L'abus de pouvoir et/ou d'autorité

Dans cet article, nous allons parler de la notion d’abus de pouvoir. Nous allons d’abord définir les différents termes. Ensuite, nous verrons les bases légales qui encadrent l’abus. Enfin, nous analyserons différentes situations d’abus, son impact sur les femmes et le contexte dans lequel il se présente. Ce sera, alors, l’occasion de faire le point sur les démarches juridiques possibles.
1 Quelques définitions
Le pouvoir
Le pouvoir consiste en une relation d’autorité, de droit ou de fait, qui permet à une personne d’adresser des injonctions à plusieurs autres personnes.
L’abus
L’abus est le fait d’outrepasser certains droits, d’aller au-delà d’une norme, d’une règle. Nous en parlons dans un article qui le dénonce pour l’appellation « abus sexuel ».
L’abus de pouvoir ou l’abus d’autorité
L’abus de pouvoir ou l’abus d’autorité se définit comme une contrainte morale. Elle s’exerce sur quelqu’un.e par une personne qui se sert de son autorité de fait ou de droit, pour l’obliger à accomplir un acte contraire à ses intérêts.
La personne qui abuse de son pouvoir dépasse les limites « légales » de sa fonction. Et elle en fait un usage déloyal.
Ainsi, l’abus de pouvoir peut se traduire par des actes d’intimidation, de harcèlement, de menace.
La différence avec l’abus d’autorité juridique
Il est important de faire une différence entre l’abus d’autorité juridique et l’abus d’autorité morale.
D’une part, l’abus d’autorité juridique arrive quand une personne investie d’un pouvoir légal en fait un usage injuste, excessif ou contraire aux droits fondamentaux.
Tandis que, d’autre part, l’abus d’autorité morale ne repose pas sur une contrainte légale. En effet, elle repose plutôt sur une influence psychologique. Celle-ci peut être de la manipulation ou de l’exploitation émotionnelle.
2 Le cadre juridique
Dans le code pénal
L’article 254 du code pénal belge dispose que « toute personne qui abuse de son autorité de façon contraire à l’exécution d’une loi ou d’un arrêté royal soit de tout ordre émanant de l’autorité sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans ».
Ainsi, la loi condamne les personnes qui abusent de leur autorité, en ne respectant pas les lois ou les règlements.
De plus, la personne condamnée peut se voir retirer les trois droits prévus à l’article 31 du Code pénal :
– l’exercice de fonctions publiques ;
– l’éligibilité et
– le port de distinctions honorifiques.
Dans le droit international
Nous retrouvons la notion d’abus de pouvoir dans la Déclaration universelle des droits humains.
Ainsi, l’article 30 de la Déclaration universelle des droits humains dispose qu’ « aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant, pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés ».
Le terme juridique employé dans la présente politique pour désigner l’abus de pouvoir, la discrimination et le harcèlement est un « comportement abusif ».
3 Les différentes formes d’abus de pouvoir
Le pouvoir peut ouvrir la porte à l’abus de pouvoir. En effet, pour abuser, il faut être en situation de « domination ».
Ainsi, plus tu as de l’argent, plus tu as du prestige, plus tu as de l’autorité, plus il est possible « d’abuser ».
L’abus de pouvoir peut se manifester de diverses manières, notamment :
– demander de l’argent ;
– exiger de quelqu’un.e des faveurs personnelles ne relevant pas des attributions officielles ;
– contraindre une personne à ne pas signaler des violations/transgressions ;
– modifier les fonctions de travail d’une personne pour lui nuire ;
– solliciter des faveurs sexuelles ;
– avoir un comportement déplacé en faisant par exemple des remarques misogynes envers le sexe féminin ;
– ….
4 L’impact sur les femmes
Quand on détourne l’autorité de son objectif principal, celle-ci peut maintenir ou renforcer les discriminations envers les femmes.
Cela peut se traduire par des comportements ou remarques sexistes et/ou misogynes, du harcèlement sexuel, remise en question de son travail, licenciements abusifs liés à la maternité ; empêcher de monter plus haut dans la hiérarchie, …
Ces abus entraînent des conséquences sur les femmes. Ainsi, elles stressent, perdent leur confiance en elle, perdent leur estime d’elles-mêmes. Parfois, elles peuvent même tomber dans la dépression.
Dans la société, ces abus maintiennent et renforcent les inégalités de genre. De plus, ils reproduisent des schémas de domination. Enfin, ils freinent l’émancipation des femmes.
5 Le contexte de l’abus de pouvoir : où se produit-il ?
Les milieux des abus
L’abus de pouvoir peut se produire dans n’importe quel milieu. Ainsi, on peut l’observer dans le milieu professionnel : par la hiérarchie, entre collègues ou dans le recrutement. Il peut aussi avoir lieu dans les institutions ou l’administration à travers la justice (jugements impartiaux), dans la police et dans la politique.
Il peut également y avoir des abus de pouvoir dans les écoles ou université comme le harcèlement, le favoritisme, les professeurs abusant de leur statut sur les élèves.
Le domaine médical peut rencontrer aussi des abus de pouvoir dans la relation médecin-patient.e. Par exemple, on peut parfois observer des discriminations dans les soins. On peut aussi voir des situations dans lesquelles un.e médecin impose une décision médicale sans consentement. Ou même des tests médicaux non consentis. Sans parler des traitements inégalitaires.
A titre d’exemple
Prenons par exemple le cas d’un professeur dans une haute école. Celui-ci dispose d’un pouvoir d’autorité de transmettre des connaissances et d’évaluer et sanctionner les élèves par des notes ou des mesures disciplinaires.
Mais imaginons que ce professeur abuse de son autorité. Ainsi, de base, il est professeur d’économie. Mais, il va détourner son cours sur « la femme » comme il dit. Imaginons qu’il commence par faire une remarque misogyne sur une jeune fille. Celle-ci porte un sweat à capuche large. Imaginons qu’il lui dise : « mademoiselle, vous ne devez pas cacher vos attributs féminins. Ça ne vous met pas en valeur, ça risque de vous jouer des tours dans le cours ».
Et imaginons que le cours dévie comme ça pendant deux heures. Deux heures durant lesquelles le professeur explique ce qu’est une « vraie femme » selon lui. Et ce que les jeunes filles de sa classe devraient faire ou ne pas faire sous la conduites des « Hommes » de la classe, selon ses propos.
Dans ce cas totalement imaginaire, ce professeur abuse de sa position. Non pas pour enseigner sa matière mais pour imposer des remarques inappropriées, déplacées ou sexistes à un.e élève.
Imaginons qu’en plus, il l’intimide également en laissant entendre à l’élève que son évaluation pourrait dépendre de la manière dont elle s’habille… Ce professeur serait clairement dans un abus de pouvoir. Il outrepasserait largement ses droits. Et transgresserait ceux de ses élèves.
6 Porter plainte
Pour porter plainte pour abus de pouvoir, il faut disposer de preuves solides. Cela peut être des témoignages de personnes impliquées, des documents pertinents (mails), des enregistrement audio,…
Le témoignage des personnes impliquées est souvent une des preuves les plus importantes. Il faut alors recueillir des témoignages détaillés et précis des victimes, des témoins et des personnes impliquées dans l’abus de pouvoir.
Après avoir recueilli des preuves, il faut contacter un.e avocat.e spécialisé.e dans les abus de pouvoir. Cela permet d’obtenir des conseils détaillés.
Ensuite, il faut également contacter l’autorité compétente. Et on prépare alors une déclaration détaillée expliquant l’abus de pouvoir subi. Idéalement, c’est l’occasion de fournir toutes les preuves recueillies.
La plainte est déposée auprès de la police ou du parquet ou auprès du tribunal directement compétent ou encore dans certains cas, la plainte peut être réglée par médiation pour résoudre le conflit à l’amiable.
7 Les juridictions compétentes pour traiter un abus de pouvoir
Dans le cadre professionnel
Si l’abus de pouvoir (harcèlement, licenciement abusif,…) a un lien avec une relation de travail, employeur.euse-employé.e, alors le tribunal du travail est compétent. Cette juridiction spécialisée traite des litiges entre employeur.euse.s et employé.e.s concernant le droit du travail et de la sécurité sociale.
Par une autorité publique ou un.e fonctionnaire
Pour contester une décision administrative jugée abusive ou illégale, le Conseil d’Etat est l’instance compétente. C’est la plus haute juridiction administrative en Belgique. Elle contrôle la légalité des actes des autorités publiques.
Mais si vous souhaitez obtenir une indemnisation, vous pouvez saisir le tribunal de première instance. Ce tribunal a une compétence générale civile et pénale.
Par des agents des forces de l’ordre
Le comité P, Comité permanent de contrôle des services de la police est compétent pour signaler un abus commis par un.e membre des forces de l’ordre. Il est chargé de surveiller le fonctionnement des services de police en Belgique.
Mais dans certains cas, cet abus constitue une infraction pénale, telle que des violences policières ou de la corruption. C’est alors le tribunal correctionnel qui est compétent pour juger ces délits.
Et dans notre cas purement imaginaire ?
Reprenons l’exemple cité plus haut, visant le cas d’un abus d’autorité d’un professeur.
Dans ce cas, la plainte serait transmise à l’autorité compétente. Ici, elle serait transmise par mail à la direction, au service de coordination du bachelier en question et à la personne « Contact Genre ».
La personne « Contact Genre » est la personne de référence pour tout ce qui est question d’inégalité de genre au sein d’un établissement scolaire. Que ce soit remarque, comportement injuste, discrimination,…
Pour faire une plainte complète, le mieux serait de recueillir des témoignages des élèves subissant des abus d’autorité de la part du professeur. Et d’y ajouter, par exemple les articles du règlement de l’école que ce professeur enfreint, pour soutenir l’argumentation et la plainte.
Espérons que dans un tel cas, la direction soutiendrait les victimes. Et prendrait les mesures nécessaires pour les protéger de tout abus à l’avenir.
Quoi qu’il en soit, rappelons que les abus de pouvoir ne devraient pas exister. Chaque victime a légitimement le droit de tout mettre en œuvre pour les faire cesser.
Lisa Decamps
Références juridiques
- Code pénal
- Déclaration universelle des droits humains
Ressources
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Pour aller plus loin
- O.M.S. (Éd.), (2023). Prévention et lutte contre les comportements abusifs. Dans OMS (No 26/2023).
- 08/06/67 Code pénal – extrait ; Chapitre V Des abus d’autorité (s. d.).
- Potvin, P. (2017). L’abus de pouvoir, relation de domination particulièrement homme-femme, agression sexuelle. Groupe de codéveloppement.
- Comment porter plainte pour abus de pouvoir : un guide pratique. (s. d.). Avocat Sami Skander.
Le système judiciaire belge | Cours & Tribunaux. (s. d.).