Exhibitionnisme
Quelques définitions en langage courant
Avant de définir l’exhibitionnisme, revenons sur son étymologie. Ainsi, le mot exhibitionnisme provient étymologiquement du mot exhibition du latin exhibitum. Cela signifie « montrer, faire voir ».
En langue courante, l’exhibitionnisme est une paraphilie, c’est-à-dire un comportement sexuel déviant. Ce dernier touche majoritairement les hommes. On appelle la personne qui commet l’exhibition, un.e exhibitionniste.
La paraphilie en psychiatrie, se définit comme une « déviation sexuelle, par le choix de l’objet du désir ou la déformation de l’acte sexuel ».
Les paraphilies sont nombreuses. Ainsi, par exemple, nous pouvons penser au sadisme. Ici l’objet du désir consiste alors à faire souffrir les autres… Naturellement, il en existe beaucoup d’autres.
La notion d’exhibitionnisme
L’exhibitionnisme, quant à lui, consiste à imposer à la vue d’autrui ses propres organes génitaux dénudés ou un acte à caractère sexuel dans un lieu public.
La notion « imposer » ne vise donc pas les personnes qui exposent leurs parties génitales sur une plage ou un camping naturiste par exemple. En effet, ces lieux permettent la nudité des corps. Ainsi, les personnes présentes savent qu’elles y seront probablement confrontées.
De même, le fait de se déshabiller devant sa/son partenaire ne constitue pas en soi une exhibition sexuelle. Rappelons, cependant, que même dans le cadre intime, tout comportement sexuel impose un consentement mutuel.
Notons, cependant, que le simple envoi de photos de corps nus ne constitue pas de l’exhibitionnisme. En effet, le législateur considère qu’il n’y a pas de divulgation. Néanmoins, la réception non consentie de telles photos peut constituer du harcèlement.
En revanche, le fait de se trouver dénudé.e à son domicile de telle sorte que quelqu’un.e puisse vous apercevoir implique une infraction d’exhibition sexuelle. En effet, la nudité est interdite dès lors que l’on est visible depuis la voie publique ou bien depuis l’habitation du voisin. Précisons néanmoins que l’on parle ici de nudité visible de manière involontaire par les passant.e.s. En d’autres termes, si une personne use de stratagème pour en observer une autre nue chez elle, il s’agit alors d’une infraction de voyeurisme dans son chef.
La définition juridique de l’exhibitionnisme par le code pénal belge
La loi du 21 mars 2022 modifie le Code pénal belge en ce qui concerne le droit pénal sexuel. En effet, elle insère l’article 417/53 du code pénal. Ce dernier pose un cadre légal à l’exhibitionnisme. L’article se situe dans la section relative aux infractions portant atteinte à l’intégrité sexuelle, au droit à l’autodétermination sexuelle et aux bonnes moeurs.
Ainsi, le Code pénal dispose que
« l’exhibitionnisme consiste à imposer à la vue d’autrui ses propres organes génitaux dénudés ou un acte à caractère sexuel dans un lieu public, ou accessibles aux regards publics ».
La sanction pénale peut consister en un emprisonnement de 8 jours à 1 an et une amende de 26 à 500 euros.
Il faut donc réunir deux conditions juridiques.
Tout d’abord, l’exhibition sexuelle doit avoir lieu dans un endroit public ou accessible au public. Dès lors, il importe peu qu’il y ait ou non des personnes spectatrices.
Ensuite, la personne qui a commis l’infraction doit l’avoir fait en toute conscience et volontairement.
Profil de l’exhibitionniste
Habituellement, les exhibitionnistes regroupent trois caractéristiques d’un point de vue psychiatrique et psychologique. Tout d’abord, on repère une forme d’immaturité psychologique. Ensuite, on constate la présence de conflits psychologiques précédemment réprimés et une tendance aux sentiments d’humiliation. Enfin, ces individus font fréquemment preuve de réaction anti-sociale violente lors de situations humiliantes.
Par conséquent, ces caractéristiques justifient la nécessité d’un traitement et d’une thérapie psychologique.
D’un point de vue psychothérapeutique, l’acte répréhensible se dissocie du contexte thérapeutique. En effet, ce travail – qui n’est pas facile – a lieu entre le/la thérapeute et le/la patient.e. Il dépend de la motivation du/de la patient.e à rechercher de l’aide.
Par ailleurs, les thérapeutes remarquent classiquement que les exhibitionnistes, comme les autres auteur.e.s d’infractions sexuelles, ne savent pas pourquoi ils/elles agissent de la sorte. Ils/elles décrivent une force intérieure qu’ils/elles ne peuvent contrôler. Les difficultés rencontrées dans leurs relations sont généralement dues à un ancien conflit psychologique resté dans l’inconscient (refoulé) et par conséquent, non résolu.
L’exhibitionnisme et son étendue : qui ? quand ? comment ?
Public cible
Une étude américaine a été réalisée en 2016 au sujet de l’exhibitionnisme, entre 2010 et 2017. Celle-ci montre que 66% des victimes d’actes d’exhibitionnisme sont des femmes et 34% sont des hommes.
En ce qui concerne l’âge, les jeunes restent les plus touché.e.s par cet acte délinquant (entre 18 et 25 ans), avec 3,6% en moyenne contre 1,6% pour le reste de la population.
Par ailleurs, sur un échantillon de 459 étudiant.e.s, plus de 40% des femmes ont déjà été victimes d’exhibitionnisme durant leur vie.
En France, pour les personnes âgées entre 18 et 76 ans, 560.000 personnes ont déclaré avoir été victimes d’un tel phénomène. Cependant, les autorités ont seulement recensé moins de 6.200 victimes d’exhibition sexuelle. Cela signifie que les actes d’exhibitionnisme sont très peu dénoncés par les victimes.
Contexte de l’exhibitionnisme
Les actes d’exhibitionnisme sont souvent commis dans la rue, à domicile ou dans les transports en commun.
Pour qualifier l’infraction, l’exhibition sexuelle doit avoir lieu dans un endroit accessible au public.
Les lieux publics par nature (une rue, un quai…) se distinguent des lieux publics par destination qui sont accessibles au public durant un certain temps (une église, une auberge…).
Conséquences de l’exhibitionnisme
Une étude menée par Cox (1998) a interrogé des femmes victimes d’exhibitionnisme. 18% d’entre elles déclarent avoir eu des expériences bouleversantes.
Aussi, Riordan (1999) relève que plus de 28% des femmes victimes d’exhibitionnisme admettent que leurs déplacements et leurs activités sociales ont été affectées d’une manière ou d’une autre par l’incident.
Ainsi l’exhibitionnisme peut entraîner des conséquences négatives à long terme sur les victimes.
La question de l’exhibitionnisme sur les mineur.e.s
L’article 417/54 du code pénal indique que
« l’exhibitionnisme en présence d’un mineur ou d’une personne dans une situation de vulnérabilité en raison de son âge, d’un état de grossesse, d’une maladie ou d’une infirmité physique ou mentale était manifeste ou connue de l’auteur, est puni d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d’une amende de 100€ à 1000€ ».
Il existe donc deux circonstances aggravantes à l’exhibitionnisme inscrites par le code pénal belge : la minorité et la vulnérabilité d’une personne.
D’autre part, une étude réalisée en Floride montre que 65% des hommes coupables d’exhibition ont déjà agressé des enfants. Ainsi, limiter l’étude de l’exhibitionnisme seulement aux témoins âgé.e.s de 18 à 76 ans invisibilise une part importante des victimes de cette paraphilie.
Exhibitionnisme et liberté d’expression : le cas des Femen
Les militantes Femen revendiquent un féminisme radical. À travers ce mouvement et afin de véhiculer leurs idées, elles exposent leurs seins dénudés. Elles y inscrivent divers messages politiques. Ce comportement a donné lieu à une décision de justice sur laquelle nous voulons revenir.
Les faits
Commençons par résumer brièvement les faits de l’affaire.
Une militante du mouvement s’introduit au musée Grévin. Elle se dévêt, portant l’inscription « Kill Putin » sur elle.
La statue de cire du président russe tombe à la suite de cette manifestation.
Les autorités françaises arrêtent la militante. Elles la poursuivent notamment pour exhibitionnisme.
La solution retenue par la Cour de cassation
La Cour de cassation française rend sa décision, nommée arrêt, en date du 26 février 2020. Elle répond à la question de savoir si la militante de ce mouvement peut être condamnée pour exhibition sexuelle au sens du code pénal français ?
Notons, à ce sujet, que le droit pénal français retient la même définition qu’en Belgique.
En l’occurrence, l’intéressée revendique un acte purement politique. Elle estime qu’il s’agit de son droit à la liberté d’expression politique.
Pourtant, la Cour de cassation confirme que la seule exhibition de la poitrine d’une femme entre dans les conditions de l’exhibitionnisme inscrites dans le code pénal, peu importe que l’intention soit dénuée ou non de connotation sexuelle.
La Cour de cassation a cependant reconnu pour la première fois, au regard des circonstances de l’infraction, la possibilité de pouvoir revendiquer la liberté d’expression politique afin d’échapper à une condamnation pour exhibition. Pour ce faire, elle se réfère à l’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits Humains (CEDH) qui garantit la liberté d’expression.
Notons, avec ironie, que la Cour aurait pris une décision radicalement différente si les faits avaient concerné des tétons masculins.
Clara Chavanas
Références juridiques
- Code pénal : article 417/53
Ressources
Pour aller plus loin
- Texte de la réforme du Code pénal
- M’Piayi, M. (2019). Les actes d’exhibitionnisme. Flash’ Crim, n°23.
- Clark, K. S., Jeclic E. L., Calkins C., Tatar, J. R., (2016). More Than a Nuisance: The Prevalence and Consequences of Frotteurism and Exhibitionism. Sexual Abuse: A journal of Research and Treatment, 28 (1), p. 3-19.
- Henrion, T., (2002). De l’outrage public aux bonnes mœurs. La réforme du droit pénal sexuel, (p. 64-70). Anthemis.
- Chopin-Mercé, M-J., (2001). Exhibitionism & Psychotherapy: A Case Study. International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology, 45(5), p. 626-633.
- Blocman, A., (2020). Liberté d’expression : une militante Femen échappe à une condamnation pour exhibition sexuelle. Dalloz Actualité
- Kuty, F., (2020). Cass. France (ch. crim), 26 février 2020. Journal tribunaux, 2020, p. 421-424
- Guillemain, A., (2023) Exhibition sexuelle, définition juridique : ce que dit le Code pénal. Justifit.
- Colette-Basecqz, N., & Blaise, N., (2011). Des outrages publics aux bonnes mœurs. Les infractions contre l’ordre des familles, la moralité publique et les mineurs, 3(7), p. 251-293. Larcier.