Retour sur le Colloque Violences de genre au prisme du Droit

Le mardi 15 décembre 2020, nous avons assisté avec grand intérêt au Colloque organisé par l’Université de Namur consacré au thème des violences de genre au prisme du droit.

Le programme semblait étonnant à première vue mais pourtant alléchant. Etonnant, parce que sur 6h45 de colloque, 1h40 étaient consacrées à d’autres violences que celles faites aux femmes. Si nous comprenons immédiatement l’importance d’aborder la question trans* et intersexe, l’intervention centrée sur les discriminations faites aux hommes dans le cadre de la paternité nous laissait pantoises. Nous y reviendrons.

Nous étions, donc, impatientes d’assister à ce colloque attendu de longue date. 

Pourtant, nous n’avons pas vraiment été conquises à quelques rares interventions près.

Revenons-en au Colloque.

Difficultés techniques

Pour une raison technique, alors que nous étions connectées un quart d’heure avant le début du colloque, nous n’avons pu le rejoindre que 35 minutes après son début. Nous avons donc raté l’introduction et la partie la plus conséquente de l’intervention, pourtant intéressante, consacrée à la reconnaissance juridique du féminicide comme moyen de lutte contre les violences de genre. Les bugs techniques sont choses qui arrivent. Nous n’en tenons pas rigueur, même si nous sommes fort déçues.

Abus sexuel

Nous relevons, cependant, que comme de nombreux et nombreuses juristes, Stéphanie WATTIER et Nathalie COLETTE-BASECQZ parlent d’abus sexuels et d’abuseurs en parlant de violences sexuelles et d’agresseur.es. Cet abus de langage, si nous osons cette formule, est plus que maladroite et vraiment malvenue. En effet, parler d’abus suppose d’avoir, préalablement un droit. Or, les agresseurs n’ont aucun droit sexuel sur leurs victimes, encore moins quand il s’agit d’un.e mineur.e.

Personnes trans* et intersexes

L’intervention suivante concerne l’appréhension des violences subies par les personnes trans et intersexes au prisme des droits humains : une révolution douce. Elle est donnée par Géraldine MATHIEU, Anne-Catherine RASSON et Mathieu ROLAIN. Elle aborde, notamment, l’historique des lois concernant le transgendérisme et l’intersexuation mais aussi leurs manquements. Cette partie est assez intéressante et permet de mieux comprendre les enjeux.

Le colloque a mis, notamment, en exergue une problématique trop peu visibilisée : les interventions hormono/chirurgicales non-vitales sur les enfants intersexes. Aujourd’hui, près d’un enfant sur mille naitrait intersexe, c’est à dire avec des caractères sexuels (génitaux, gonadiques ou chromosomiques) qui ne correspondent pas aux définitions binaires types des corps masculins ou féminins. 

Nous ajoutons que c’est là que le bât blesse. Souvent, les bébés ou jeunes enfants intersexes sont opérés pour que leurs caractères sexuels soient entièrement féminins ou entièrement masculins sans aucune raison médicale. Certaines personnes intersexes sont opérées plus tard, dans l’enfance ou à l’adolescence, une ou plusieurs fois. Malheureusement, il ne s’agit pas toujours d’une seule opération définitive et qui « règle le problème ». La plupart subissent des opérations multiples, et/ou des « traitements » hormonaux lourds, avec des conséquences désastreuses, tant sur le plan physique que psychologique. 

Les concerné.es estiment que ce sont de véritables mutilations qui n’ont aucun bienfait médical voire qui ôte jusqu’à plusieurs années d’espérance de vie. Ces opérations sont douloureuses et souvent présentées comme inévitables aux parents alors que médicalement, rien ne justifie de les faire et encore moins lorsque l’enfant est si jeune.

C’est pourquoi, conformément aux recommandations onusiénnes, il est urgent d’interdire les opérations sur les enfants intersexes sans leur consentement. Aussi, les acteurs de terrain militent pour abaisser l’âge légal de changement de genre qui est aujourd’hui de 16 ans.

Discrimination à l’égard des hommes

« Le code civil est matriarcal »

Arrive la troisième intervention, consacrée donc aux discriminations à l’égard des hommes dans l’établissement de la paternité, donnée par Jacques FIERENS. Nous y apprenons que le féminisme n’est pas clairvoyant (merci beaucoup) mais aussi que le Code civil est devenu matriarcal en 1987 suite à la modification de la loi sur l’établissement de la paternité (sic).

Cette affirmation, sortie de nulle part, va à l’encontre des définitions sociologiques de matriarcat, puisqu’il n’y a pas, ici, de système matriarcal mais simplement une disposition législative qui favorise, selon l’analyse de ce monsieur, les femmes au détriment des hommes. Il parait donc exagéré et déplacé de parler de discrimination. En effet, des mesures différentes pour différentes catégories de situations peuvent être totalement justifiées. En l’occurrence, la différence de traitement entre la femme qui enfante et le co-parent nous semble adéquate étant donné la réalité de leurs situations respectives. De plus, il ne s’agit pas ici de sexe ou de genre puisqu’une co-mère est logée à la même enseigne qu’un père et n’a pas plus de facilités à faire reconnaître sa parentalité, sinon moins.

Ce favoritisme serait dû au fait qu’on tient compte de l’intérêt de l’enfant et de l’accord de la femme pour établir la paternité, ce qui lui parait une absurdité sans nom.

Rappelons, cependant, que la parentalité est une arme utilisée par de nombreux agresseurs pour continuer à avoir la main mise sur leur ex-compagne à travers les enfants. Ainsi, il n’est pas rare de voir des pères, anciens compagnons violents, totalement absents de la vie de leurs enfants, imposer un choix concernant l’école ou les dispensataires de soin. Non pas pour le bénéfice de l’enfant mais dans l’unique objectif de continuer à avoir du contrôle dans une relation à laquelle la femme a mis fin.

Actions en recherche de paternité

Maïté BEAGUE évoque alors la question des actions en recherche de paternité introduites à l’encontre d’hommes qui ne souhaitent pas être pères. L’intervention dénonce la paternité imposée. Elle soulève le paradoxe suivant : d’un côté, la mère peut imposer au père de tenir ce rôle et de l’autre, le père désireux que la filiation à l’égard de son enfant soit établie se heurte à un contrôle accru. Son intervention ne nous convainc pas. Notamment, elle passe sous silence la responsabilité du père dans la conception de l’enfant. En outre, elle ne prolonge pas le raisonnement jusqu’au bout, en analysant les différentes conséquences des autres possibilités juridiques éventuellement disponibles. Nous renvoyons le lecteur ou la lectrice au mémoire d’Eve DELVOSAL, primé et publié par l’Université des femmes, à ce sujet.

Nous constatons que les mécanismes de filiation sont loin d’être parfaits et égalitaires. Cependant, les deux interventions n’ont apporté aucune piste pertinente d’amélioration ou de réflexion sur le sujet, à notre sens.

Quelques éléments philosophiques

Nathalie GRANDJEAN prend la parole pour ce qui nous parait être l’une des interventions les plus intéressantes et pertinentes du colloque : quelques éléments philosophiques pour penser les violences de genre dans le contexte de 4ème vague féministe. Elle parle de patriarcat, de la notion de genre, de ses risques. Nous buvons ses paroles, claires et structurées.

Violences envers les femmes

Diane BERNARD et Sarah GANTY poursuivent brillament en parlant des violences de genre versus les violences envers les femmes. Elles rappellent l’importance des chiffres et que les femmes sont une catégorie en soi qui méritent d’être protégées en tant que telles.

Excision et circoncision

Après une pause midi bien méritée, le colloque reprend avec Marie-Pascale ALLARD et Pauline TAPIERO qui parlent d’excision et circoncision : comparaison abusive ou double standard juridique injustifié ? Cette question nous fait peur, dans un premier temps. Les amalgames entre les deux seraient faciles. Pourtant, il n’en est rien. La comparaison permet de mettre en avant les points communs et les différences entre excision et circoncision. Nous regrettons cependant une absence de mise en perspective des chiffres de comparaison entre les deux, oubliant que la circoncision se pratique aussi sur des hommes adultes, ce qui n’est généralement pas le cas des excisions mais aussi que la circoncision peut avoir lieu pour raison médicale, au contraire de l’excision. La présentation, cependant, reste claire et intéressante.

Droit administratif

Le colloque se poursuit avec Marc NIHOUL, Benoît CUVELIER et François XAVIER qui évoquent l’administration face aux violences de genre. L’intervention est assez plate et peu intéressante, malheureusement, se contentant d’un relevé juridique pur des décisions jurisprudentielles. Nous regrettons que l’analyse n’ait pas été plus loin, même si l’orateur, lui-même, explique qu’il a cadré son intervention pour ne pas s’éparpiller, ce qui nous comprenons aisément.

Responsabilité dans l’IVG

Arrive alors l’intervention la plus improbable du colloque. Catherine BERT parle de la responsabilité dans la prise de décision d’une interruption de grossesse : une violence de genre(s). Si une partie de ses réflexions sont intéressantes, notamment le poids qui pèse sur les épaules des femmes quant au choix de l’IVG, on peine à comprendre où elle veut en venir. Elle n’aborde pas la question de la charge mentale inégale de la contraception. Mais, surtout, elle conclut son intervention en expliquant, sans sourciller, que l’égalité fracture la société… Nous restons pantoises…

Risques progessionnels

Valérie FLOHIMONT, Manon ANTOINE et Alexandra TASIAUX présentent une intervention sur les différences de genre au regard des risques professionnels. L’intervention survole des statistiques genrée sur différentes notions liées aux accidents professionnels et à la prévention. Malheureusement, elle ne pousse pas suffisamment la réflexion, selon nous.

Homophobie en Tchétchénie

Après une nouvelle pause bien nécessaire, arrive la dernière partie du colloque. Noémie BLAISE aborde le thème de la Cour pénale internationale au secours des victimes d’actes homophobes commis en Tchétchénie. Cette intervention, passionnante au demeurant, tombe un peu un plat puisqu’elle annonce, d’entrée de jeu, que la Cour pénale internationale n’est pas compétente. Dommage d’avoir abordé la question sous cet angle. Cependant, plusieurs informations et réflexions pertinentes sont élaborées au cours de cette riche intervention.

Répudiation

Michaël MALLIEN traite ensuite de la question de la violence de genre et droit international privé : la femme répudiée par son mari est-elle protégée adéquatement ? Si le sujet est passionnant, l’intervention se limite, malheureusement, à un cours de Droit international privé, rappelant les normes en vigueur dans ce genre de cas. Un très bon rappel donné par un excellent orateur mais qui manquait, cependant, à notre sens, d’analyse critique en profondeur du sujet.

Violences sexuelles dans les conflits armés

Elise DELHAIS continue le colloque en abordant les violences sexuelles commises dans le cadre des conflits armés. Nous sommes fort déçues de l’intervention, à nouveau. Mme DELHAIS conclut à un manquement du droit international concernant les violences sexuelles faites aux hommes. Pourtant, ces violences sexuelles-là ne sont pas revendiquées comme arme de guerre, à notre connaissance, ce qui justifie la différence de traitement.

Les athlètes intersexes

Juste avant la conclusion de la brillante Diane ROMAN, une dernière intervention de Romain MERTENS aborde la question : quand les discriminations mènent aux violences de genre : le cas des athlètes intersexes. Nous terminons ce colloque par une intervention riche et très intéressante abordant tour à tour les discriminations dont les athlètes intersexes sont victimes ainsi que le contexte et les conséquences variées qui les entourent. Il propose des comparaisons intéressantes permettant de comprendre à quel point ces discriminations n’ont aucun fondement.

Intervention de conclusion

Enfin, Diane ROMAN conclut ce long et inégal colloque. Après un début difficile à écouter, suite à un défaut technique, la deuxième partie de son intervention est claire et intéressante, se questionnant, notamment sur l’équivalence ou non des notions de violence et de discrimination.

Nos impressions

De ce colloque, nous ressortons mitigées et déçues.

Globalement, nous n’avons pas appris grand-chose. Il était trop superficiel pour celles et ceux qui s’intéressent au sujet et trop abstrait pour celles et ceux qui le découvrent.

Nous regrettons que les interventions se soient succédées, passant d’un thème précis à un autre, sans grand fil rouge, et surtout sans débat ni questions ni même mise en perspective. Bien que deux temps de questions-réponses aient été prévus, le fait qu’ils aient lieu en fin de matinée et de journée a rendu l’exercice bancal. Du reste, peu de participant.es en ont profité pour prendre la parole bien que de riches échanges avaient lieu sur le chat.

La richesse de la liberté académique a montré, ici, ses limites. Certaines interventions n’étaient que peu voire pas du tout pertinentes vu les enjeux traités.

Nous espérons que l’ouvrage qui en découle apportera plus d’éléments intéressants permettant aux juristes de s’approprier la question du genre à travers leur pratique du droit. Cependant, nous attirons l’attention du lecteur ou de la lectrice sur le contenu de certaines interventions peu concluantes. Il est dès lors important de garder ces éléments à l’esprit lors de la lecture de l’ouvrage.

Miriam Ben Jattou
Ysaline Matthis
Ilona Swenne

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