La réalité est-elle trop commune pour être acceptable ?

J’ai mal de dire que l’on a toutes connu ce moment. Celui où l’on se force. Celui où l’on dit non. Celui où l’on dit non, mais que notre “non” est ignoré. Alors, au bout de 10 “non”, on finit par “céder”. Non, à ce moment-là, nous ne sommes pas consentantes. Nous sommes épuisées. Nous sommes apeurées.

Car doit-on vraiment se débattre et hurler à en perdre la voix ? On entend souvent que les femmes qui sont violées ne se sont pas débattues. Parfois, on leur reproche presque qu’elles ne soient pas mortes. Le viol doit-il être particuliérement monstrueux pour être pris en considération? Doit-on y laisser notre vie pour qu’enfin vous en fassiez une réalité ?

La vérité, c’est que le viol est partout. Partout mais surtout dans la sphère privée. Le viol est “banal”.  Comprenez-bien que le violeur n’est pas le monstre que l’on croise dans la rue en pleine nuit à 3h du matin en rentrant de soirée. Non, le violeur, c’est ton mec, ton frère, ton père, ton oncle, ton meilleur pote..

On le sait toutes. On connait toutes une victime de viol ou d’agression sexuelle, mais aucun homme ne connaît d’agresseur ou de violeur. Laissez-moi rire !

Alors prenons conscience de la réalité. Cessons de croire que ce n’est pas dans notre entourage. Mettons-nous face à nos contradictions et acceptons la réalité pour mieux la vaincre. Car oui, c’est le but : vaincre cette réalité qui est difficile à accepter. Cette réalité que l’on trouve atroce. Cette réalité qui est effroyable.

Pour vaincre cette réalité, éduquons-nous. Éduquons notre entourage. Cessons de nous coller des œillères quand il s’agit de traiter des “vrais problèmes”. Peut-être que c’est le début de la guérison du monde? Pendant longtemps j’ai, moi aussi, préféré ignorer certaines choses. Et, j’ai honte de le dire, mais j’ignore parfois encore les choses trop dures. Mais ce n’est pas la solution. Non, car à force d’ignorer la réalité, on finit par la tolérer et par accepter l’inacceptable. Et l’inacceptable, c’est ton meilleur pote qui agresse sexuellement devant toi, Monsieur, qui reste passif et qui n’y voit là qu’un autre de tes secrets bien gardés entre amis. 

Je rêve d’un monde où ce genre de réactions n’existera plus. Mais peut-être faut-il pointer cette réaction du doigt pour que vous cessiez d’agir de la sorte face à ce genre de situation. Car sous votre excuse de fraternité, messieurs, vous vous rendez coupables de complicité. Cette complicité écoeurante, vomitive, on n’en peut plus !

De fait, cette complicité écoeurante est la raison de notre souffrance. Elle est aussi la raison des problèmes qui persistent. Car si tu défends ton meilleur pote quand tu le vois emmerder une fille en soirée, Macron de son côté, a des conversations “entre hommes” avec Darmanin quand il s’agit de parler des agressions sexuelles dont celui-ci a été auteur. Et ça, c’est ce qu’on appelle la “fraternité” en 2021. Bel exemple, Manu !

La vérité, c’est que sous cette réaction anodine que tu peux avoir face à ton pote qui se comporte en agresseur, il y a tout le système patriarcal. Et ce système, nous devons le détruire. En ce moment, on parle de “non-mixité”, mais ne vivons-nous pas dans un système non-mixte ? Le système dans lequel nous évoluons est un système fait par des hommes et pour des hommes. Des hommes qui se protègent entre eux pour mieux pouvoir agresser par la suite.

Mais quand défend-on les femmes ? Où défend-on les femmes ? Si ce n’est visiblement pas dans les tribunaux, alors commençons à réagir dans la plus banale des soirées. Dressons-nous ensemble contre ce système et faisons-le évoluer. Et le moins qu’on puisse faire, c’est de confronter la réalité. Et la réalité, elle est souvent devant ta porte.

Alors, je le rappelle encore une fois, car cela me semble nécessaire, mais quand je dis “non”, ce n’est pas un jeu coquin, c’est parce que je n’ai pas envie. Quand tu ne respectes pas mon “non”, et que tu insistes, tu ne respectes pas mon consentement. Si je finis par dire “oui”, c’est sans doute car je suis épuisée, que j’ai peur. Alors à ce moment-là, saches qu’on ne fait pas l’amour, saches qu’on ne baise pas non plus. Non, à ce moment-là, tu me violes. Car finir par céder n’est pas consentir.

Et oui, c’est la réalité de la majorité d’entre nous. La réalité est bien banale mais n’en est pas moins grave et pas moins réelle.  Alors, je vous le demande, acceptons cette réalité, aussi terrible soit-elle et prenons nos armes pour la vaincre. Et la plus belle arme que vous puissiez nous apporter Messieurs, c’est sans doute votre réaction face aux comportements de vos petits camarades ou encore la reconnaissance de vos agissements. Ne vous cachez plus derrière cette fraternité malsaine, évoluez !

Juliette Lebatteur

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