Conséquences des violences domestiques sur l'enfant

Conséquences des violences domestiques sur les enfants

Les violences conjugales reconnaissent de longue date les femmes comme victimes. Mais, qu’en est-il des conséquences des violences domestiques sur les enfants ?

Nous allons tenter de répondre à cette question à travers le présent article.

Introduction

En 2014, la Convention d’Istanbul entre en vigueur. Elle pose alors un cadre normatif qui protège les femmes de toute forme de violences. Et notamment des violences domestiques.

Au-delà de protéger les femmes contre les violences de genre au sein du cercle familial, elle se préoccupe aussi de l’enfant comme co-victime des violences domestiques.

En effet, les combats contre les violences conjugales ont bien longtemps oublié les enfants. Mais, désormais, entre en vigueur une protection internationale à leur égard

Dès lors, la Convention considère l’enfant comme co-victime des violences domestiques.

Analyse du présent texte

Il ne s’agit pas ici, de constater le cadre normatif de la protection de l’enfant contre les violences directes exercées à son encontre par un.e de ses représentants légaux. Il s’agit plutôt d’étudier les conséquences sur l’enfant des violences exercées par un de ses parents à l’encontre de son autre parent.

Selon le Conseil de l’Europe, 43% des femmes en Europe ont déjà été victimes de violences commises par leur compagnon. 

Nous analyserons ainsi la violence conjugale sous le prisme des violences genrées/sexuées. Nous visons par là celles qu’un homme exerce à l’encontre d’une femme. Sans omettre évidemment, qu’il existe des hommes victimes de violences conjugales.

Focus sur le fonctionnement des violences domestiques

Les violences domestiques s’inscrivent dans un continuum de domination patriarcale

Une définition belge officielle

Les institutions fédérales, régionales, communautaires belges ont donné une définition non exhaustive des violences conjugales.

“Les violences dans les relations intimes sont un ensemble de comportements, d’actes, d’attitudes de l’un des partenaires ou ex-partenaires qui visent à contrôler et dominer l’autre.

Elles comprennent les agressions, les menaces ou les contraintes verbales, physiques, sexuelles, économiques, répétées ou amenées à se répéter portant atteinte à l’intégrité de l’autre et même à son intégration socioprofessionnelle.

Ces violences affectent non seulement la victime, mais également les autres membres de la famille, parmi lesquels les enfants.

Elles constituent une forme de violence intrafamiliale.

Il apparaît que dans la grande majorité, les auteurs de ces violences sont des hommes et les victimes, des femmes. Les violences dans les relations intimes sont la manifestation, dans la sphère privée, des relations de pouvoir inégal entre les femmes et les hommes encore à l’œuvre dans notre société.”

Contours de cette définition

Cette définition précise ainsi qu’il faut comprendre les violences domestiques comme l’une des formes des violences intrafamiliales.

Cela permet de dénoter le caractère intime de ces violences. En effet, elles s’effectuent dans un cercle restreint. Par conséquent, cela facilite la domination d’une personne sur une autre.

En outre, comprendre les violences conjugales, c’est comprendre les enjeux et les points de pression qui empêchent, parfois, la victime de sortir des griffes d’un prédateur.

De plus, cette définition retient les violences conjugales comme une violence plus ou moins genrée. Pour autant, elle ne les inscrit pas dans un continuum de domination et de violence.

L’inscription de cette notion au sein de la présente définition serait cependant utile. Elle permettrait d’inscrire les violences conjugales dans un continuum de violences des hommes sur les femmes pour, à terme, agir en conséquence.

Et la violence subie par les hommes ?

Par ailleurs, la Convention d’Istanbul citée supra a rendu compte de ce point. Elle attribue, ainsi, l’ensemble de sa teneur à la protection des femmes contre les violences et notamment contre les violences domestiques.

“Reconnaissant que la violence à l’égard des femmes est une manifestation des rapports de force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes ayant conduit à la domination et à la discrimination des femmes par les hommes, privant ainsi les femmes de leur pleine émancipation”

“Reconnaissant que la violence domestique affecte les femmes de manière disproportionnée et que les hommes peuvent également être victimes de violence domestique”

Ainsi, la Convention d’Istanbul reconnaît qu’une part prépondérante des violences conjugales sont exercées à l’encontre des femmes par des hommes. Elle affirme en même temps qu’il existe des cas où la situation est inverse.

La précision de l’existence d’une situation opposée apparaît alors, pour certains détracteurs des mouvements féministes, comme un instrument pour affaiblir l’explication patriarcale des violences.

Certes, il demeure important de préciser que des hommes, aussi, peuvent souffrir de violences domestiques. Mais il est aussi essentiel de dresser l’image type de ces violences et d’en comprendre la source.

Le cycle de violence comme explication du mécanisme de violence domestique

Le cycle de la violence permet de comprendre le fonctionnement des violences conjugales. Mais il permet surtout de déculpabiliser la victime de violences sur le fait qu’elle demeure dans une relation affective avec son/sa partenaire.

D’autre part, ce cycle permet de faire comprendre aux instances et institutions judiciaires et administratives que les agissements d’une victime de violences conjugales sont parfois dénués de rationalité.

En effet, ce manque de rationalité et de discernement est lié au contexte de domination dans lequel s’inscrit la relation affective.

Les phases de la violence domestique

Le cycle de la violence se compose de phases. Celles-ci se répètent en boucle jusqu’au moment où une des parties décide d’y mettre fin.

Traditionnellement, on présente le cycle sous la forme des 4 phases suivantes.

Le climat de tension

On observe une première période :  le climat de tension.

Pendant cette période, l’agresseur adopte un comportement passif-agressif. Il communique alors sa colère sans l’exprimer.

Dès lors, cela devient la source de l’anxiété de la victime, l’expression de son inquiétude face aux agissements de l’agresseur.

L’explosion de violence

Une deuxième période est celle de l’explosion.

Ici, l’agresseur passe à l’acte. Il fait une démonstration de violence. Ce à quoi la victime réagit en prenant peur, en ayant honte…

La justification

Une troisième période remplace la phase de violence : la justification.

Dans cette période, l’agresseur justifie ses actions précédentes par le comportement de la victime. Il procède alors à une minimisation des faits.

La victime, quant à elle, doute d’elle-même et de ses précédents agissements. Elle culpabilise d’avoir poussé son agresseur à la violence.

C’est ainsi qu’un comportement similaire à la figure du sauveur de l’humanité prend place dans la relation.

La victime pense alors qu’elle peut aider à changer son agresseur en modifiant son comportement à elle.

La lune de miel

Enfin, la période dite de lune de miel s’installe dans la relation.

L’agresseur exprime des regrets. Il évoque le fait qu’il souhaite changer et s’améliorer. Il peut aussi adopter un comportement de chantage affectif dans lequel il menace la victime de mettre fin à ses jours, etc.

La victime quant à elle, donne à son agresseur une nouvelle chance. Elle lui pardonne. En effet, elle se sent ainsi rassurée, pensant avoir réussi à le faire changer.

Répétition du schéma

Ce schéma périodique se répète sur une période indéfinie.

Il peut ainsi s’empirer au fur et à mesure de la relation.

Plus ces différentes périodes se répètent, plus la victime perd en estime d’elle-même. Souvent attachée à la relation ou même à la vie familiale qu’elle a construit avec son agresseur, elle ne voudra/pourra pas sortir de cette relation.

De nombreuses femmes victimes de violences conjugales déposent plainte contre leur conjoint à la suite de violences. Cependant, elles sont tout aussi nombreuses à reculer et à retirer leurs plaintes une fois que l’agresseur s’est excusé.

En moyenne, il faut 14 prises de conscience pour la victime avant de réaliser que ce qu’il se passe n’est pas normal.

C’est pour cette raison qu’il est nécessaire que les institutions policières prennent véritablement conscience de ce mécanisme. Afin de permettre une meilleure prise en charge des victimes de violences conjugales.

D’autant plus que bien souvent, elles ne sont pas seules à subir ce climat de violence. Les enfants, issu.e.s ou non de cette union, mais résidant, à temps plein ou non, dans l’environnement familial, peuvent aussi être des victimes indirectes ou directes de la violence domestique.

Les conséquences sur l’enfant et sur son quotidien

“La violence conjugale représente un facteur de stress chronique pour l’enfant, aux répercussions multiples tant sur le plan somatique que psychique” [1]

Une prise en compte des conséquences des violences domestiques sur l’enfant à l’échelle internationale

En 1989, la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) affirmait dans son article 19 que « l’enfant doit être protégé.e contre toute forme de violences ». Elle comprenait ainsi cette protection dans le cadre de violence domestique.

Par ailleurs, la Convention d’Istanbul prend aussi en considération l’enfant en tant que victime des violences domestiques/conjugales. En effet, celles-ci prennent place au sein de la relation affective des adultes dépositaires de sa garde (parents, beaux-parents, grands-parents, etc.).

Ainsi, la Convention d’Istanbul reconnaît à l’enfant un droit à la protection face aux violences domestiques. Elle lui reconnait également un droit à être écarté.e de la violence. 

Les législateurs européens ont, dès lors, admis comme circonstance aggravante les violences domestiques commises devant un.e enfant.

Les conséquences de la perception de la violence domestique par l’enfant

Un véritable traumatisme

Lorsque l’enfant est confronté.e à des violences conjugales, il/elle est confronté.e à de véritables traumatismes.

On considère alors que l’enfant peut être une victime directe ou indirecte des violences domestiques.

La violence qu’effectue un père à l’égard de sa compagne se vit comme une réelle violence pour l’enfant. Elle fait donc partie des diverses violences intrafamiliales que peut subir l’enfant.

Un lien affectif important

Cette affirmation se justifie par l’importance de la qualité du lien parent/enfant. Ce lien représente l’une des sources primordiales du bon développement psychique de l’enfant.

Les différent.e.s professionnel.le.s de la santé mentale s’accordent à dire que ce lien doit se situer au juste milieu. Il doit permettre à l’enfant d’acquérir des piliers nécessaires à sa construction. 

Il faut comprendre que même dans le cas où un.e enfant n’est pas directement impacté.e par un fait de violence, il/elle perçoit cette violence. Dès lors, il/elle agit en conséquence.

En outre, on peut considérer ces violences domestiques comme des violences morales formulées à l’encontre d’un.e enfant.

Parfois, le fait de percevoir la détresse d’un parent victime de violences traumatise bien plus un.e enfant que d’en être personnellement victime.

Des conséquences variables

Evidemment les conséquences des violences domestiques sur l’enfant varient selon le degré de la violence, l’âge de celui-ci, la durée de confrontation à la violence…

Cependant, on perçoit des conséquences similaires dans de nombreux cas d’enfants anciennement victimes de violence domestique entre leurs deux parents. Il peut s’agir d’un stress post-traumatique, de troubles du sommeil, de carences au niveau du développement moteur, d’angoisses, etc.

Il faut donc absolument prendre en charge les enfants dans ce contexte. Mais aussi apprendre à analyser le comportement d’un.e enfant pour mettre fin, au plus vite, à un contexte familial potentiellement violent.

Il faut aussi comprendre que les conséquences des violences conjugales sur l’enfant persistent même après la rupture du lien conjugal entre les deux parents. Construit psychiquement sur la base de ces violences, l’enfant gardera des séquelles liées aux violences passées auxquelles il/elle a été confronté.e. 

La maltraitance et la négligence infantile comme conséquences des violences domestiques

Au-delà des conséquences liées à la confrontation de l’enfant aux violences domestiques, les violences conjugales entraînent aussi des conséquences sur la prise en charge d’un.e enfant par son parent.

Dans ce contexte, l’enfant peut être victime de maltraitance infantile et être une victime directe de la violence d’un des parents.

Mais il peut aussi être victime de négligence. En effet, les parents, n’étant plus en condition pour reconnaître ou assouvir les besoins de leurs enfants, ils vont abandonner leurs devoirs et parfois laisser l’enfant livré.e à lui-même/elle-même.

On remarque d’ailleurs largement cette négligence au sein des familles nombreuses. Les parents délèguent ainsi, à un.e ou plusieurs enfants, l’éducation des plus jeunes de la famille.

Le conflit de loyauté, une violence majeure des violences domestiques

“Dans les situations spécifiques de violence conjugale, l’enfant attaché par définition à ses deux parents, est dans l’impossibilité de gérer sereinement cette information : habituellement ne pouvant ni se détacher, ni prendre part, il entre dans un conflit de loyauté”

Définition du conflit de loyauté

Le conflit de loyauté représente l’impossibilité de choisir, pour un enfant, entre ses deux parents lors de violence domestique.

En effet, l’enfant qui est face aux violences se retrouve dans une position relationnelle très précaire.

Il ne sait pas quel parent choisir, de peur de rejeter un de ses parents et de perdre ainsi son amour.

C’est véritablement la peur du rejet d’un ou des deux parents qui est l’objet de la peur de l’enfant.

La manipulation d’un des parents est l’une des sources de ce conflit intrapsychique.

En effet, la prise à partie – directe ou indirecte – d’un.e enfant au sein de violence conjugale nuit fortement à l’enfant. Il/elle se retrouve parfois à prendre part au conflit et à se positionner en sauveur/sauveuse.

Alors, il/elle peut choisir son parent agresseur ou agressé.e en fonction de la durée et du degré de violence auquel il/elle est confronté.e.

Les conséquences du conflit de loyauté

Le conflit de loyauté entraîne de lourdes conséquences sur l’enfant.

Il/elle y consacre alors toute son énergie et ses sentiments. Par conséquent, son estime de lui-même/elle-même et son état psychologique vont fortement dépendre de la situation conjugale de ses deux parents.

Pour protéger ses parents ou pour éviter de subir la violence, l’enfant peut adopter un comportement de négation de ses propres sentiments. Cela se fera pour le bien-être du couple ou pour se protéger d’une potentielle violence.

Une réappropriation du cycle de la violence sous le prisme de l’enfant

Le conflit de loyauté peut amener l’enfant à prendre parti pour l’un.e de ses parents, qu’il/elle soit agresseur ou victime.

L’enfant se réapproprie, malgré lui/elle, le cycle de la violence. Dès lors, il/elle intègre les violences domestiques de manière directe. Il/elle en subit, alors, toutes les conséquences.

Quand l’enfant prend parti pour le parent victime

L’enfant devient l’avocat.e du parent victime. Par conséquent, il/elle considère le parent auteur comme responsable de toute la violence perpétrée au sein du logement familial.

L’escalade de la tension

Lorsqu’un.e enfant prend parti pour le parent victime, il/elle peut adopter deux comportements distincts.

Dans un premier cas, il/elle peut se soumettre au parent auteur de violences par crainte de représailles. Son but est alors de satisfaire les attentes du parent auteur. e même temps, il/elle cherche à réduire les tensions et prévenir toute forme de violence à l’égard du parent victime.

Dans un second cas, l’enfant peut adopter une attitude opposée envers le parent auteur. Il/elle cherche alors à détourner l’attention ou la violence de celui-ci. Dans ce cas, il/elle peut se montrer résistant.e et défiant.e envers le parent auteur.

L’explosion de la violence

Quand un.e enfant est confronté.e à une explosion de violence, il/elle peut ressentir le besoin d’intervenir. Il/elle veut alors protéger le parent victime. Mais il/elle peut aussi être plongé.e dans un état d’angoisse, d’effroi.

L’enfant peut agir de manière indirecte. Par exemple en faisant diversion, ou directe face au parent auteur.

Toutefois la réaction directe d’un.e enfant face aux violences peut entraîner une menace à son intégrité physique et psychologique.

Justification/ culpabilisation

L’enfant, lors de cette phase, s’estime responsable de la cause de la violence envers le parent victime. Dès lors, il/elle culpabilise.

Lune de miel

Lors de la phase de lune de miel, la victime pardonne son agresseur.

L’enfant de son côté se sent responsable de la protection de sa mère. Il/elle tente donc de comprendre ce revirement de situation. Il/elle n’oubliera pas le comportement du parent auteur de violence et restera donc vigilant.e.

Quand l’enfant prend parti pour le parent auteur

L’enfant peut également prendre le parti de l’auteur de violence. En effet, de manière inconsciente, il/elle fait un choix assurant ainsi sa protection.

L’enfant a en tête une formule « perdant / gagnant ». Dès lors, il/elle se sent obligé.e de faire le choix nécessaire à sa protection temporaire.

Or, le choix logique est donc celui de prendre le parti du « gagnant ». Dans le cadre de violences domestiques, il s’agit donc de l’agresseur.

Ce n’est pas un choix rationnel.  L’enfant agit simplement avec ce qu’il/elle a comme instrument. Il/elle cherche à se protéger et ne pas subir la violence de l’agresseur.

L’escalade de la tension

Pendant cette étape, l’enfant tente de se sauver en s’alliant au parent auteur.

Il/elle n’essaie pas d’apaiser la tension. Cependant, il/elle en est parfois l’instigateur/instigatrice. Il/elle montre alors au parent victime que celui-ci n’a aucune autorité sur lui/elle.

L’explosion de la violence

Lors de l’explosion de la violence, l’enfant peut devenir violent.e à la demande du parent auteur. Il/elle sera donc impliqué.e directement dans les actes violents contre le parent victime.

Justification/ culpabilisation

Après la survenue de la violence, les émotions sont tellement intenses que pour réussir à les comprendre, l’enfant doit accepter les arguments du parent agresseur.

En faisant cela, l’enfant donne davantage de crédibilité au bourreau. Il/elle diminue sa responsabilité, renforce la culpabilité du parent victime et ressent moins de remords et de culpabilité face à la situation de violence.

Cela solidifie la position de l’enfant en faveur du parent agresseur. De plus, cela renforce sa loyauté envers lui.

Lune de miel

Lorsque le couple se rapproche et se réconcilie, l’enfant qui prend le parti du parent agresseur est désorienté.e. Il/elle perd les “avantages” liés à son rôle.

Son comportement de complicité avec le parent agresseur devient inapproprié. Il/elle ressent alors un fort sentiment d’injustice.

Qui choisir ?

Les enfants sont pris.e.s dans un conflit de loyauté car ils/elles reçoivent des informations contraires venant de leurs parents. Dès lors, ils/elles se sentent obligés de choisir un camp.

Cependant, il arrive qu’ils/elles ne prennent aucun parti mais se montrent loyaux aux deux. Dans de telles situations, on considère souvent les violences comme inévitables.

L’escalade de la tension

Lorsque le dévouement de l’enfant est mis en cause, il/elle est déchiré.e entre ses deux parents.

Pendant la phase d’escalade de la tension, il/elle vit dans un état d’angoisse extrême. Par conséquent, il/elle essaie de réduire la tension entre le parent agresseur et sa victime. Il/elle agit alors comme un médiateur/une médiatrice.

L’explosion de la violence

L’enfant participe de loin et sans le vouloir à la violence envers le parent victime. Il/elle se sent alors désemparé.e et responsable de cette violence.

Justification/ culpabilisation

L’enfant est confus.e. Il/elle peut se sentir déloyal.e et coupable. Cela complique encore plus sa situation.

Malgré la difficulté de l’enfant à donner du sens à la violence, les arguments de l’une et l’autre partie pour se défendre peuvent influencer la prise de parti pour l’un de ses parents.

Lune de miel

Même si la tension diminue et que l’enfant n’a plus à choisir entre ses deux parents, la question “qui choisir ?” perdure. Dès lors, elle peut avoir des conséquences à long terme lors de futures crises.

L’enfant peut continuer à se sentir responsable du bien-être de ses parents et des épisodes de violence qui pourraient survenir à nouveau. Son comportement peut ne pas changer bien que la situation semble s’améliorer.

La séparation des parents et l’instrumentalisation des enfants dans un contexte de violences domestiques

Violences domestiques et séparation

Les violences domestiques conduisent, parfois, à la séparation du couple.

Mais il n’y a pas systématiquement de rupture. En outre, elle peut prendre place à différents moments après le premier acte de violence.

Certaines victimes de violence domestique restent dans la relation conjugale malgré la violence qu’elles subissent.

La rupture d’une relation de couple constitue un des éléments facteurs de l’apparition de violence domestique.

Parfois les violences existent avant la rupture. Mais, elles augmentent, en général, au moment de la rupture.

Bien souvent, l’auteur des violences continue d’exercer sa domination sur son ancienne partenaire.

C’est dans ce contexte que prennent place les cas de féminicides exercés dans un continuum de violence domestique.

L’enfant lors de la séparation

Instrumentalisation de l’enfant

L’enfant est de nouveau une victime indirecte de ces violences.

Le conflit de loyauté expliqué supra prend tout son sens.

Le parent agresseur instrumentalise l’enfant. Ce dernier est alors amené à se positionner dans un conflit d’adultes.

L’instrumentalisation de l’enfant dans le cadre de la garde partagée permet de conserver un rapport de domination avec son ex-partenaire.

Droit aux relations personnelles

Les parents sont dépositaires d’un droit de maintenir des relations personnelles avec leur enfant.

Un droit dont est aussi titulaire l’enfant.

Cependant, il s’agit d’un droit qui constitue, dans le cadre des violences domestiques, une source d’inquiétude pour le parent victime. Mais aussi d’angoisse pour l’enfant.

L’ancienne relation de ses parents a induit, chez l’enfant, une prise de position obligatoire. Par conséquent, il/elle rencontre des difficultés à retrouver son statut d’enfant et à se défaire des précédentes violences.

Pour autant, les services de protection de l’enfance, obligent, plus ou moins, l’enfant à conserver un lien avec ses deux parents à condition que ceux-ci disposent toujours de leur autorité parentale respective.

C’est dans ce cadre que l’on peut remettre en doute la position des services de protection de la jeunesse et des travailleurs sociaux. En effet, l’efficacité des procédures de médiation parent/enfant apparaissent limitées à la capacité parentale du parent victime et du parent violent. Cela ne tient pas suffisament compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Détermination de la capacité parentale du parent victime de violence conjugale

Indisponibilité psychique

Les violences domestiques entraînent de graves conséquences sur le parent victime et agressé.

En effet, ce dernier épuise l’ensemble de sa force mentale et psychique pour survivre aux violences.

Cette énergie ne lui permet pas d’être à disposition de l’enfant, qu’il s’agisse de disponibilité affective ou éducative.

La violence conjugale peut donc entraîner des effets à long terme sur le parent victime. Cela peut également affecter sa capacité à prendre soin de son enfant.

“Les violences conjugales entraînent des perturbations des liens, avec notamment une “lacune significative, voir absence de disponibilité psychique”[2] de la part des parents envers leurs enfants[3]

Les mères victimes de violences conjugales ne peuvent ainsi, pour certaines, mener à bien l’éducation de leurs enfants. Cette éducation repose bien souvent sur la culpabilité de la mère et sur le fait que son enfant puisse être victime de violence ou spectateur/spectatrice de celle-ci.

D’autant plus que l’agresseur joue essentiellement sur cette culpabilité pour instrumentaliser l’enfant et assouvir sa domination sur sa conjointe.

Traumatismes

Une autre conséquence des violences domestiques sur le rapport mère/enfant est lié aux traumatismes de la mère.

En effet, il peut arriver qu’une mère voie en son enfant des traits communs à son agresseur.

Ces caractéristiques similaires peuvent réveiller en elle des traumatismes et de la haine envers ce que représente son enfant.

Ainsi, il n’est pas rare d’entendre une mère victime de violence conjugale se plaindre des similitudes entre son enfant et son agresseur.

Au-delà d’affecter la mère, cette comparaison peut engendrer un sentiment de culpabilité de l’enfant témoin de ces violences.

Ayant conscience ou non de la gravité des violences qu’a subi sa mère, l’enfant peut craindre l’abandon. Il/elle remet alors sans cesse en question son comportement.

Comportements violents de l’enfant

Parfois, il/elle peut adopter des comportements violents, qu’il/elle aura évidemment appris des agissements de son parent agresseur, pour attirer l’attention de sa figure maternelle.

Cette figure maternelle ne procure alors plus aucun geste d’affection à son égard.

Les violences domestiques entraînent des conséquences dévastatrices sur la relation entre le parent victime et son enfant. D’autant plus que celles-ci ne sont pas seulement impactées à court terme, mais peuvent affecter les enfants tout au long de leur vie.

Cette situation aussi bien néfaste pour la mère que pour l’enfant met à mal leur santé mentale et les répercussions sur leur bien-être émotionnel. Cela pourrait alors rendre l’enfant plus vulnérable aux futures relations abusives.

Déconstruction de l’image du bon père de famille auteur de violence domestique

Le bon père de famille, auteur de violence conjugale, est-il capable d’exercer son droit éducatif et affectif à l’égard de son/ses enfant.s ?

Maintien du lien parent/enfant

L’intérêt supérieur de l’enfant est bien souvent instrumentalisé au profit des parents. Cela conditionne dès lors le bien être de l’enfant à l’entretien d’un lien stable et régulier avec ses parents.

Pour autant, les agresseurs instrumentalisent largement cette préservation du lien dans un contexte de violence domestique. Notamment lors de la séparation des deux conjoints.

Bien souvent, le père, auteur de violence, instrumentalise l’enfant dans un continuum de domination qu’il exerce à l’égard de son ex-conjointe.

Continuum de violences

Les pères violents à l’égard de leurs conjointes, exercent aussi des violences de manière directe ou indirecte sur leurs enfants.

Les considérer comme des bons pères de famille met gravement en danger les enfants. En effet, “les études décrivent ces hommes comme des pères peu impliqués, peu empathiques, se mettant facilement en colère et susceptibles d’utiliser la force physique et verbale dans leurs méthodes disciplinaires”[4].

Le juge et magistrat Edouard Durand s’est spécialisé sur la protection de l’enfance, les violences conjugales et les violences faites aux enfants. Il souligne qu’il faut considérer l’enfant témoin de violences domestiques comme une victime de celles-ci.

Le fait de souligner ce point permet de comprendre qu’il est de l’intérêt de l’enfant de ne pas forcer un lien parent/enfant.

En effet, un lien parent/enfant peut se révéler véritablement destructeur pour l’enfant.

Les procédures de médiation

Dans ce cadre, on peut remettre en question les procédures de médiations. En effet, elles sont mises en place, bien souvent, au profit de pères.

Dans ces conditions, les pères profitent de ces temps de médiation pour assouvir leur domination soit à l’encontre de leur ancienne conjointe soit à l’encontre de leur enfant.

De plus, ces procédures de médiation mettent le parent protecteur, bien souvent la mère, dans une situation de stress permanente. Dès lors, la peur que son enfant subisse à son tour des violences la guide.

Sous l’égide de l’intérêt de l’enfant, la justice demande aux deux parents de s’entendre. Ils doivent entretenir des relations stables pour permettre à l’enfant de conserver des liens familiaux avec ses deux parents.

Cette demande porte régulièrement à faux le parent protecteur. Elle nuit gravement à l’intégrité affective, morale et physique de l’enfant.

“Le principe de coparentalité est très bien lorsque les parents sont capables de se respecter. Mais il faut pouvoir penser des exceptions à ce principe : lorsqu’on a un agresseur qui est dans l’emprise et dans le pouvoir, il ne peut pas y avoir de coparentalité.

Cela ne sert à rien de mettre en place des mesures de protection de l’enfance et un suivi pédopsychiatrique si la protection de l’enfant n’est pas assurée sur le plan de la parentalité, c’est à dire si on laisse le violent conjugal maintenir sur la mère et l’enfant l’emprise par l’exercice de l’autorité parentale.”[5]

Le juge Durand souligne ici que la coparentalité ne doit pas s’interpréter comme une norme selon laquelle tous les enfants devraient maintenir des relations avec leurs deux parents respectifs.

Malheureusement, les institutions judiciaires et de protection de la jeunesse considèrent bien trop souvent que la coparentalité devrait être le quotidien de tout enfant. Quand bien même les parents qui l’entourent (ou l’un d’eux) sont violents.

Maeva Von Reininghaus Tshitoko et Océane Kérisit

Relu et corrigé par Miriam Ben Jattou


Notes

[1]NAWSHAD Ali Hamed, DE BECKER Emmanuelle, 2010, “l’enfant au cœur des violences conjugales” L’information psychiatrique, John Libbey Eurotext, Paris, page 839.

[2]Lacharité et Xavier 2009

[3]Helen Marchal et Daniel Derivois “Liens mère-enfant et violences conjugales” p87

[4]Caroline Helfter, “Contrepoint — Pères violents”,  Informations sociales, p75

[5]Interview le Nouvel Observateur du 26 janvier 2018 du juge Edouard Durand

Références juridiques

Convention d’Istanbul

 

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