La menace croissante des mouvements anti-genre
Mouvements anti-genre, de quoi parle-t-on ?
Au cours des dix dernières années, un mouvement anti-genre a émergé à travers l’Europe. Ce dernier traverse les Etats.
Les groupes qui appartiennent à ce mouvement menacent gravement les droits durement acquis des femmes et des personnes LGBTQIA+.
Un mouvement réactionnaire
Nous pouvons considérer ce mouvement comme réactionnaire. Il cherche à saboter et à inverser les progrès réalisés en matière d’égalité des genres.
Il tente d’imposer une vision plus conservatrice et hétéronormative de la société. De plus, il s’alimente de groupes populistes de droite et de fondamentalistes religieux.
Une influence de plus en plus importante des mouvements anti-genre
Dès lors, le mouvement anti-genre a gagné en influence. En effet, il utilise à la fois des plateformes nationales et internationales. Cela lui permet de faire avancer son agenda.
Ainsi, on peut relever des efforts pour diminuer l’accès à l’avortement en Pologne et en Italie. On observe également des tentatives de bloquer le mariage entre homosexuel.le.s en Croatie et en Hongrie.
Il apparaît que les forces anti-genre utilisent divers moyens pour contester les droits et normes existantes. Ces mouvements réactionnaires font pression sur les gouvernements.
De plus, ils déposent des recours juridiques et tentent d’influencer des organisations internationales pour atteindre leurs objectifs conservateurs.
Malheureusement, ce mouvement anti-genre ne cesse de monter en force. Et il se coordonne de mieux en mieux au-delà des frontières.
Dès lors, il représente une menace sérieuse pour les progrès acquis en matière de droits des femmes et d’égalité des genres à échelle globale.
En conséquence, il faut une action concertée de toute urgence. Cela permettra de contrer ce retour en arrière et garantir la protection et l’avancement des droits humains fondamentaux.
Le « backlash » contre les droits des femmes
Une résistance contre les avancées des droits des femmes et des minorités
Le concept de « backlash » s’utilise de plus en plus ces dernières années. Il permet de comprendre l’opposition et la résistance que rencontrent les mouvements sociaux progressistes.
Ce phénomène concerne en particulier celles et ceux qui défendent l’égalité des genres et les droits des personnes LGBTQIA+.
Le backlash se définit comme une réaction conservatrice et violente face aux avancées des droits des femmes et des personnes LGBTQIA+.
Il s’agit d’un processus de résistance dynamique. Ce dernier vise à restaurer un pouvoir perdu. Il cherche également à s’opposer à une redistribution de la capacité d’agir entre les genres.
Les chercheurs/chercheuses ont documenté des schémas historiques de réaction conservatrice face à des progrès réalisés par les groupes marginalisés.
Ainsi, les progrès sociaux sont suivis d’efforts concertés pour protéger les structures de pouvoir en place et les hiérarchies traditionnelles.
Ce schéma se répète presque toujours avec les mouvements féministes et LGBTQ+. En effet, ils affrontent une résistance bruyante et souvent organisée.
Les mouvements réactionnaires tentent de faire annuler les droits durement acquis. Ils veulent ainsi renforcer les valeurs conservatrices.
Un lien entre backlash et dérives autoritaires et populistes
Dans le contexte mondial actuel, nous assistons à une renaissance et une augmentation inquiétante des discours et des actions anti-genre. Ces derniers ciblent les organisations et les militant.e.s des droits des femmes.
Les leaders populistes et de droite dans des pays comme la Hongrie, la Pologne et la Turquie utilisent de plus en plus un langage hostile. À cela s’ajoutent des politiques pour silencier les causes féministes. Ou encore pour réduire les financements des groupes de défense des droits des femmes.
Le but est de reléguer l’égalité des genres au second plan.
Cette réaction contre le progressisme en matière de genre fait souvent partie d’une attaque plus large contre les normes et les institutions démocratiques libérales.
En effet, les acteurs autoritaires cherchent à consolider leur pouvoir et à remodeler la société selon leur vision conservatrice. Les discours de ces mouvements font souvent partie de ceux de l’extrême droite.
Comprendre ce paysage complexe et très politisé sera un défi majeur pour le mouvement des droits des femmes dans les années à venir.
L’instrumentalisation de mécanismes démocratiques par les mouvements anti-genre
L’utilisation des mots liés aux droits humains
Les acteurs anti-genre et anti-féministes cherchent de plus en plus à utiliser le langage et les mécanismes des droits humains.
Ils s’approprient ainsi ce langage. Cependant, cette appropriation a bien pour but de diminuer les droits des femmes et d’autres valeurs progressistes.
Par exemple, ils veulent redéfinir des concepts comme « famille » et « genre » de manière plus conservatrice. Ainsi, ces nouvelles définitions visent à exclure les personnes LGBTQIA+. Elles permettent aussi de remettre en cause les visions progressistes du genre et de la sexualité.
L’exemple de la pétition citoyenne européenne
Par exemple, une initiative citoyenne européenne « One of Us » (en anglais, « Un de nous ») se lance en mai 2012. Elle vise à diminuer les financements de l’Union européenne (UE) pour des activités qui impliquent la destruction d’embryons humains.
Cette pétition a réuni 1,7 million de citoyen.ne.s européen.ne.s. Leur objectif fait l’objet d’une controverse. En effet, il vise à « protéger » la vie humaine dès la conception.
Cette initiative est l’une des premières à atteindre le seuil requis d’un million de signatures.
Elle demandait à l’Union européenne d’interdire et de cesser le financement d’activités qui impliquent la destruction d’embryons humains.
Or, cela concerne notamment les domaines de la recherche, de l’aide au développement et de la santé publique.
Par ailleurs, les promoteurs/promotrices considèrent que la vie commence dès l’état d’embryon. Dès lors, ils/elles déclarent que la destruction d’embryons équivaut à un meurtre.
Par conséquent, selon elles/eux, la protection juridique de la dignité et du droit à la vie doit s’appliquer dès la conception.
De manière indirecte, ce mouvement vise donc aussi à limiter l’accès à l’avortement et à certaines formes de contraception. De plus, elle risque de limiter la recherche sur les cellules souches embryonnaires.
Pourtant, cette pétition a recueilli suffisamment de signatures pour que la Commission européenne l’examine. Cela étant, « One of Us » n’a pas abouti à des changements législatifs concrets au niveau de l’UE.
Toutefois, ce cas illustre l’utilisation du mécanisme d’initiative citoyenne européenne par des groupes conservateurs. Ils tentent ainsi d’influencer la politique de l’UE sur des questions éthiques qui font controverse.
Une tendance réactionnaire mondiale
De plus en plus de pays à travers le monde connaissent une tendance réactionnaire préoccupante contre les droits des femmes et l’égalité des genres ces dernières années.
En Afghanistan, les talibans ont supprimé les droits durement acquis des femmes. En effet, l’enseignement secondaire leur a été interdit. Et on leur a retiré leurs libertés fondamentales.
Au Brésil, le gouvernement Bolsonaro a réduit les droits reproductifs. Il a affaibli les protections pour l’égalité des genres.
Le régime d’Orbán en Hongrie a attaqué les organisations de droits des femmes par des coupes budgétaires et des pressions politiques.
De même, l’Italie, la Pologne et la Russie ont mis en place des mesures qui limitent beaucoup l’accès à l’avortement, les droits des LGBTQIA+ et le militantisme féministe.
Ce recul concerne même des pays autrefois considérés comme des bastions de l’égalité des genres, comme la Suède ou la Tunisie. Ainsi, ils ont fait face à des résistances aux initiatives de parité.
On relève un recul des droits des femmes notamment dans le contexte de la période qui suit le Printemps arabe.
En Turquie, le retrait de la Convention d’Istanbul et les discours anti-genre ont alimenté une tendance au backlash qui inquiète beaucoup.
Tous ces cas illustrent la tendance mondiale alarmante d’un effort coordonné et qui traverse les Etats. Or, ce dernier permet de revenir sur les progrès acquis en matière de droits des femmes et d’égalité des genres.
Combattre cette vague réactionnaire des mouvements anti-genre
Il faut combattre le backlash croissant contre les droits des femmes. Pour ce faire, les gouvernements et les institutions internationales doivent prendre plusieurs mesures clés.
Le soutien financier
D’abord, il est essentiel d’augmenter le financement et le soutien aux mouvements féministes.
En effet, des organisations travaillent sur le terrain pour défendre et promouvoir les droits des femmes. Et elles sont cruciales.
Ces groupes se trouvent en première ligne pour résister au retour sur les acquis.
Ainsi, les associations ont besoin d’un soutien financier et politique continu. Cela leur permet de poursuivre leur travail fondamental.
C’est d’ailleurs un des points importants de la Convention d’Istanbul. En effet, cette Convention met l’accent sur l’importance de soutenir les organisations de la société civile dans la lutte contre la violence faite aux femmes.
Dès lors, elle oblige les pays qui l’ont ratifiée à travailler en partenariat avec ces organisations. En effet, celles-ci jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre et le suivi des mesures contre la violence.
La Convention encourage les ONG à mener des campagnes de sensibilisation et à partager des informations pour aider à évaluer son application.
En résumé, la Convention entend renforcer la coopération entre les gouvernements et la société civile. Cela permet de mieux protéger les droits des femmes.
Une protection des militant.e.s
De plus, il faut protéger les militant.e.s des droits des femmes de manière active.
En effet, ces personnes font face à des menaces, du harcèlement et de la violence de plus en plus importantes. Celles-ci viennent de mouvements anti-féministes.
Les organismes internationaux et les États alliés doivent utiliser leur influence diplomatique. Ils doivent imposer des conséquences aux États qui ciblent les militantes féministes.
Une priorité en matière de politique étrangère
Enfin, la promotion des droits des femmes doit devenir une priorité de la politique étrangère. Elle va de paire avec des ressources dédiées et une coordination entre les institutions nationales, européennes et internationales.
C’est en élevant les préoccupations féministes au plus haut niveau de la prise de décision internationale qu’on pourra combattre cette tendance réactionnaire de manière efficace.
L’érosion des droits des femmes dans un contexte de recul démocratique
Le recul démocratique s’observe dans plusieurs parties de l’Europe ces dernières années. Il a eu un impact profondément négatif sur la protection et l’avancement des droits des femmes.
À mesure que les forces autoritaires et populistes prennent de l’ampleur, elles ont systématiquement supprimé les politiques d’égalité des genres.
Par ailleurs, ces forces politiques ont aussi démantelé les garde-fous prévus par les institutions. Et elles ont propagé des idéologies régressives. Or, ces dernières réduisent les femmes à des rôles traditionnels.
Un schéma effrayant émerge. L’érosion des normes démocratiques avance main dans la main avec une vague réactionnaire contre les droits des femmes.
Tout cela s’accompagne d’une attaque plus large contre les libertés fondamentales.
De plus, le recul démocratique et la normalisation des idéologies anti-genre menacent les acquis des femmes. Ils nuisent à l’autonomie reproductive, à la représentation politique et à l’autonomisation économique des femmes.
Ainsi, ce phénomène inquiète. Il souligne la fragilité des avancées en matière d’égalité des genres. Il est urgent de construire un effort concerté à travers tous les pays pour défendre les droits et libertés universelles de toutes et tous.
Recul démocratique, droits des femmes et Union européenne
Le rôle de l’Union européenne dans la promotion de l’égalité des genres a été moteur.
Elle a, en grande partie, choisi la stratégie de « l’européanisation ». Cela signifie que l’Union européenne a eu recours à des normes souples et des instruments non-contraignants. Par exemple, dans les phases d’adhésion de nouveaux États à l’Est de l’Europe.
Ainsi, l’Union européenne a fait en sorte que les candidats adoptent des mesures pour correspondre aux idéaux d’égalité et d’inclusion des minorités qu’elle défend.
L’Union européenne pariait ainsi sur des changements sociaux qui s’inscriraient dans la culture des États une fois qu’ils seraient membres de l’Union.
Cependant, le recul démocratique menace ces progrès de manière sérieuse. On observe ce recul dans plusieurs pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est après leur adhésion à l’UE dans les années 2000.
À mesure que ces pays connaissent un recul des valeurs démocratiques, les politiques d’égalité des genres sont également systématiquement réduites voire supprimées.
L’Union européenne dispose, en réalité, de moyens assez limités pour répondre aux États membres qui ne respectent plus la démocratie et les droits humains.
Ainsi, les gouvernements populistes et nationalistes alimentent les discours anti-genre et les réactions contre les politiques progressistes de manière de plus en plus claire.
Or, ces gouvernements cherchent à légitimer leurs tendances antidémocratiques. Ils les présentent comme une défense des valeurs traditionnelles.
Cette tendance nous préoccupe beaucoup. Elle met en avant la fragilité des acquis en matière d’égalité des genres. Par ailleurs, elle montre aussi les limites des organisations internationales engagées dans la défense des droits des femmes pour les protéger efficacement.
Les stratégies discursives pour légitimer le recul des droits des femmes : l’exemple de la Pologne
Pour légitimer le recul des droits des femmes en Pologne, les politiques ont recours à diverses tactiques discursives.
Une stratégie qui prédomine est l’évitement. Il s’agit de ne pas aborder directement la question ou de minimiser son importance.
Une autre tactique consiste à accuser les « échecs » passés. Ainsi, ils prétendent que des politiques régressives sont nécessaires pour corriger les erreurs des années précédentes.
En outre, ces agents déplacent souvent la responsabilité sur des forces extérieures. Cela permet d’avoir un ennemi facile à identifier. Ainsi, certain.e.s évoquent souvent l’Occident ou l’Union européenne. On les présente comme des ennemies cherchant à imposer des idées qui ne correspondent pas à la culture du pays.
Par exemple, on dénonce les mesures en faveur de l’égalité des genres comme étant des impositions étrangères.
Il est également fréquent d’invoquer des idées dites fondatrices de la culture polonaise. Ces idées se centrent sur les valeurs familiales traditionnelles et les enseignements de l’Église catholique.
Les forces politiques réactionnaires tentent de faire appel à un sentiment d’urgence. Il s’agit alors de préserver une culture supposément en danger.
Par l’utilisation de telles manœuvres, ces politiques tentent de légitimer le recul des droits des femmes aux yeux du public polonais.
La nécessité d’une vigilance dans toutes les régions du monde
Le backlash contre les droits des femmes est un phénomène insidieux et omniprésent. Il ne se limite pas aux pays considérés comme conservateurs ou en crise démocratique.
Il est important de rester alerte pour lire entre les lignes des déclarations de nos responsables politiques.
Par exemple, en France, Jordan Bardella du Rassemblement National a préconisé une politique nataliste pour financer les retraites. Ce genre de déclaration appelle à une vision traditionnelle de la famille. Or, celle-ci n’est pas particulièrement favorable au progrès des droits des femmes.
En Belgique, le Mouvement Réformateur (MR) s’oppose à l’écriture inclusive. Il argumente pour l’interdire. Pourtant, invisibiliser les femmes dans le langage revient à les invisibiliser tout court.
Ces exemples illustrent comment le backlash s’immisce dans le discours politique, même dans des pays réputés comme progressistes.
Le danger pour les acquis en matière de droits des femmes est plus que jamais omniprésent ces dernières années.
Restons vigilant.e.s.
Eliane Le Bihan
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