Interruption médicale de grossesse

Interruption médicale de grossesse

Petite note d’introduction : J’ai principalement basé la rédaction de cet article sur le dossier « Interruption médicale de grossesse et deuil périnatal » publié par le CHU de Liège. Je vous invite donc à vous y référer pour une réponse plus détaillée sur le sujet.

Par ailleurs, j’utilise dans cet article le mot « femmes » par soucis de lisibilité. Mais je m’adresse bien sûr à toute personne susceptible de tomber enceinte, quelle que soit son identité de genre.

I. Qu’est-ce qu’une interruption médicale de grossesse ?

Aussi appelée avortement thérapeutique, l’interruption médicale de grossesse correspond à une interruption de grossesse pratiquée pour des raisons médicales. Il n’y a pas de restriction de délai sur cette intervention.

On utilise parfois l’acronyme I.M.G. pour la désigner.

Il existe deux cas où l’interruption médicale de grossesse peut être réalisée.

  • Premier cas : La grossesse met gravement en péril la santé de la femme.
  • Second cas : Il existe une forte probabilité que l’enfant à naitre soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue incurable au moment du diagnostic. Cela inclut les maladies génétiques, les anomalies chromosomiques telles que les trisomies 21, 18 et 13, les malformations sévères et les infections. Dans certains cas, l’enfant à naitre ne survivra pas à la naissance ou décèdera dans ses premières années de vie. Il en est de même si l’enfant portera un handicap physique et/ou mental important qui ne pourra être traité.

II. Comment est réglementé l’accès à l’interruption médicale de grossesse en Belgique ?

La Belgique autorise l’interruption médicale de grossesse au-delà du délai fixé pour une interruption volontaire de grossesse. C’est-à-dire même après 12 semaines de grossesse. Cette intervention s’inscrit donc dans un cadre légal sous le respect de certaines conditions.

La loi du 15 octobre 2018 modifie le code pénal et la loi du 13 août 1990. Elle définit ce cadre :

« Au-delà du délai de douze semaines, la grossesse peut être interrompue volontairement seulement si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou lorsqu’il est certain que l’enfant à naître sera atteint d’une affection d’une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Dans ce cas, le médecin sollicité s’assure le concours d’un deuxième médecin, dont l’avis est joint au dossier. »

La loi prévoit que seul un/une médecin peut pratiquer une interruption de grossesse, dans de bonnes conditions médicales et au sein d’un établissement de soins. De plus, cet établissement doit disposer d’un service d’information chargé d’accueillir la femme enceinte et de lui fournir toutes les informations nécessaires.

Lorsqu’une patiente fait la demande d’une interruption médicale de grossesse, le/la médecin doit lui expliquer les risques médicaux qu’elle pourrait encourir, à court ou à long terme. Il/elle doit aussi l’informer des différentes solutions d’accueil possibles pour l’enfant à naître. Enfin, il/elle doit s’assurer que la patiente est bien déterminée à poursuivre sa démarche.

En outre, la loi précise également que : 

« L’intervention ne pourra être pratiquée avant un délai de 6 jours après la première consultation prévue et après que la patiente a exprimé par écrit le jour de l’intervention sa détermination à y faire procéder. »

Enfin, il faut noter qu’une mineur.e peut décider de recourir à une I.M.G. Ce droit lui appartient même si elle n’est pas émancipée. Les soignant.e.s n’ont aucune obligation d’obtenir l’autorisation de ses parents ou tuteurs/tutrices légaux.

III. Comment se déroule l’interruption médicale de grossesse ?

La consultation préalable à l’I.M.G.

Le terme « accouchement »

L’expulsion de l’embryon ou du foetus, lors d’une I.M.G., se nomme « accouchement« . Ce terme peut heurter certaines personnes. Et j’en suis profondément désolée. Cependant, il s’agit du terme officiel utilisé en général par le personnel soignant. J’ai donc choisi de le garder pour cet article. 

Au cours de la consultation préalable, la femme va rencontrer différent.e.s professionnel.le.s de la santé.

Le/la gynécologue

Le/la gynécologue en charge de l’ « accouchement » doit délivrer à la patiente toutes les informations sur le déroulement de l’I.M.G.

La sage-femme

Si les parents décident de l’interruption de la grossesse, ils auront un rendez-vous prévu avec une sage-femme de l’équipe afin de préparer au mieux l’accouchement.

La sage-femme communique des informations concernant l’hospitalisation. Cela inclut notamment le choix d’être hospitalisée en maternité ou en gynécologie, par exemple. 

Elle répond aux dernières questions de la femme et/ou du couple.

Evidemment, elle a l’obligation de compléter le dossier médical. A cet égard, elle s’assure qu’une prise de sang avec le groupe sanguin de la maman est disponible au sein de l’institution. De plus, elle prépare les différents documents à faire signer par la femme (ou les parents, en cas d’accord entre elles/eux), le/la gynécologue et le/la psychologue. 

Dans certains cas, il faut interrompre la vie du foetus avant de procéder à l’I.M.G. Dans ce cas, la sage-femme prend un rendez-vous chez l’anesthésiste.

Enfin, elle organise la rencontre avec le/la psychologue et l’assistant.e social.e.

D’autres professionnel.le.s 

Dans le cadre d’une interruption médicale de grossesse, plusieurs professionnel.le.s doivent pouvoir accompagner la femme.

Un/une psychologue peut lui proposer un espace d’écoute bienveillant. Celui-ci lui permet d’exprimer les émotions souvent complexes que cette situation provoque.

Il/elle peut également la soutenir pour expliquer cette épreuve à ses autres enfants, à sa famille ou à ses proches. Dès lors, il/elle peut même rester présent.e après l’intervention si la femme en ressent le besoin.

Par ailleurs, un/une assistant.e social.e peut l’informer sur les démarches à effectuer après l’I.M.G. Ainsi, il/elle lui expliquera les différentes possibilités concernant le devenir du corps, l’éventuelle organisation de funérailles ou d’une crémation, ainsi que les droits ou aides auxquels elle pourrait avoir accès.

De plus, il/elle est là pour répondre à ses questions et l’accompagner dans ses choix.

Enfin, une consultation avec un/une anesthésiste peut être prévue si la femme a des antécédents médicaux particuliers ou si une interruption du rythme cardiaque fœtal est nécessaire. Ce.tte professionnel.le évalue la situation et informe sur les modalités d’anesthésie les plus adaptées.

Le protocole de l’interruption médicale de grossesse

L’interruption médicale de grossesse se déroule dans le cadre d’une hospitalisation.

Le plus souvent, l’interruption est réalisée en déclenchant médicalement l’accouchement par voies naturelles.  Pour cela, on associe plusieurs médicaments selon des modalités variables.

Les médicaments utilisés déclenchent des contractions. Et la procédure peut se révéler assez douloureuse. Selon l’âge de la grossesse, une anesthésie, le plus souvent péridurale, peut donc être programmée.

L’exemple du protocole du C.H.U. de Liège et de la Clinique Saint-Pierre d’Ottignies

Je n’ai pas de diplôme dans le secteur médical. Cependant, j’ai trouvé un exemple de protocole. J’ai choisi de vous le partager. Néanmoins, cela ne remplace en aucun cas un avis médical. Il s’agit simplement de vous transmettre une information générale. Or, votre situation particulière peut ne pas correspondre à ce qui suit. 

Au C.H.U. de Liège et à la Clinique Saint-Pierre d’Ottignies, la procédure médicamenteuse est la suivante :

Le personnel médical administre une dose de Mifegyne 48 heures avant l’hospitalisation, au bloc d’accouchement. La patiente ne peut pas prendre ce médicament à domicile. La Mifegyne prépare l’utérus. En effet, il favorise la maturation du col, sans déclencher de contractions. Après la prise, la patiente peut rentrer chez elle.

Avant 22 semaines d’aménorrhée (c’est-à-dire d’absence de règles), les contractions provoquent la naissance sans vie de l’enfant.

Au-delà de 22 semaines, les soignant.e.s réalisent un arrêt de vie fœtale avant l’accouchement. Il s’agit donc d’arrêter la vie du foetus avant de poursuivre la procédure. Pour ce faire, ils/elles injectent d’abord de la morphine dans le cordon ombilical. Cela permet d’éviter toute douleur au fœtus. Ensuite, ils/elles administrent un second médicament. Et celui-ci provoque l’arrêt du cœur du foetus.

A ce stade, on peut procéder au déclenchement de l’accouchement. Dès lors, le personnel déclenche l’accouchement par voie naturelle grâce à l’administration de Cytotec. Une sage-femme accompagne la patiente pendant tout le déclenchement.

Une fois le travail lancé, l’accouchement peut être rapide, surtout si le foetus est petit.

Mais parfois, les choses ne se déroulent pas aussi bien que prévu. En cas d’échec de la technique médicamenteuse, l’équipe médicale peut envisager une technique chirurgicale. Ainsi, on procède à une césarienne, lorsque le foetus a dépassé une certaine taille.

Après l’accouchement

Après l’accouchement, la sage-femme emmène le foetus dans une pièce voisine. Elle le pèse, le mesure, prend ses empreintes et quelques photos. Puis, elle l’habille selon les souhaits de sa mère/des parents. Une fois les soins maternels terminés, la mère/les parents peuvent passer un moment avec lui.

Comme pour tout accouchement, la mère reste deux heures sous surveillance au bloc. Puis, si tout va bien, elle rejoint sa chambre. En général, la sortie a lieu 24 heures plus tard, avec les coordonnées de professionnel.le.s à contacter si besoin.

Dans certains cas, les médecins proposent des examens complémentaires (autopsie, radiographie, analyse du placenta). Cela peut permettre de mieux comprendre la pathologie ou les causes du décès.

Enfin, une consultation est recommandée six semaines après l’accouchement pour faire le point sur l’état physique et psychologique de la patiente. Selon les cas, une seconde rencontre peut être prévue pour remettre les résultats et envisager une future grossesse.

IV. Quelles sont les démarches administratives qui suivent l’accouchement ?

En Belgique, à partir de 26 semaines de grossesse, les parents doivent déclarer « l’enfant né sans vie » à l’état civil. Ils doivent également choisir un prénom et un nom et organiser des funérailles. Et ils peuvent bénéficier d’un congé de naissance ainsi que d’une prime de naissance.

Entre 20 et 26 semaines, la déclaration reste facultative.

Avant 20 semaines, elle n’est pas possible. Mais les funérailles restent envisageables.

En pratique, l’assistant.e social.e ou les pompes funèbres effectuent généralement la déclaration. Mais les parents peuvent aussi la faire eux-mêmes.

Les funérailles dépendent de la durée de la grossesse. Avant 26 semaines, elles ne sont pas obligatoires, mais possibles, avec incinération ou enterrement. Si les parents ne souhaitent pas s’en charger, l’hôpital peut prendre le relais. Après 26 semaines, elles deviennent obligatoires et sont organisées avec l’aide des pompes funèbres. Le choix entre incinération ou enterrement revient aux parents, qui peuvent aussi décider du lieu de sépulture ou garder les cendres. Le coût reste à leur charge.

Pour le congé de naissance, seuls les parents d’un enfant déclaré après 26 semaines peuvent en bénéficier, à condition d’avoir effectué les démarches nécessaires (comme la pré-reconnaissance pour le père). Avant ce terme, le/la médecin délivre un certificat d’arrêt de travail.

Enfin, la prime de naissance est également accordée à partir de 26 semaines, sur demande auprès de la caisse d’allocations familiales.

V. Quelles peuvent être les conséquences sur la vie des parents ?  

Les parents peuvent ressentir le besoin de garder une trace de leur enfant. Les sages-femmes proposent des photos, des empreintes ou des objets symboliques. Des photographes bénévoles peuvent aussi immortaliser ce moment.

Le retour à domicile peut raviver tristesse, jalousie ou solitude. Ces réactions sont normales. Le deuil s’exprime différemment selon chacun.e : certaines personnes ont besoin de parler, d’autres se replient dans l’action. Le respect du rythme de l’autre est essentiel.

La grossesse suivante peut être perçue comme angoissante. Il n’y a pas de règle sur le bon moment, si ce n’est celle du repos médical à discuter avec le/la gynécologue.

Certains moments peuvent raviver des souvenirs douloureux. En parler avec les professionnel.le.s peut apaiser.

Pour l’entourage, il est essentiel de respecter la douleur des parents, sans la minimiser. Le deuil périnatal est réel, peu importe le stade de la grossesse. De simples attentions lors des dates importantes peuvent faire toute la différence.

Conclusion

Femmes de Droit n’est malheureusement pas spécialisée sur la question de l’I.M.G. Et nous ne sommes pas en mesure d’apporter des réponses complètes, notamment sur le plan médical.

Cependant, nous encourageons les personnes concernées à se tourner vers un centre de planning familial, un centre hospitalier ou un/une professionnel.le de santé, qui pourra les accompagner au mieux.

Si la personne ressent le besoin de parler, d’échanger ou d’être soutenue, certaines associations sont là :

Notez, en revanche, que notre équipe se tient à disposition du public pour répondre à ses questions sur leurs droits, y compris en matière d’I.M.G.

Mina Vantourout

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