nous ne le faisons pas. Parce que nous sommes des militantes féministes. Parce que nous sommes solidaires. Et parce que nous sommes sorores.

Alors, à toutes les militantes, je veux vous dire ceci :

Vous n’êtes pas seules.

Nous sommes toutes ensemble dans cette lutte, dans cette douleur et dans cette colère. Nous sommes une sororité, une communauté, une force. Et ensemble, nous pouvons tout surmonter.

En parallèle, nous avons aussi besoin des politiques.

Nous avons besoin qu’ils et elles écoutent nos voix, entendent nos revendications et agissent pour mettre fin aux violences faites aux femmes et aux enfants. Nous avons besoin de moyens plus importants. Sans nul doute, nous avons besoin d’une justice qui protège réellement les victimes.

Alors, chères militantes, continuons à nous battre. Continuons à être là pour celles qui ont besoin de nous. Continuons à être solidaires, à être sorores. Et surtout, continuons à exiger des politiques qu’ils et elles agissent. Parce que nous le valons bien. Parce que nos bénéficiaires le valent bien. Et parce que l’égalité, la justice et la fin des violences le valent bien.

Miriam Ben Jattou

Avec le soutien de

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