Les sites de rencontre pour adolescent.e.s, un instrument mis à disposition d’adultes pour dominer et menacer l’intégrité des enfants.
Les sites de rencontre et leurs utilisateurs/utilisatrices ont largement évolué ces dernières années. Une véritable dérive prend place dans notre société. Une dérive banalisée par l’émergence des nouvelles technologies, et mettant en danger les enfants. Ceux-ci deviennent alors la cible de véritables prédateurs. Dès l’enfance, une course aux réseaux sociaux anime les plus jeunes. C’est en profitant de cet essor auprès d’elles/eux, que les dirigeants de plateformes virtuelles ont développé des sites de rencontre pour adolescent.e.s. Des plateformes de rencontre dites respectueuses des droits de l’enfants et des principes gravitant autour de la protection de l’enfance. Les sites de rencontre deviennent des espaces virtuels dans lesquels les adultes s’enrichissent et violent impunément des droits fondamentaux.
Cet article a ainsi un objectif de conscientisation des politiques publiques des violences qui prennent place dans notre société, soi-disant respectueuses des droits humains et des droits de l’enfant. En effet, face aux sites de rencontre pour adolescent.e.s, la Convention internationale relative aux droits de l’enfant de 1989 (CIDE) est, sans cesse, bafouée.
Détermination de la minorité et l’accès aux sites de rencontre
La minorité détermine plus ou moins la capacité d’un.e enfant à être reconnu.e juridiquement responsable de ses actes, et donc responsable moralement de ses engagements.
Comment peut-on interpréter l’inscription d’un.e mineur.e sur un réseau social ou un site de rencontre pour adolescent.e.s ?
Définition de la minorité
L’article 1er de la CIDE est une base légale internationale posant une définition de la minorité. Ainsi, une personne est considérée mineure dès lors qu’elle est âgée de moins de 18 ans, sauf aménagement contraire au niveau national. Le droit national belge prévoit aussi cette délimitation à l’âge de 18 ans. Une délimitation qui refuse certains droits aux mineur.e.s. Des droits comme celui de consommer de l’alcool, du tabac, …
Sur les réseaux sociaux
Cependant, c’est une délimitation qui profite d’un aménagement dans le domaine des réseaux sociaux. En effet, à l’instar de Facebook, l’âge minimum des utilisateurs/utilisatrices est de 13 ans. Cette limite se base sur le cadre légal imposé par Children’s Online Privacy Protection Act. Cette convention interdit la collecte en ligne d’informations personnelles d’enfants âgé.e.s de moins de 13 ans.
Au niveau européen, un règlement de l’union européenne[1] pose un cadre légal limitant la possibilité de collecte de données personnelles de mineur.e.s à partir de l’âge 16 ans ou plus. Ce règlement autorise, en outre, cette collecte de données pour des enfants âgé.e.s entre 13 ans et 16 ans sous condition d’un accord parental.
Il est important de comprendre que l’inscription sur un réseau social subordonne une collecte de données personnelles du nouvel utilisateur/de la nouvelle utilisatrice. C’est dans ce cadre que les bases légales citées ci-dessus régissent, en partie, l’âge légal auquel un.e utilisateur/utilisatrice peut s’inscrire sur une plateforme virtuelle.
Accord parental
De facto, les sites de rencontre pour mineur.e.s et les réseaux sociaux se doivent de demander une autorisation parentale pour les mineur.e.s âgé.e.s de 13 ans à 16 ans qui souhaitent s’y inscrire. Mais en pratique, nous constatons que cette affirmation est désuète. En effet, les sites de rencontre pour adolescent.e.s, et notamment la plateforme rencontre-ados.net, ne demandent aucune autorisation parentale. Pourtant, le public cible est âgé de 13 ans à 25 ans. Il vise donc des mineur.e.s non concerné.e.s par l’autorisation européenne et soumis.es à l’obligation d’une autorisation parentale lors de l’inscription.
Cependant, les normes européennes n’obligent pas à une preuve tangible de l’autorisation parentale. Ainsi, les plateformes ne sont pas soumises à une obligation de vérifier l’autorisation parentale. Pour autant, ces plateformes rappellent cette obligation dans les conditions générales lors de l’inscription. Des conditions générales d’utilisation qui ne sont, en réalité, jamais lues par les mineur.e.s. Dans ce cadre, l’enfant n’est donc en aucun cas obligé de prévenir ses parents de son inscription, ni même de demander leur autorisation. Cela entraîne ainsi l’ignorance de certains parents sur la présence de leur enfant sur des plateformes virtuelles d’échange ou de rencontre.
Les sites de rencontre pour adolescent.e.s, une confrontation de deux tranches d’âge dangereuses pour l’enfant
Entre 13 et 25 ans…
Les sites de rencontre pour adolescent.e.s permettent à des enfants et à des adultes d’entrer en contact. En effet, l’âge des utilisateurs/utilisatrices de la plateforme est situé entre 13 et 25 ans.
N’étant soumis.e à aucune justification d’identité, il est possible pour un.e enfant d’inscrire un âge plus élevé que le sien. Et pour un.e adulte, de l’abaisser pour permettre son inscription sur la plateforme. C’est ainsi que l’on se rend compte que les échanges ne sont en aucun cas sécurisés par l’âge potentiel des personnes qui entrent en contact.
Une différence d’âge trop importante
Aussi, ces plateformes de rencontre sont largement problématiques. En effet, elles permettent à de potentiels prédateurs âgés de 25 ans d’entrer en contact avec des enfants âgé.e.s de 13 ans. Bénéficiant d’une autorité liée à l’âge, des hommes exercent librement leur domination sur des petites filles qui atteignent à peine la puberté.
Une expérience sociale avec un faux profil de jeune fille de 14 ans
J’ai créé un profil sur la plateforme rencontre-ados.net dans lequel j’ai indiqué avoir l’âge de 14 ans. J’ai alors pris conscience du fait que ces sites de rencontre pour adolescent.e.s ne sont pas bénins ni bénéfiques pour l’enfant. Ces sites mettent en danger les enfants et cela librement au profit de prédateurs, se faisant passer pour des jeunes adultes de 25 ans.
Une dizaine de minutes après la création de mon profil – censé être celui d’une enfant âgé de 14 ans, donc – j’ai reçu une vingtaine de demandes d’hommes âgés de 20 à 25 ans. J’ai constaté que je recevais largement moins de demandes d’ami de la part de mineur.e.s, que d’hommes adultes. Puisque oui, un homme âgé de 20 ans ou de 25 ans n’est pas un adolescent. C’est un adulte normalement porteur d’une responsabilité qui l’amène à avoir conscience de ses actes et à être juridiquement et pénalement responsable.
Impunité totale
Pour autant, cette plateforme permet à des prédateurs d’exercer leur domination en toute impunité. Une question se pose sur les créateurs de ces plateformes et de leur intérêt à permettre à des majeur.e.s d’accéder à un site qui se dit réservé aux adolescent.e.s.
L’intérêt est très certainement financier et capitaliste. En effet, cette tranche d’âge étendue permet l’augmentation du nombre potentiel d’utilisation de la plateforme. De manière consciente ou non, les créateurs d’espaces virtuels comme ceux-ci profitent financièrement de la prédation exercée par des hommes âgés de plus de 20 ans. La ligne directrice de ces plateformes est dès lors de profiter des violences infantiles pour s’enrichir. Une belle démonstration du non-respect des droits de l’enfant au profit d’adultes. Adultes qui, en âme et conscience, transgressent une norme sociétale : celle du respect de l’intégrité sexuelle des mineur.e.s.
Une intégrité sexuelle des enfants bafouée par des plateformes virtuelles de rencontre
Un.e enfant confronté.e à des prédateurs sexuels : une des conséquences des sites de rencontre pour adolescent.e.s.
Des comportements pédocriminels naissent ainsi au sein des échanges virtuels entre les utilisateurs/utilisatrices.
En créant mon profil, j’ai eu la malheureuse opportunité de découvrir les agissements d’hommes dénués d’intégrité morale et de valeurs. Des hommes qui adoptent des comportements de prédateurs sexuels en échangeant avec des enfants âgé.e.s de 13 ans. Une réalité dont doit prendre connaissance la moralité publique et notre société. Les politiques doivent prendre conscience qu’il existe un véritable réseau pédocriminel qui s’alimente sur ces plateformes de rencontre.
Echanges à caractère sexuel
Une dizaine de minutes après la création du profil sur la plateforme rencontre-ado.net – se faisant passer pour une fille de 14 ans, pour rappel – le profil a reçu de nombreux messages d’utilisateurs proposant l’échange de messages à connotation sexuelle ou bien des propositions d’envoi de photos à caractère sexuel par l’intermédiaire de réseaux sociaux comme Snapchat. Ce sont principalement des hommes âgés de 20 à 25 ans qui ont été auteurs de ces échanges, ne se rendant évidemment pas compte qu’ils parlaient à un faux profil et qu’ils conversaient en réalité avec une femme de 21ans.
Un traumatisme potentiel
Mais remettons ces faits dans un contexte dans lequel c’est un.e enfant qui reçoit effectivement ces messages. Un.e enfant, qui n’a peut-être pas prévenu ses parents de son inscription. Et n’a donc aucun.e adulte référentiel.le pour en parler. Se retrouvant seul.e face à son écran d’ordinateur ou de téléphone, comment est-il/elle censé.e réagir ? On ne peut pas admettre de certitude sur la façon dont un.e enfant peut réagir. Mais la création de traumatismes suite à la perception de messages à caractère sexuel non consentis ou d’insultes est quand même bien réelle.
Les plateformes de sites de rencontre pour adolescent.e.s se disent soucieuses du bien-être de leurs utilisateurs/utilisatrices. Dans ce cadre, les modérateurs/modératrices auraient une mission de contrôle des agissements des différent.e.s utilisateurs/utilisatrices pour éviter la mise en danger de mineur.e.s. Mais il s’agit d’un contrôle qui n’est visiblement pas efficace puisqu’il a suffi de 10 minutes de présence sur rencontre-ado.net pour que le profil créé soit enseveli de messages à caractère sexuel ou de messages de haine. D’autant plus que ce site propose aussi la création de conversations publiques autour d’un sujet, qui gravitent bien souvent sur l’échange de messages sexuels mêlant des enfants de 13 ans et des hommes et des femmes âgés de 20 ans à 25 ans.
Une menace pour l’enfant qui dépasse l’espace virtuel des plateformes
Des rencontres réelles qui suivent des discussions virtuelles
Des hommes et des femmes – majoritairement des hommes – profitent de ces applications pour entrer en contact avec des enfants. Le risque est que ces adultes parviennent à déterminer des points de rencontre en dehors de l’espace virtuel. Par un système de date similaire à celui des sites de rencontre, il est largement possible pour des utilisateurs/utilisatrices de se rencontrer en dehors de la plateforme, qu’importe le nombre d’années qui les séparent.
Mécanisme en oeuvre
Analysons les échanges qui prennent place sur ces plateformes. Très vite, on perçoit que les hommes âgés entre 20 et 25 ans incitent les plus jeunes à participer à une désinformation de leurs parents. C’est ainsi, que l’on constate que de nombreux parents ne sont pas au courant que leur enfant échange avec un.e inconnu.e. Pour ces raisons, on peut affirmer qu’il existe un risque que des enfants rencontrent de jeunes adultes, sans pour autant que leurs responsables légaux soient au courant. Une rencontre qui n’est donc soumise à aucune protection parentale.
Le cadre officieux de ces rencontres permet à un potentiel agresseur d’agir impunément sans que la victime – un.e enfant – soit en capacité de dénoncer ou d’extérioriser à un.e adulte de confiance ce qui lui est arrivé.
Isoler l’enfant de son cercle familial ou amical est un objectif recherché par ces agresseurs, utilisant les sites de rencontre pour adolescent.e.s comme un espace dénué de moralité et de loi, qui viendrait contraindre leurs actions.
Prendre position, dénoncer et boycotter ces plateformes
Olivier Papon et Thomas Mester sont les gérants respectifs des plateformes NoDaron et rencontre ado. Ces sites mettent en danger les plus jeunes au profit de leur richesse personnelle. Ils n’élaborent aucun mécanisme de protection à l’égard des plus jeunes. Cependant, ils ont conscience des violences qui prennent place sur leurs plateformes. Mais, ils banalisent et cautionnent ces violences sous l’égide de la responsabilisation des enfants et des parents.
Pourtant, il n’est pas possible de cautionner ces violences, tout comme l’inaction des gérants de ces plateformes. Donner accès à un.e enfant aux espaces virtuels, c’est aussi veiller à la protection de celui/celle-ci. Dans le cas contraire, on se rend responsable de ce qui peut lui arriver. Il est donc logique d’affirmer que ces dirigeants se rendent complices des agressions virtuelles que subissent les enfants et des conséquences pour ceux/celles-ci.
Ces sites de rencontre pour adolescent.e.s ne permettent en rien aux enfants d’échanger entre eux. Ils favorisent principalement les comportements pédocriminels de certains utilisateurs.
Comment agir ?
Dès lors que l’on se place dans une société respectueuse des droits fondamentaux et protectrice des droits de l’enfant, il n’est pas possible de tolérer l’action de ces plateformes.
Boycotter ces plateformes paraît être alors la première action possible, mais elle n’est pas suffisante. Les politiques publiques doivent s’emparer de cette problématique et agir en conséquence. Réguler l’action et le profit des créateurs d’espaces virtuels à destination de mineur.e.s devrait être le mot d’ordre dans une société numérisée comme la nôtre.
Je considère, ainsi, que sous l’égide de la Convention internationale des droits de l’enfant, il/elle devrait être protégé.e des attaques à sa dignité sur les espaces virtuels. Comprenant les espaces virtuels comme de nouvelles menaces.
Océane Kerisit
[1]Règlement (UE) 2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE