Tout le monde ne fait pas des études en droit. C’est un fait et ce n’est pas grave ! Cependant, la justice doit pouvoir être comprise par quiconque, et ce, par des mots simples et clairs. En effet, le système judiciaire apparait complexe et difficile à comprendre pour la majorité des personnes.
Nous allons essayer d’éclaircir ces notions.
Ce système peut être distingué en deux grandes branches : la justice civile et la justice pénale. Mais, concrètement, de quoi parle-t-on ?
C’est quoi la justice civile ?
Quand on parle de justice civile ou des juridictions civiles, cela vise des conflits (qu’on appelle litiges) qui existent entre personnes. Ça peut concerner des personnes physiques (monsieur ou madame « Tout-le-monde ») ou des personnes morales (par exemple, une société).
Les conflits peuvent être de différentes natures. Par exemple, un litige peut concerner la famille, des problèmes de location, des problèmes de vente, etc. Ainsi, les litiges peuvent être très variés.
Notons par ailleurs que l’initiative d’entamer une procédure dans ce type de conflits appartient aux personnes.
Les juridictions
En matière civile, il y a donc différentes juridictions compétentes en fonction du litige.
Prenons deux exemples que l’on peut rencontrer dans la vie courante.
Tout d’abord, le juge de paix est le tribunal désigné comme « celui des petits litiges » et « proche du citoyen ». Il a comme compétence « phare » le louage d’immeubles (Code judiciaire, art. 591), c’est-à-dire les questions relatives aux locations. Ainsi, si un bailleur a un problème avec un locataire, c’est vers cette juridiction qu’il devra se diriger.
Ensuite, le tribunal de la famille est compétent pour les demandes relatives à l’autorité parentale ou l’état de la personne (Code judiciaire, art. 572bis). Ainsi, pour un changement de filiation, c’est ce tribunal qui est bel et bien compétent.
Si vous cherchez une compétence bien spécifique, vous pouvez vous rendre sur le site https://www.tribunaux-rechtbanken.be/fr
Prescription
En matière civile, nous pouvons distinguer la prescription acquisitive de la prescription extinctive.
La prescription acquisitive est le fait qu’après un certain laps de temps, on acquiert un droit. Par exemple, si j’ai volé une écharpe à ma voisine, je suis de mauvaise foi, et je ne deviendrai propriétaire de l’écharpe qu’après 30 ans (Nouvelle loi du 4 février 2020 sur le droit des biens, entrée en vigueur le 1er septembre 2021, art. 3.27).
La prescription extinctive c’est le fait que suite à une inaction prolongée, une personne perd son droit. Les durées sont variables en fonction du cas devant lequel on se trouve.
Par exemple, un prestataire de soins qui fournit des services médicaux a deux ans pour réclamer le montant des services fournis, et ce, à partir de la fin du mois au cours duquel ils ont été fournis (Code civil, 2277bis). Ainsi, si l’hôpital vient vous réclamer une facture qui date, par exemple, de plus de 3 ans, elle n’a plus le droit de vous obliger à payer celle-ci.
C’est quoi la justice pénale ?
En ce qui concerne la justice pénale, elle vise à poursuivre les auteurs d’infractions. Ces infractions sont inscrites dans le Code pénal et dans des lois particulières. On peut considérer que le Code pénal reprend les valeurs fondamentales qui sont partagées par la société. Les principales qui nous viennent en tête sont le fait de ne pas tuer, de ne pas voler, de ne pas brûler, de ne pas escroquer, etc.
L’initiative d’entamer des poursuites n’émane pas des personnes, comme au civil, mais du ministère public, chargé de représenter la société.
Les juridictions
En matière pénale, on retrouve notamment 3 juridictions : le tribunal de police, le tribunal correctionnel et la Cour d’assises.
Tribunal de police
Le tribunal de police connaît des infractions qui sont des contraventions. Par exemple, en cas de bruits ou de tapages nocturnes de nature à troubler la tranquillité des habitants (Code pénal, art. 559). Le tribunal de police est compétent pour certains délits qui lui sont attribués par la loi ou encore pour certaines matières civiles.
Tribunal correctionnel
Le tribunal correctionnel est compétent pour connaître des délits et des crimes correctionnalisés ainsi que des appels des décisions rendues par le tribunal de police en matière pénale. Par exemple, le vol simple dont on a parlé ou encore le vol avec violences ou menaces si celui-ci a été correctionnalisé.
On peut faire appel des décisions du tribunal correctionnel devant la cour d’appel. Seules les décisions rendues « en première instance » devant le tribunal permettent ce recours.
Pour les décisions rendues « en appel » devant le tribunal correctionnel ou les décisions de la cour d’appel, il est encore possible d’introduire un recours en cassation à certaines conditions. Notamment, la cour de cassation ne juge pas du fond du litige mais des questions de forme et de procédure.
Cour d’assises
La cour d’assises est compétente pour les crimes non-correctionnalisés, c’est-à-dire des crimes pour lesquels il n’y a eu aucune circonstance atténuante qui a été admise.
De plus, la cour d’assise est compétente pour les délits de presse et les délits politiques.
Les peines
Les poursuites peuvent donner lieu à la condamnation d’une peine qui peut prendre différentes formes. Les plus connues sont : l’emprisonnement, la peine de travail, la peine de surveillance électronique, l’amende ou encore la confiscation spéciale.
On entend également souvent parler de sursis et de suspension du prononcé, ou encore de sursis ou suspension probatoire. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Sursis
Quand une personne est condamnée « avec sursis », c’est que la peine est prononcée mais que le juge reporte son exécution, d’une durée pouvant varier de 1 à 5 ans (Loi du 29 juin 1964, art. 8). Cependant, la peine est inscrite au casier judiciaire.
En pratique, cela signifie que si la personne condamnée ne commet aucune infraction durant la période de sursis, elle n’exécutera pas sa peine.
Suspension du prononcé
Quand on prononce « la suspension du prononcé » à l’égard d’un prévenu, le juge ne prononce pas la peine mais il en suspend son prononcé pendant un délai qui varie également entre 1 et 5 ans (Loi du 29 juin 1964, art. 3). Ainsi, la peine n’est pas inscrite au casier judiciaire.
Suspension ou sursis probatoire
Finalement, quand on parle de suspension ou de sursis probatoire, cela veut dire que le juge prévoit d’autres conditions que le délai d’épreuve pour la suspension ou le sursis. Par exemple, ça peut être un suivi psychologique (Loi du 29 juin 1964, art. 3 et 8).
À noter que pour pouvoir bénéficier soit du sursis soit de la suspension du prononcé (probatoire ou non), des conditions bien spécifiques doivent être remplies.
Les différentes infractions
En Belgique, nous avons trois types d’infractions énumérées par ordre de gravité : les contraventions, les délits et les crimes.
A noter qu’un délit peut devenir un crime en raison d’une circonstance dite aggravante. Par exemple, un vol simple est un délit (Code pénal, art. 463). Si le vol est effectué avec effraction, celui devient un crime (Code pénal, art. 471, §1, al. 2).
Nous connaissons également un mécanisme de correctionnalisation. En effet, une grande partie des infractions, qualifiées de crimes, peuvent être donc correctionnalisées et devenir des délits. La loi du 4 octobre 1967 sur les circonstances atténuantes reprend une série de crimes pouvant être correctionnalisés.
Notons que toute peine prévue par la loi qui n’excède pas 20 ans de réclusion (1) permet une correctionnalisation d’un crime. Cela aura d’une part, une influence sur la peine applicable et d’autre part, le tribunal compétent. En effet, un vol avec violences et menaces est un crime, puni de la réclusion de 5 à 10 ans. Si ce vol n’est pas correctionnalisé, la juridiction compétente est la cour d’assises. Au contraire, si ce vol est correctionnalisé, celui-ci passera d’une peine pouvant aller de la réclusion de 5 à 10 ans, à un emprisonnement d’un mois à cinq ans (Code pénal, art. 80). De plus, ce vol sera de la compétence du tribunal correctionnel.
Quand une infraction est établie
Lorsqu’une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction, il faudra vérifier que 3 conditions sont remplies.
Tout d’abord, il faut ce qu’on appelle l’élément légal, c’est-à-dire que l’infraction qui est reprochée à son auteur doit être prévue par la loi.
Ensuite, il faut l’élément matériel. Ca peut être un fait ou une omission. Par exemple, pour qu’une personne puisse être reconnue coupable de l’infraction d’un vol, il faut une « soustraction frauduleuse de la chose qui ne lui appartient pas ».
Enfin, il faut un élément moral. Dans le cas de l’exemple du vol, il faut que la soustraction soit frauduleuse, qu’il y ait eu donc une intention, dite spécifique, de l’auteur.
Prescription
En matière pénale, généralement, on parle soit de prescription de la peine, soit de prescription de l’action publique.
La prescription de l’action publique signifie que le parquet (appelé aussi ministère public et qui représente la société) ne peut poursuivre une personne qui a commis une/des infraction(s) que dans un certain délai. On retrouve les différents délais à l’article 21 et 21bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Par exemple, et sous réserve d’exceptions, le délai de l’action publique est de 20 ans à partir du jour où l’infraction a été commise lorsqu’il s’agit d’un crime punissable de la réclusion à perpétuité. C’est le cas de l’assassinat, par exemple (Code pénal, art. 394). Il existe un nombre limité d’infractions où il n’y a pas de prescription de l’action publique. Par exemple, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ou les génocides (Code pénal, art.136bis, 136ter et 136quater). Depuis fin 2019, les violences sexuelles faites sur mineur.e.s sont également imprescriptibles, ce qui constitue un changement positif conséquent.
La prescription de la peine fait en sorte qu’après l’écoulement d’un certain délai, la personne condamnée ne devra plus exécuter sa peine. Cependant, bien qu’elle ne devra donc pas exécuter la peine, la condamnation existe bel et bien et sera toujours inscrite au casier judiciaire, par exemple.
Illustrons par un autre exemple. Si Monsieur X est condamné à une peine correctionnelle, cette peine ne devra plus être exécutée après l’écoulement d’un délai de 5 ans depuis « la date de l’arrêt ou du jugement rendu en dernier ressort, ou à compter du jour où le jugement rendu en première instance ne pourra plus être attaqué par la voie de l’appel » (Code pénal, art. 91).
Précisions terminologiques
On entend très souvent parler d’inculpé, de prévenu ou encore d’accusé. Concrètement, quelle est la différence ?
Quand on emploie le terme d’inculpé, il s’agit d’une personne contre laquelle on a de sérieux doutes qu’elle est coupable et qui fait l’objet de ce qu’on appelle une inculpation par le juge d’instruction. On a donc suffisamment d’éléments à charge, mais elle n’est pas encore reconnue (possiblement) coupable. En effet, elle bénéficie de la présomption d’innocence.
Quand on parle de prévenu, il s’agit d’une personne qui est citée devant le tribunal de police ou devant le tribunal correctionnel.
Finalement, lorsqu’on parle d’accusé, il s’agit uniquement d’une personne qui doit répondre de son crime devant la cour d’assises.
Ainsi, il n’est pas rare en pratique de confondre les termes de prévenu et d’accusé, ce pourquoi nous avons apporté quelques précisions.
Personne lésée ou partie civile
Nous terminerons cet article par une explication sur ce que signifie se déclarer personne lésée ou se constituer partie civile.
Quand une personne est dite victime d’une infraction (par exemple, un attentat à la pudeur) et a porté plainte, celle-ci peut se déclarer personne lésée ou se constituer partie civile.
Le statut de personne lésée se situe au milieu entre un plaignant et une partie civile. Cela veut dire qu’elle va acquérir certains droits pendant toute la procédure. Par exemple, elle devra être tenue au courant si l’affaire est classée sans suite, c’est-à-dire lorsque le procureur du roi (qui fait partie du parquet) décide de ne pas lancer des poursuites.
En outre, elle doit être tenue au courant si une date d’audience devant une juridiction est fixée. Depuis une loi du 27 décembre 2012, la personne lésée a également la possibilité d’accéder au dossier et de demander une copie de celui-ci. On pourrait donc se dire que l’intérêt est relativement mince de se déclarer partie lésée. Cependant, soulignons que si une personne dépose « simplement » une plainte, elle ne sera pas tenue au courant des différentes avancées.
Lorsqu’une personne se constitue partie civile, elle est amenée à payer une certaine somme, en guise de caution. Cette somme sert à payer d’éventuels frais de procédure et lui sera remboursée en cas de condamnation, notamment.
La partie civile a la possibilité d’imposer au parquet de poursuivre la personne accusée. Cependant, en cas de non-lieu (c’est-à-dire si la personne n’est finalement pas condamnée), les frais de procédure peuvent être entièrement à charge de la partie civile.
La constitution de partie civile permet de réclamer des dommages et intérêts pour réparer le dommage subi.
Sources diverses
BLAISE, N. et COLETTE-BASECQZ N., Manuel de droit pénal général, 4ème éd., Limal, Anthémis, 2019.
THUNIS, X., Droit des obligations II, t. II : Le régime général des obligations, syllabus, Université de Namur, 2019-2020.
DEMARS, S., « 4 – La victime et les spécificités du procès pénal » in La victime, ses droits, ses juges, Bruxelles, Éditions Larcier, 2009, p. 81-100.
DE GRAVE, F., « Le statut juridique de la personne lésée », B.J.S., 2013/497, p. 11.
https://www.tribunaux-rechtbanken.be/fr
(1) Nom donné pour qualifier une peine privative de liberté lorsqu’il s’agit d’un crime.
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Louise Dalla Valle
effectivement ce texte rend tout ce cafarnom beaucoup plus clair et il a le mérite d’être fait pour les gens lambda. Belle initiative. Je ne connaît absolument rien aux droit, au système judiciaire et tout ce qui va avec ! Je n’ai pas les connaissances pour juger ce que tu dis ! mais c’est vraiment très explicite, félicitations mademoiselle.
Merci Valérie, ça me fait vraiment plaisir !
Il s’agit du système belge, donc ce n’est pas la même chose en France. Cependant, c’est chouette, tu en as appris un peu plus sur la Belgique 😉