No-Bra
Le No-bra, ou le choix de ne plus porter de soutien-gorge, est un mouvement qui a pris de l’ampleur. En effet, depuis plusieurs années, et encore plus aujourd’hui après les différents épisodes de confinement que l’on a connus, de plus en plus de femmes abandonnent le soutien-gorge.
Origines du soutien-gorge
Comprendre ce mouvement et les questionnements actuels autour du port du soutien-gorge, c’est aussi connaître les origines de ce dernier.
En effet, à la lecture de l’article À l’origine du soutien-gorge : une féministe révolutionnaire du 17 avril 2020 de France Culture par Barbara Marty, on apprend que le soutien gorge était au départ une création féministe. Herminie Cadolle est une corsetière et féministe révolutionnaire française. Elle invente en 1889 le “corselet-gorge”. Elle le nomme Bien-être.
Ainsi, pour l’époque, il s’agissait d’un demi-corset libérateur pour les femmes. Tiré de son nom, il promettait plus de confort aux femmes qu’un corset complet. De fait, il était alors extrêmement désagréable voire dangereux puisqu’il comprimait le ventre au point d’endommager les organes…
C’est pourquoi Bien-être permettait aux femmes de maintenir leurs seins sans comprimer d’une quelconque manière leur ventre.
Par ailleurs, 133 ans après Bien-être, si les femmes sont de plus en plus nombreuses à laisser le soutien-gorge au fond de leur armoire, c’est que l’émancipation de 1889 portée par le corselet-gorge est aujourd’hui remise en cause.
L’abandon du soutien-gorge – le mouvement No-bra
L’on en vient donc à se demander pourquoi aujourd’hui de moins en moins de femmes portent des soutiens-gorge.
Cela peut s’expliquer par l’importance qu’a pris le féminisme dans la réflexion sociale contemporaine.
L’hypersexualisation des seins
Plus particulièrement, le No-bra tend à libérer la poitrine. Ainsi, il lutte contre l’hypersexualisation des seins, et donc l’hypersexualisation des femmes.
Parallèlement, c’est avec le mouvement #FreeTheNipples, né en 2012, que cette lutte contre l’idéalisme de la poitrine a pris de l’ampleur. Selon la campagne #FreeTheNipples, une femme devrait pouvoir se promener seins nus en public en toute légalité sans que, culturellement, ce soit inacceptable.
La mouvance est donc à l’abandon de la charge érotique que porte le sein. Il devient alors une partie du corps comme une autre.
Pourquoi La Marianne au sein nu, très célèbre allégorie de la République française, ne porte-t-elle pas cette charge érotique ? Paradoxalement, le simple fait de deviner un téton sous un vêtement choque encore…
Bien-être…. ou plutôt inconfort ?
Parler du No Bra et donc de l’utilité du soutien-gorge, c’est aussi évidemment mettre sur la table les douleurs que nous évoquent celui-ci (armatures douloureuses, etc.).
Qui n’a jamais été fière de porter son premier soutien-gorge ? Parfois avant même d’avoir des seins qui apparaissent ? Mais surtout, qui ne s’est ensuite jamais sentie soulagée de rentrer chez soi et de dégrafer son soutien-gorge ? Parce que oui, le soutien-gorge rime parfois avec douleur…
Les bienfaits du soutien-gorge : mythe ou réalité ?
Une raison supplémentaire de cette impatience des petites filles à avoir son premier soutien s’explique aussi par le fait qu’on leur répète que si elles n’en portent pas, leurs seins vont finir par tomber…
Tomber ? Aucune étude ne montre aujourd’hui les bienfaits du soutien-gorge sur le maintien des seins… C’est même plutôt l’inverse.
En 1997, une étude a été menée par le professeur Jean-Denis Rouillon du CHU de Besançon. Dans Elle, Polémique : faut-il arrêter de porter des soutiens-gorge ? , il explique avoir mesuré les seins de cent trente femmes arrêtant de porter le soutien-gorge sur une période de quinze ans. Il affirme ainsi qu’ « au fil du temps, en prenant des mesures, j’ai pu constater que le mamelon remontait et que les seins avaient un aspect plus ferme. Les femmes se sentaient aussi plus à l’aise et avaient une meilleure posture ».
Il précise que l’anatomie du sein est encore peu connue. L’article a pourtant été rédigé en 2015 ! Il ajoute que le sein est en fait « suspendu au niveau des clavicules grâce à un tissu fin. A cause du port du soutien-gorge, celui-ci finirait par s’étioler. Laisser la poitrine libre l’inciterait, au contraire, à se mettre en tension et à se renforcer. »
Le soutien-gorge serait donc un faux besoin. Les seins ne tirent aucun bénéfice d’être privés de la pesanteur.
Les pressions sociales quant au No-bra
Aujourd’hui, de nombreuses femmes ont fait le choix de ne plus porter, ou alors très rarement, des soutiens-gorge. Mais, elles sont en revanche confrontées à des réactions sociales plus ou moins violentes et dégradantes à leur égard.
Conditionnement social
Effectivement, la question du conditionnement social est au centre de la réflexion lancée par le No-bra. En Scandinavie, par exemple, on relève que 95% des femmes ne portent pas de soutien-gorge.
De plus, le confinement a permis à beaucoup de femmes d’abandonner le soutien-gorge. C’est sans doute parce qu’elles ne risquaient pas de recevoir des remarques ou des regards déplacés quant à ce choix.
Une étude de l’Ifop menée en juillet 2020 démontre ainsi que 18% des jeunes femmes de moins de 25 ans disent ne jamais, ou presque jamais, porter de soutien-gorge. Avant le confinement, elles étaient seulement 4 % à s’être affranchies de ce sous-vêtement.
Mais le choix du No-bra semble plus limité dans le cadre professionnel (14%), sauf dans le cas du télétravail (où elles étaient 50% à l’avoir déjà pratiqué dans ce cadre).
Représentation du corps des femmes
Cette étude traduit en réalité une importante considération des femmes quant au regard que l’on porte sur leur poitrine. En effet, face à la lourde charge érotique accordée aux seins qui doivent être ronds, fermes et non tombants, il est plus que fréquent de recevoir des réactions consternantes lorsqu’on voit qu’une femme ne porte pas de soutien.
Par ailleurs, rappelons-le, il est loin d’être fréquent qu’une poitrine ait une forme aussi maintenue sans soutien-gorge. Considérer que la vue d’une poitrine non maintenue par un soutien n’est pas sexy reviendrait donc à dire que les seins sont par définition l’opposé d’un attribut sexy.
Cela peut paradoxalement paraître étonnant quand on a conscience de l’hypersexualisation attribuée à nos seins. Cet idéalisme du corps des femmes, loin de toute réalité, n’est donc qu’une représentation mentale mensongère.
Le sein séducteur ?
D’un côté, la société lie donc la poitrine maintenue par un soutien-gorge à une norme, et présente la poitrine libre comme pas très sexy.
Mais d’un autre côté, on observe aussi qu’une femme ne portant pas de soutien-gorge est déplacée, voire vulgaire.
C’est ainsi que le 22 décembre 2013, la présentatrice du JT de TF1 Anne-Claire Coudray apparaissait au cours du journal de 20h en robe qui laissait voir ses tétons. Suite à cela, on a pu observer une vague de commentaires dégradants sur la personne d’Anne-Claire Coudray. Certains accusaient la journaliste d’avoir voulu organiser « un coup de com’ ».
Par la suite, elle s’est donc excusée en espérant que « les gens n’ont pas été choqués » et en affirmant que « Ce n’était pas du tout un coup de com’ […] Je pars du principe que la séduction n’a rien à faire sur un plateau de télévision» .
Mais alors, si cette apparition à la télévision a provoqué des réactions aussi vives de la part des spectateurs du JT de TF1, c’est que la vue d’un sein (au travers d’un vêtement) est si inappropriée qu’elle ne peut pas relever d’un simple choix, mais plutôt même d’une volonté d’attirer l’attention et de choquer ?
Femmes vulgaires ou négligées ?
Plus récemment, le 25 mars 2021, un article de Femme actuelle s’intitulant No bra : comment adopter la tendance sans soutien-gorge (sans faire vulgaire) ? est sorti. Cet article laisse lui aussi penser, qu’encore aujourd’hui, ne pas porter de soutien-gorge est déplacé.
Tout cela explique que le soutien gorge, s’il représente un mythe permettant de maintenir éternellement ses seins ronds et fermes, il est aussi un moyen de se “protéger” du regard des autres, surtout en milieu professionnel.
Ne pas être perçue comme vulgaire, négligée, provocatrice, sans pudeur, ou autre (la liste peut être longue), cela passe donc aujourd’hui encore par le port du soutien-gorge. Ce dernier est donc un énième élément sur la longue liste occupant la charge mentale des femmes. Faire le choix du No-bra ne devrait concerner que la femme qui choisit de ne plus porter de soutien-gorge.
Petit rappel
Rappelons-le : la pensée féministe, portée par l’association, implique que chaque femme est libre de disposer de son corps comme elle le souhaite. Le choix du port du soutien-gorge fait partie de cette liberté. Il s’agit ici de déconstruire l’idéalisme accordé au corps de la femme par le soutien-gorge.
Anna Cariou
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