L’inscription de l’inceste dans le Code pénal

L’inscription de l’inceste dans le Code pénal n’est pas un vain combat.

En effet, actuellement, l’inceste n’est pas mentionné en tant que tel dans le Code pénal.

Nous militons pour que ça change.

Certains juristes nous disent qu’il s’agit là d’un vain combat. Si l’inceste n’est pas mentionné, il est par contre repris comme circonstance aggravant du viol et de l’attentat à la pudeur et c’est déjà suffisant. Ce ne serait qu’un symbole et il ne servirait à rien de l’ajouter.

Et pourtant…

L’importance des symboles

D’abord, les symboles, c’est important. Nous utilisons chaque jour des symboles et leur accordons parfois beaucoup d’importance ! Pensons, par exemple, aux billets de banque. Ce sont des symboles qui représentent une certaine valeur.

Personne ne s’offusque de ne pas porter de sacs remplis d’or pour payer ses courses. Le symbole du billet nous suffit. Il ne s’agit pourtant que d’un morceau de papier qui n’a aucune valeur en tant que telle, si ce n’est celle que nous lui accordons symboliquement.

Dès lors, même si l’ajout de l’inceste dans le Code pénal ne devait être qu’un symbole, ce serait déjà un combat louable et précieux en soi.

Mais, ce n’est pas le seul argument en faveur de l’inscription de l’inceste dans le Code pénal.

L’archétype de l’inconnu

Les violences sexuelles sont réprimées par le Code, par le biais de l’infraction d’attentat à la pudeur et du viol (passons déjà sur le terme d’attentat à la pudeur, mais, nous y reviendrons dans un autre billet).

L’ensemble du fonctionnement du droit pénal pour la répression des violences sexuelles se base sur le schéma archétypal de l’inconnu qui viole une femme adulte dans un parking désert le soir.

Or, cela ne concerne qu’une petite minorité des violences sexuelles. Rappelons, à cet égard, que l’immense majorité des auteurs de violences sexuelles sont des membres de l’entourage proche de leurs victimes.

Modes de preuve

Le mode de preuve par excellence des violences sexuelles sont la récoltes d’indices médico-légaux tels que des fluides dans les zones vaginales, anales ou bucales, des prélèvements sous les ongles, les vêtements, etc.

Ces preuves n’existent que lorsque les victimes déposent plainte immédiatement après le viol.

Si cela peut être fréquent lorsque le viol a lieu par un inconnu, cela devient rare quand il s’agit d’un proche voire quasi inexistant lorsqu’il s’agit d’inceste. En effet, l’enfant victime d’inceste n’a pas la capacité de dénoncer les violences qu’il/elle a subies juste après la commission de l’infraction.

Dès lors, ce sont d’autres mécanismes qui vont se mettre en oeuvre pour sa survie physique et mentale. Mécanismes auxquels le droit belge reste sourd.

Une circonstance aggravante

Si on revient à notre Code pénal actuel, l’inceste est une circonstance aggravant de l’attentat à la pudeur ou du viol.

Mais, qu’est-ce qu’une circonstance aggravante, au fond ? Ce sont des circonstances qui, ajoutées à l’infraction première, viennent aggraver l’infraction. Il s’agit de la même infraction, mais, un ou plusieurs degrés au-dessus.

Est-ce que l’inceste est vraiment une circonstance particulière d’une infraction ?

A notre sens, non. Les caractéristiques spécifiques de l’inceste en font une infraction à part entière. On ne peut pas le relier simplement à l’attentat à la pudeur ou au viol.

En effet, tant les éléments constitutifs de l’infraction que les différents modes de preuves sont spécifiques à l’inceste.

Caractéristiques de l’inceste

De manière non exhaustive, notons que l’inceste a un caractère intra-familial, d’abord. C’est une relation malsaine qui se superpose à une autre.

L’inceste s’inscrit dans un climat d’emprise d’un adulte sur un enfant. Cette emprise est encore accentuée par la relation familiale qui unit l’enfant et l’adulte. Or, l’enfant a besoin de croire que les adultes de sa famille sont bienveillants et ne feront que des choses allant dans son intérêt. En effet, seul, il ne peut survivre. Sa survie dépend de ces adultes. L’enfant se trouve donc coincé entre la violences et les conséquences qui en découlent d’une part, et l’impossibilité de nommer ou d’identifier ces comportements comme problématiques, d’autre part. C’est ce que Muriel Salmona nomme l’effraction psychique.

Les modes de preuves relèvent plutôt des témoignages mais aussi des différentes expertises psychologiques, psychiatriques et médicales.

Enfin, les délais de prescription ne peuvent se calquer aux délais prévus pour les adultes. D’abord parce que les enfants n’ont pas forcément la capacité matérielle de déposer plainte. Mais, aussi parce que les mécanismes de survie impliquent une mémoire traumatique, parfois liée à une amnésie traumatique. Il n’est donc pas rare que les victimes ne soient en état de dénoncer les violences qu’après de nombreuses années.

Une infraction à part entière

Pour définir une infraction, on se base sur ses éléments constitutifs. A notre sens, les éléments constitutifs de l’inceste sont tellement spécifiques qu’ils justifient de faire l’objet d’une infraction en tant que telle. Décider que ça n’en vaut pas la peine, c’est comme affirmer, quelque part, que le viol, c’est une circonstance aggravante du vol, parce qu’on s’attaque au corps plutôt qu’aux biens matériels.

En faire une infraction à part entière permettra aussi un focus sur cette question. Ce ne sera plus une vague circonstance aggravante qu’on ne nomme pas mais une infraction à étudier en tant que telle avec toutes ses spécificités.

Ainsi nous pourrions espérer une meilleure prise en charge juridique et judiciaire de ce fléau. Et si ce ne sera évidemment pas suffisant pour lutter contre l’inceste, ce sera assurément un pas nécessaire à franchir.

C’est pourquoi l’inscription de l’inceste dans le Code pénal est l’une de nos recommandations reprises dans le Cahier de politisation de l’inceste.

2 réflexions sur “L’inscription de l’inceste dans le Code pénal”

  1. Merci beaucoup pour cet article très bien construit, je suis d’accord avec vos propos en tous points. Il me semble que c’est pareil pour le droit pénal français : « circonstance aggravante », sans doute parce que la justice juge d’un fait précis et ne prend pas en compte les conséquences énormes et dévastatrices qui suivent l’enfant dans sa construction par la suite, conséquences que nous devront subir toute notre vie.

  2. L’humanité affolée par des siècles de débauche aspire au bonheur et regarde en arrière vers les temps héroïques, où fut, dit-on, l’amour, qui seul pourra régénérer le monde.
    Histoire du « péché originel », c’est-à-dire du premier acte sexuel et ses conséquences aujourd’hui :
    L’homme subit, par cela seul qu’il naît homme, les conséquences d’un ordre de choses contre lequel, pour se sauver lui- même, il doit lutter.
    La déchéance est certaine, elle suit la faute dont les conséquences pèsent, non seulement sur l’homme coupable, mais sur toute sa descendance. Cette condamnation contre laquelle les modernes protestent et qui leur semble une injustice absurde, est le résultat de l’hérédité. L’homme transmet à sa descendance ses facultés comme il lui transmet ses organes. S’il diminue ses conditions psychiques individuelles, il donne à ses enfants des facultés amoindries. Les rationalistes modernes disent : Chacun est responsable de ses fautes. Oui, quand ces fautes n’atteignent pas l’organisme ; mais quand la faute est de nature à modifier le fonctionnement physiologique de l’homme et à lui imprimer une tare qui est héréditaire, la faute retombe sur la postérité.
    Le péché originel a diminué la valeur morale de l’homme, il a donc été une cause de déchéance pour l’humanité tout entière.
    Les conséquences premières de la chute, accumulées par la répétition de cette action dans chaque individu, à travers les générations, ont pris des proportions effroyables.
    Le mystère de la « Chute » a une importance capitale, c’est le nœud de notre condition qui prend ses replis et ses retours dans cet abîme. Une preuve de plus de notre dégénérescence morale est celle-ci : L’ordre est partout, l’homme seul fait exception. L’Univers entier est ordre, l’homme seul est désordre.
    Un choc perpétuel existe entre sa raison et son cœur, entre son entendement et son désir. Quand il atteint au plus haut degré des civilisations, il est au dernier degré moral ; il s’appauvrit en idées, en même temps qu’il s’enrichit en sentiments. Son péché s’étend comme un voile entre lui et l’Univers (et c’est ce qui cause la désunion de l’homme et de la femme). L’unité du monde a été vaincue et l’humanité doit en porter la peine.
    L’homme est tombé dans la conception misérable du fini, alors qu’il était né pour l’infini.
    C’est le problème fondamental, le problème humain et divin. C’est le dogme intérieur de l’humanité. Une crise terrible fermente en ce moment, parce que le dogme de la chute masque les plus grands problèmes philosophiques.
    Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/psychologieetloidessexes.html

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